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mercredi 13 mars 2013

124e jour - La croyance qu'avait le public québécois dans les méfaits sanitaires du tabagisme (12 mars 2013)

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces au dossier de la preuve, voyez les instructions à la fin du présent message.

L'expert en sondage de populations Christian Bourque est revenu mardi devant le tribunal de Brian Riordan pour déposer un complément à son rapport d'expertise, conformément à ce qui avait été convenu lors de sa comparution écourtée en janvier.

Me Suzanne Côté, qui assure la défense de la compagnie Imperial Tobacco Canada, a procédé à un contre-interrogatoire en profondeur dont il est présentement difficile de discerner l'intérêt pour sa cliente. Presque toute la journée de mardi s'est écoulée à examiner la méthodologie utilisée par le vice-président à la recherche de Léger Marketing dans son analyse, et la méthodologie des firmes de sondages engagées par Imperial, et à passer en revue toutes les difficultés du métier et les précautions à prendre. Le témoin-expert de 46 ans est apparu en pleine possession de son art et a accueilli les questions sans exprimer la moindre impatience.

Il faut se rappeler que le rapport d'expertise de Christian Bourque, comme celui de l'historien Robert Proctor, ont été jugés utiles par les avocats des collectifs de victimes des pratiques de l'industrie pour contrer l'argument de fond de cette dernière que « tout le monde savait » les méfaits du tabac, sous prétexte que les journaux en ont souvent parlé depuis 1950. L'un et l'autre rapport ont comme effet de faire paraître singulièrement sommaires les rapports d'expertise des historiens sur les articles de journaux, des rapports que les cigarettiers ont commandés en vue de leur défense.

Le rapport Bourque montre que, dans les sondages qu'Imperial Tobacco faisait faire auprès des fumeurs, la perception du risque a augmenté au fil des décennies, ce qui suffirait déjà à prouver que tout le monde n'a pas toujours su le danger, ou cru au danger. C'est ainsi que, par exemple, la proportion des fumeurs au Canada qui déclaraient que fumer est dangereux pour n'importe qui est passée de 48 % en 1971 à 79 % en 1991.

Le rapport montre aussi que la perception ou la croyance souffrait d'un relativisme fort commode. Ainsi, plusieurs fumeurs qui déclaraient croire que fumer est dangereux pour tout le monde, et pas seulement pour les gros fumeurs ou les malades, croyaient aussi qu'ils pouvaient personnellement fumer quotidiennement un certain nombre de cigarettes supérieur à zéro, sans danger.

Le complément au rapport de M. Bourque qui vient d'être versé au dossier de la preuve (pièce 1380.2) confirme que les fumeurs québécois, dans leurs réponses aux sondeurs de l'industrie, en savaient moins long ou étaient moins convaincus des méfaits du tabac que les fumeurs du reste du Canada. Les écarts de perception au Québec et dans le ROC (reste du Canada) étaient statistiquement significatifs.

extrait du rapport d'expertise basé sur les sondages que faisait faire l'industrie

On peut notamment remarquer qu'environ un quart de siècle après les articles antitabac de Reader's Digest dont les anciens cadres et employés de l'industrie se souviennent si souvent à la barre des témoins, tout le monde ne savait pas encore, en particulier au Québec.

Les juristes Simon Potter, pour Rothmans, Benson & Hedges, puis Catherine McKenzie, pour Japan Tobacco InternationaI-Macdonald, ont aussi contre-interrogé l'expert Bourque.

Me Potter a semblé vouloir faire apparaître un certain manque de précision ou d'objectivité dans des déclarations faites par le vice-président de Léger Marketing lors du dévoilement des résultats de tel ou tel sondage, notamment sur la politique énergétique du Canada . Christian Bourque a bien concédé dans un cas une sur-simplification non justifiée, mais il a dans l'ensemble fait valoir la distinction entre ce que sa firme trouve et  l'usage plus ou moins tapageur que le client en fait.

L'expert Bourque a expliqué que dans un sondage sur un enjeu de politiques publiques, un résultat de 80 % d'approbation ou de désapprobation est rare et justifie des conclusions fortes, et qu'il est très rare de voir des chiffres approchant davantage le 100 %.

Quand Me Potter a voulu connaître un exemple d'une croyance où le score frôlerait le 100 %, M. Bourque a invoqué la possibilité d'une question sur la rotondité de la Terre.

Oups ! Me Potter a sorti de son chapeau un sondage réalisé aux États-Unis où on voyait qu'environ 20 % des répondants soutiennent que le Soleil tourne autour de la Terre, plutôt que l'inverse.

M. Bourque a ricané mais n'a pas manqué de remarquer que les réponses pourraient être différentes au Canada. Ironiquement, Me Potter est rarement le dernier à dénoncer l'absence de pertinence de tel ou tel document quand il ne concerne pas exclusivement des entités canadiennes ou des phénomènes au Canada.

Me McKenzie est monté au créneau pour mettre sous le nez de l'expert les résultats d'un sondage réalisé au Canada et qui montre que seulement 80 % des répondants savent qu'il y a dix provinces dans ce pays, ce qui n'empêche pas de dire que tout le monde sait cela.

Personne n'a remarqué que si cette ignorance avait une conséquence sur l'état de santé du répondant, il pourrait être utile de publier des mises en garde sanitaires illustrées.

La journée a été plus longue que de coutume. Le juge Riordan avait fermement exclu de faire revenir M. Bourque.

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Le procès en responsabilité civile des trois principaux cigarettiers du marché canadien dure depuis maintenant un an. Environ 27 milliards $C leur sont réclamés en dédommagements compensatoires et en pénalités. Les cigarettiers sont accusés notamment d'avoir dissimulé leur connaissance des risques de maladie dues à l'usage du tabac et d'avoir alimenté de fausses controverses scientifiques sur la réalité des méfaits sanitaires de leurs produits.

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Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm


2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information
3) puis revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens au besoin,
ou
utiliser le moteur de recherche sur place, lequel permet d'entrer un mot-clef ou un nombre-clef et d'aboutir à un document ou à une sélection de documents.

jeudi 17 janvier 2013

102e jour - 17 janvier - L'interrogatoire de l'expert Bourque reporté

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces au dossier de la preuve, voyez les instructions à la fin du présent message.

Ce matin, à la reprise des auditions du procès des cigarettiers, le sort de l'interrogatoire, commencé et interrompu hier après-midi, de Christian Bourque, spécialiste en sondages de population et en recherche de marché, n'était pas encore scellé.

Le témoin-expert était dans la salle, avec l'air frais et dispos, prêt à continuer à répondre aux questions des avocats qui ont requis ses lumières et à celles des avocats de la partie adverse. À 45 ans, M. Bourque est le plus jeune témoin depuis le début du présent procès (où les retraités sont nombreux), mais c'est au moins la troisième fois durant sa carrière qu'il doit livrer devant un juge la partie orale d'un rapport d'expertise. Il lui est déjà arrivé de se trouver contre-interrogé ...par Me André Lespérance, qui poursuivait à cette époque une banque, une banque qui avait recouru à l'expertise de Léger Marketing.
Ces données apparaissent
dans la pièce 63 et
dans le rapport de 2011
de Christian Bourque

Le juge Riordan avait mis hier les avocats des recours collectifs devant une alternative à deux options, et d'entrée de jeu, Me Lespérance a tenté de s'en tirer ce matin en proposant une troisième option : continuer l'interrogatoire de M. Bourque et produire ultérieurement un addendum de ce dernier à son rapport d'expertise déposé en juillet 2011.

Le magistrat a paru bien proche d'accepter cette nouvelle approche mais s'est ravisé après avoir entendu les objections des avocats de Rothmans, Benson & Hedges (RBH), de JTI-Macdonald et d'Imperial Tobacco Canada (ITCL).

Me Simon Potter (RBH) a dit préférer avoir le rapport d'expertise complet sous les yeux avant de contre-interroger M. Bourque.

Me Suzanne Côté (ITCL) a demandé que l'interrogatoire principal des recours collectifs soit lui aussi reporté, parce qu'elle avait compris, comme d'autres, que Me Lespérance aurait de toutes façons des questions supplémentaires à poser une fois l'addenda livré aux parties.

Sur le champ, les procureurs des recours collectifs ont alors planifié de faire recomparaître Christian Bourque à la barre des témoins en mars, ce qui devrait lui donner l'occasion de développer d'ici la mi-février son rapport d'expertise en apportant une réponse appropriée aux critiques possiblement constructives ou injustes des experts de la partie défenderesse.

Remercié par le juge, M. Bourque n'avait pas encore quitté la salle d'audience que les avocats des deux parties étaient déjà en train de s'entendre sur les ajustements au calendrier, ce qui n'est pas une mince tâche.


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Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm


2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information
3) puis revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens au besoin,
ou
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101e jour - 16 janvier - La difficulté d'avoir toujours le dernier mot (connaissances des fumeurs)

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces au dossier de la preuve, voyez les instructions à la fin du présent message.

Au procès des trois principaux cigarettiers du marché canadien en Cour supérieure du Québec, la journée de mercredi s'est terminée sur un suspense. Un autre.

Environ une heure avant le moment de la clôture habituelle des débats de la journée, le juge Brian Riordan a exigé des procureurs des recours collectifs qu'ils choisissent entre deux voies : soit le versement en preuve du rapport d'expertise de Christian Bourque soumis aux parties en juillet 2011, le tout à assortir de questions-réponses sur le contenu de ce rapport lui-même, à la suite d'un interrogatoire par la partie demanderesse, puis d'un contre-interrogatoire par la partie défenderesse; soit le retrait de l'actuel rapport de M. Bourque et l'enregistrement éventuel d'un rapport augmenté de toutes les matières sur lesquelles le procureur des recours collectifs André Lespérance a tenté hier d'interroger l'expert et qui ne sont pas dans le rapport, selon les avocats des cigarettiers et le juge.

Les avocats des trois cigarettiers avaient fait valoir que leurs défenses respectives étaient basées sur le rapport de juillet 2011, et le juge a estimé que Me Lespérance dépassait les bornes.

Christian Bourque
En fait, Rothmans, Benson & Hedges (RBH), JTI-Macdonald (JTI-Mac) ainsi qu'Imperial Tobacco Canada (ITCL) ont fait préparer deux rapports de contre-expertise après avoir reçu le rapport de M. Bourque, et Me Lespérance a cherché à donner l'occasion à « son » expert l'occasion de répondre par avance aux critiques des contre-experts.

Le rapport d'expertise de Christian Bourque, qui est vice-président à la recherche chez Léger Marketing, porte sur la signification et la portée des études possédées par l'industrie du tabac et destinées à mesurer la perception ou la connaissance des consommateurs quant à certains risques et dangers reliés à la consommation des produits du tabac.


Interrogatoire interrompu

La qualité d'expert en sondages de population et de chercheur en marketing de M. Bourque a été facilement reconnue par les défenseurs de RBH, JTI-Mac et ITCL. Même si Léger Marketing est une firme connue du public québécois surtout pour ses sondages sur les intentions de vote, la firme fait son beurre à 80 % du côté des études de marché pour des entreprises commerciales, et non des partis politiques ou des médias, et Christian Bourque est dans le marketing depuis environ 18 ans, comme quoi une scolarité de doctorat en science politique peut mener loin, surtout pour qui est fort en maths.

L'interrogatoire a permis à M. Bourque de fournir au tribunal une marge d'erreur qui manquait à certaines estimations contenues dans son rapport. Les défenseurs de l'industrie ont encaissé le coup.

Lorsque Me Lespérance a voulu faire faire à l'expert Bourque des comparaisons entre les résultats des sondages de l'industrie auprès des Québécois et auprès de l'ensemble des Canadiens, les objections se sont cependant multipliées, et le procédé de Me Lespérance s'est enrayé.

Grosso modo, le procureur des recours collectifs a présenté son procédé comme une économie de temps : il profite de la présence de M. Bourque à la barre des témoins pour répondre aux rapports de contre-expertise, au lieu de reconvoquer M. Bourque avec un nouveau rapport après que les contre-experts auront témoigné.

De plus, Me Lespérance a de nouveau présenté la contribution de Christian Bourque au procès comme une contre-preuve, étant donné que la défense de fond de l'industrie est de dire que « les gens ont toujours connu les méfaits du tabac », alors que l'évolution même des résultats des sondages de l'industrie au fil des décennies montre une progression des connaissances, à partir d'une situation où la confusion et l'ignorance étaient fréquentes et profondes.

Le juge Riordan n'achète pas l'argument de la « contre-preuve » à ce qui sera vraisemblablement un élément important de la preuve en défense des compagnies.


Pas comme en décembre

En décembre, avec le premier témoin-expert des recours collectifs, le professeur d'histoire Robert Proctor, la bataille sur la qualification de l'expert avait duré toute une journée.

En revanche, au bout du quatrième jour, le juge Riordan lui-même avait profité de la présence de l'expert en histoire des sciences et histoire de la cigarette pour l'interroger sur des choses qui ne se trouvaient pas dans son rapport, du moins pas dans la partie de son rapport qui a été finalement versé comme pièce au dossier de la preuve.

Cette fois-ci, en présence de l'expert Bourque, le juge a répété qu'il savait lire les résultats de sondage. Cette remarque pourrait bien attendre aussi les défenseurs s'ils s'avisent d'utiliser la voie interrogatoire pour étirer la sauce produite par certaines contre-expertises (par exemple le rapport Durand ou le rapport Duch).

(Assistaient silencieusement à l'interrogatoire de Christian Bourque, assis aux côtés des avocats des cigarettiers, les deux contre-experts: la professeure Claire Durand du département de sociologie de l'Université de Montréal et le politologue Raymond Duch de l'Université d'Oxford au Royaume-Uni.)


Des positions inégalement confortables

Toute cette affaire fait cependant entrevoir de nouveau une plausible inégalité des capacités financières des deux parties en présence dans ce procès.

Il ne s'agit pas seulement du budget disponible lorsqu'il s'agit de commander une expertise ou une contre-expertise.

En tout début de séance hier, Me Philippe Trudel a fait part de son espérance que la preuve en défense des cigarettiers, qui s'annonce longue, ne tarde pas à s'enchaîner à la preuve bientôt terminée des demandeurs, en mars, puisque qu'un tel flottement et l'incertitude empêchent les avocats des recours collectifs de prendre d'autres mandats, qui rapportent de l'argent à relativement court terme.

Faut-il rappeler qu'il n'y a pas eu de campagne auprès des malades et autres victimes des pratiques de l'industrie pour leur faire souscrire de quoi financer leur réclamation devant la justice. Les procureurs des recours collectifs gagneront le fruit de leurs efforts de longue haleine par un pourcentage sur les gains obtenus lors d'un verdict final favorable ou d'un règlement à l'amiable. En attendant, les cabinets Lauzon Bélanger Lespérance, Trudel et Johnston, De Grandpré Chait et Kugler Kandestin financent la cause par des emprunts et par d'autres mandats.

Ce ne serait pas faire preuve d'une grande audace éditoriale de dire que les avocats d'ITCL, de RBH et de JTI-Mac ne ménagent pas leurs efforts et dépensent des trésors de vigilance et d'intelligence dans la défense de leurs clients.

Si la défense est financée à la manière traditionnelle, les cabinets Osler, Harkin & Harcourt, McCarthy Tétrault, Borden Ladner Gervais, et Irving Mitchell Kalichman  facturent cependant aux compagnies de tabac les heures de travail de leurs cerveaux, peu importe l'issue du procès.

Le principal empêcheur de tourner en rond dans un procès, en cette matière comme en d'autres, c'est comme toujours le juge.

Plus tôt cette semaine, le juge Riordan, sur le mode de la plaisanterie, a passé le message de sa volonté de ne pas voir le procès s'étirer indûment.

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Le public de la salle d'audience 17.09, incluant la presse, saura ce matin si l'interrogatoire de l'expert Bourque se poursuit. Un interrogatoire en français, cela fait changement. Le sous-marin est au port.

La semaine prochaine, le témoin-expert attendu est le professeur de marketing à la retraite Richard Pollay.



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