C'est ainsi que ce mercredi 20 juin, trois visages déjà connus sont revenus devant la Cour supérieure du Québec dans le cadre du procès d'Imperial Tobacco Canada limitée, JTI-Macdonald Corporation, et Rothmans, Benson & Hedges Inc.
Un gars des études de marché et les sous-entendus du marketing
Jacques Woods a travaillé au sein de la division du marketing d'Imperial de 1974 à 1984.
En février 1977, dans le cadre d'un test de marché pour une nouvelle marque de cigarette (le projet Trojan), Woods rapportait à ses collègues les résultats d'entrevues avec des consommateurs potentiels du produit au sujet des perceptions de ces derniers concernant les expressions « la plus douce » et « la plus faible » pour qualifier la marque. (pièce 511A et notes complémentaires manuscrites).
Essentiellement, il ressortait des entrevues que l'expression « la plus faible » était davantage que l'expression « la plus douce » associée par les fumeurs à un produit à basse teneur en goudron (pour un niveau donné de nicotine). La première expression était aussi associée à un produit moins néfaste pour la santé. Par contre, l'expression « la plus douce » n'avait aucune connotation propre à fortifier l'idée que les produits du tabac sont effectivement néfastes.
M. Woods, comme les autres anciens employés d'Imperial, a répété que la compagnie ne mettait pas en marché ses produits en alléguant du caractère plus ou moins néfaste d'une marque ou d'une autre.
En avril 1978, le chef du marketing chez Imperial et patron de Jacques Woods, Anthony Kalhok, énumérait cependant une série de tendances qui allaient affecter l'avenir du commerce des cigarettes. Parmi ces tendances, la seule dont le patron du marketing ne trouvait pas utile de contrer les effets était que « les compagnies vendront de plus en plus de produits au sujet desquels des prétentions en matière de santé peuvent être sous-entendues ». pièce 133
Anthony Kalhok écrivait cela après le triomphe commercial de la Player's légère (lancée en 1976).
Interrogé hier par le procureur Bruce Johnston, le témoin Woods a finalement maintenu ses déclarations. Il y a cependant eu un moment, lors du contre-interrogatoire par Me Craig Lockwood pour le compte d'Imperial, où Jacques Woods a trahi une familiarité si grande avec l'avocat ontarien, que le juge Riordan a souhaité vérifier si le témoin avait préparé son témoignage récent avec la défense. Le contre-contre-interrogatoire de Bruce Johnston a confirmé que oui.
Le gars du laboratoire et la banalisation extrême
L'interrogatoire du chimiste Andrew Porter a commencé en retard, en partie parce que le précédent avait commencé avec une dizaine de minutes de retard par la faute de M. Woods, et en partie parce que l'interrogatoire de M. Woods par Me Johnston a duré plus longtemps que prévu par le tribunal.
C'est dans cette circonstance, à l'heure où le juge suspend habituellement les travaux judiciaires pour le dîner, que Me Pierre Boivin, pour le compte des recours collectifs, a voulu poser ses questions à M. Porter, un ancien chercheur d'Imperial Tobacco.
Me Boivin est parvenu à contrer, sauf une fois, les objections des avocats des cigarettiers au sujet de la réalité et la pertinence du lien entre ses questions et les réponses d'Andrew Porter en contre-interrogatoire par Me Deborah Glendinning le 31 mai.
Par contre, les réponses du témoin n'ont pas apporté autant de lumière qu'on aurait pu l'espérer, bien qu'elles aient confirmé que M. Porter a passé plusieurs années à parfaire son apprentissage du vrai monde du tabac, avant que les budgets du Projet Day permettent au chimiste de commencer à développer des produits moins nocifs, entreprise de longue haleine qui semble se poursuivre aujourd'hui en Suisse, plutôt qu'au Québec, et sans plus de retombée sur le marché.
Le 31 mai, lors du témoignage d'Andrew Porter, il avait été notamment question de la présence de substances cancérigènes dans la fumée des barbecues et même parfois dans l'eau qu'on boit.
En vue d'une question, Me Boivin a mis en parallèle la banalisation extrême à laquelle s'était livrée le chimiste d'Imperial, avec les fermes conclusions d'un jugement de la Cour suprême du Canada sur le caractère cancérigène des produits du tabac. M. Porter a alors répliqué à Me Boivin que la Cour suprême ne s'était jamais prononcée sur les effets cancérigènes du barbecue, une réponse qui déclenché des éclats de rire de toute la salle d'audiences.
Un instant peu plus tôt, Me Jean-François Lehoux, défenseur de Rothmans, Benson & Hedges, avait demandé au juge où allait cet interrogatoire (où il était alors question de barbecue), et le juge Riordan avait dit « Au lunch !», non sans provoquer des éclats de rire.
C'est dans ce contexte que le chimiste Porter a échappé au moindre reproche du juge et des avocats, alors que des témoins se font parfois morigéner quand ils sortent de leur rôle ou passent des remarques. L'approche de vacances d'été fort méritées avait mis tous les juristes de bonne humeur.
Des vacances qui seront courtes ou studieuses pour plusieurs d'entre eux. La pratique du droit, comme ils le savent tous, suppose un amour certain de la lecture et de l'écriture.
États financiers et budgets des compagnies
Ces dernières semaines, il a souvent, mais très brièvement, été question, dans les courts moments sans témoin à la barre, de la demande des avocats des recours collectifs de pouvoir consulter les états financiers et les budgets des compagnies canadiennes.
L'édition du blogue relative à la journée d'aujourd'hui parlera d'un débat à ce sujet.
* * * *
Pour accéder aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès en recours collectif contre les trois grands cigarettiers, il faut commencer par
1) aller sur le site de la partie demanderesse
https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm
https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm
2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information,
3) et revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens à volonté.
Il y a aussi un moteur de recherche qui permet d'entrer un numéro de pièce à conviction ou un mot-clef et d'aboutir à un document ou à une sélection de documents.
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