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mercredi 11 septembre 2013

165e jour - Une industrie soucieuse de son image dans les médias

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces au dossier de la preuve, voyez les instructions à la fin du présent message.


(RPa)
Après deux jours de procès ayant toutes les allures d'un sage ballet entre Graham A. Read, ancien responsable des activités de recherche et développement chez Bristish American Tobacco (BAT) et l'avocate d'Imperial Tobacco, lundi et mardi, le ton a radicalement changé mercredi.

Les procureurs des deux groupes de personnes atteintes de maladies reliées au  tabac et qui tiennent les trois principaux cigarettiers canadiens responsables de leur malheur sont vigoureusement montés au créneau.

Ainsi le procès présidé par le juge Brian Riordan et mettant en cause les sociétés JTI-Macdonald, Imperial Tobacco Canada et Rothmans, Benson & Hedges a aussitôt pris une autre tournure. Notons que BAT possède et contrôle Imperial Tobacco Canada.

Cette 165e journée a eu deux grands mérites.

Le premier: celui d'illustrer à quel point les cigarettiers suivaient de très près ce qui s'écrivaient et étaient diffusés dans les médias et ne se gênaient pas pour signifier leur mécontentement au plus haut niveau en mettant de l'avant des arguments qui, à au moins une occasion, tenait du ridicule.

Illustration: en juin 1994, The Daily Telegraph, de Londres, publiait un article indiquant que la dépendance aux produits du tabac était due à la présence de la nicotine. Frustrée par cette assertion, la chercheuse Sharon Boyse de BAT a adressé une lettre à l'éditeur de ce réputé journal faisant valoir que les tomates, les aubergines et les pelures de patates contenaient aussi de la nicotine. Cela dit, Mme Boyse demandait ensuite à l'éditeur si ceux qui mangent de la ratatouille deviennent dépendants physiquement de la même façon que les usagers d'héroïne. Hum!

Interrogé à ce sujet, le témoin Read n'a pas semblé savoir exactement ce qu'il convenait de répliquer. Vraisemblablement venant à sa rescousse, le juge a signifié à Me André Lespérance qu'il était temps de passer à un autre point.

La dernière partie du message de Mme Boyse  était en fait une allusion directe à une prise de position du Surgeon General des Etats-Unis, en 1988, voulant que la cigarette cause une dépendance chez les fumeurs une dépendance aussi forte que l'héroïne.

Le second mérite de la journée a été de démontrer que malgré les controverses entourant le tabac, les cigarettiers voyaient à ce que leurs produits continuent, le plus possible, de jouir de la faveur populaire. Ils veillaient au grain. Des documents étaient préparés et remis aux divers responsables des relations avec les médias afin que ceux-ci soient en mesure de véhiculer des informations susceptibles de faire taire les moindres inquiétudes quant à l'effet négatif des produits du tabac sur la santé humaine.

Ces documents «d'information» étaient parfois préparés par des avocats. Quand ce n'était pas le cas, ils leur étaient soumis pour révision avant toute utilisation. On n'est jamais assez prudent. Des recours pourraient être intentés.

Un constat s'impose ici: les chercheurs pourtant davantage au fait des avancées scientifiques ne se retrouvaient donc pas au premier rang pour communiquer ce sur quoi  ils planchaient. Où ils en étaient.

Il faut dire que les cigarettiers avaient subi toute une raclée due à des propos tenus par un éminent chercheur de chez BAT, Sydney Green. Le témoin Graham l'a bien connu. Il avait travaillé à ses côtés, sous ses ordres. Interrogé à son sujet, il n'a pas voulu parler de ses qualités de chercheur. Il s'est limité à dire qu'il connaissait ses idées, sa façon de voir. On peut comprendre.

Dans une émission télé d'affaires publiques de la BBC diffusée en Angleterre le 14 avril 1980, sous le titre «Une industrie à l'agonie» (A Dying Industry) un interviewer demande à Monsieur Green:: «L'usage de la cigarette est-il dommageable?»

Le chercheur qui ne travaillait plus à ce moment-là chez British American Tobacco a répondu: «Je suis sûr et certain que la cigarette non seulement peut être dommageable, mais elle l'est.»

Il ajouta du même souffle: «Je suis pas mal certain qu'il s'agit d'un facteur majeur du cancer du poumon dans notre société.  Je crois que si nous arrivions à faire diminuer le nombre de fumeurs nous obtiendrions du même coup une diminution des cas de cancer du poumon.» Ces propos de M. Green ont été diffusés un peu partout dans le monde auprès des dirigeants des compagnies de tabac, entre autres. Ils ont été invités à préparer du matériel visant à gérer la crise au mieux.

A la fin de son témoignage, qui n'était pas tout à fait terminé mercredi et se poursuit jeudi, M. Graham pourra retourner chez lui en Angleterre.


Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès en recours collectifs contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm


2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information
3) puis revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens au besoin,
ou
utiliser le moteur de recherche sur place, lequel permet d'entrer un mot-clef ou un nombre-clef et d'aboutir à un document ou à une sélection de documents.

164e jour - Le Grand Jos connaissant

(PCr)
D'une part, il y a cette réalité d'aujourd'hui: quand un journaliste internaute se rend sur les pages en ligne de la multinationale British American Tobacco (BAT), qui possède et contrôle Imperial Tobacco Canada, le leader du marché canadien, il y trouve des admissions que le tabagisme est une cause de cancer et que le tabac rend dépendant.

Les avocats savent cela aussi et il est maintenant certain que le juge Brian Riordan de la Cour supérieure du Québec a pris connaissance de la position actuelle de BAT.

D'autre part, il y a Graham A. Read, 64 ans, le témoin du jour au procès de Montréal intenté aux trois principaux cigarettiers du marché canadien par deux groupes de personnes atteintes d'une maladie grave ou dépendantes au tabac et qui se disent victimes des pratiques des cigarettiers.

Avec ce témoin, l'avocate d'Imperial a eu cet échange lundi matin.

Me Deborah Glendinning: ... Alors vous avez eu, M. Read, au-dessus de... je dirais, 33 ans d'expérience à travailler à diverses fonctions, grimpant jusqu'à l'ultime sommet des activités de recherche et de développement chez BAT: vous a-t-on demandé, au fil de ces années, d'acquérir une compréhension de l'évolution historique et du travail que BAT a accomplis en rapport avec ses fonctions de recherche et développement ?
Graham Read: On ne m'a pas demandé de le faire mais je l'ai fait...

Moyennant quoi, le témoin a été autorisé durant le reste des journées de lundi et de mardi à se prononcer sur tout et à citer des études que personne ne voyait sur un écran ou en papier dans la salle d'audience. Autorisé à contredire des experts reconnus par le tribunal, alors qu'il est censé n'être qu'un témoin de faits.

M. Read a aussi été autorisé à contredire d'autres témoins de faits entendus au tribunal, à partir d'un résumé oral et très personnel de l'avocate qui l'interrogeait. Autorisé même à produire un document qui est un résumé schématique et coloré de sa vision des événements, cela quand des experts au procès se sont fait interdire l'usage de Power Point.

Les objections des avocats des recours collectifs ont pratiquement toutes heurté un mur.

Tiendrait-on alors enfin l'homme qui pourra dire sans entrave au juge depuis quand la compagnie admet publiquement que le tabac cause des maladies et crée la dépendance ? Et pourquoi elle a changé d'idée ?

Alors là, les choses sont beaucoup moins claires, ou alors extrêmement claires.

Lors d'une commission parlementaire à Londres en 2000, le chef de la direction de BAT à l'époque, Martin Broughton, a admis qu'il existait une relation de cause à effet entre le tabagisme et des cancers.

Or, la période durant laquelle les compagnies intimées dans le présent procès se voit reprocher de ne pas toujours avoir reconnu ce fait va de 1950 à 1998, si bien qu'on se demande comment les aveux tardifs de BAT aident la cause d'Imperial au Canada.

Les audiences publiques de 2000 avaient été précédés à l'automne 1999 de la soumission de mémoires par les organisations intéressées à le faire, ce qui fut le cas de BAT. Graham Read avait participé de près à la rédaction.

Par ailleurs, le témoin a fait valoir que le rapport du Surgeon General des États-Unis en 1988, qui affirmait que le tabac cause une dépendance et une dépendance comparable à celle causée par la cocaïne ou l'héroïne, avait été reçu avec scepticisme dans l'industrie, sinon par les fumeurs eux-mêmes.

Entre 1988 et la franchise actuelle du site internautique de BAT, il n'a pas eu moyen de savoir ce qui avait provoqué une évolution.

Très souvent, même quand les questions de Me Glendinning étaient très évidemment formulées pour attirer une réponse commençant par un oui ou par non, suivie ou non d'une explication, Graham Read escamotait cette étape si naturelle et commençait une réponse détaillée.

Ce procédé est fort brillant comme moyen de suspendre un auditoire à ses lèvres, attendant un oui ou un non rassurant par sa simplicité.

Cela fait cependant penser au chef de la direction de R. J. Reynolds Tobacco devant un comité du Congrès américain en 1994, quand un député avait demandé si la nicotine crée la dépendance, oui ou non. Le député avait interrompu le fin finaud témoin et vérifié sur le champ s'il fallait considérer sa réponse amputée et savante comme un non.

Il n'y avait pas ce genre de député dans la salle d'audience lundi et hier, mais des avocats de la partie demanderesse forcés d'attendre le moment où ils pourront contre-interroger le témoin.

Le contre-interrogatoire commence ce matin.

mardi 10 septembre 2013

163e jour - Le Monsieur Science du quartier-général

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces au dossier de la preuve, voyez les instructions à la fin du présent message.

(PCr)
Dans l'industrie du tabac, il y a trois catégories de responsables de recherches scientifiques : ceux dont l'industrie aime appeler le témoignage; les substituts à ces derniers quand ils ont la déloyauté de mourir; et ceux que les cigarettiers préféreraient tenir loin des tribunaux, parce que leur témoignage accable l'industrie.

Si William Farone (125e et 126e jours) ou Jeffrey Wigand (92e jour, 93e jour et 127e jour) font partie de la troisième catégorie, et Andrew Porter (33e, 34e, 35e, 46e, 161e et 162e jours) de la deuxième, Graham Read, lui, fait partie de la première classe.

Biochimiste formé en Angleterre à l'Université de Hull et à l'Université de Leeds, Graham Read a été mêlé depuis 1976 aux recherches scientifiques de British American Tobacco (BAT), groupe multinational auquel appartenait et appartient encore Imperial Tobacco Canada (ITCL), de même que des fabricants de cigarettes en Australie, au Royaume-Uni, en Allemagne, au Brésil et au Mexique. BAT est aussi le principal actionnaire de R. J. Reynolds aux États-Unis.

Avant de prendre sa retraite en 2010, M. Read était passé de l'examen de microbes dans des vases de Petri à l'étude du comportement des fumeurs, et il a été durant plusieurs années le grand stratège mondial de la recherche chez BAT et un membre du conseil d'administration de la compagnie à Londres. Il a encore parfois servi de consultant depuis lors.

Bien qu'il ne possède pas de doctorat, ce qui a dispensé lundi le public de la salle d'audience 17.09 du palais de justice de Montréal d'entendre le mot « docteur » à tous bouts de champs, Graham Read répond avec aisance à toutes les questions où il est utile de vulgariser le sujet. Il explique volontiers et habilement la différence entre une substance qui provoque une mutation du code génétique d'un organisme, inscrit dans sa molécule d'acide désoxyribo-nucléique (ADN), et une substance qui favorise la multiplication des cellules défectueuses.

C'est à peine une métaphore de dire que le témoin Read joue bien son rôle. En fait, cela fait plusieurs fois qu'il fait entendre sa voix ronronnante et son bel accent de financier anglais devant des tribunaux d'Amérique du Nord, et son témoignage présente une grande constance, sous tous les climats.

Fondamentalement, Graham Read raconte les efforts du groupe BAT pour découvrir la chose qui dans la fumée du tabac cause des maladies, en particulier le cancer, afin de mettre au point des cigarettes moins dangereuses pour la santé. Des cigarettes qui, de son propre aveu, n'ont jamais abouti aux lèvres des fumeurs, mais c'était, a-t-il avancé lundi, à cause des pouvoirs publics qui n'ont pas voulu les autoriser.

Read, parfois à titre d'expert, a témoigné des recherches de BAT dans le procès intenté par l'État du Minnesota contre les cigarettiers (conclu par une entente à l'amiable en 1998), dans le procès mené par le Procureur général des États-Unis contre les mêmes compagnies et conclu par le verdict dévastateur de la juge Gladys Kessler en 2006, de même que dans des recours privés (celui des sidérurgistes et celui de la compagnie d'assurance Blue Cross).

La collection Legacy Tobacco documents de l'Université de Californie à San Francisco contient des milliers de documents dont Graham Read est le signataire ou un destinataire, à moins que son nom soit simplement mentionné par des correspondants.

Dans l'action en recouvrement des dépenses relatives aux soins de santé que le Procureur général du Québec a lancé contre l'industrie du tabac en juin 2012, action judiciaire où le procès devant la Cour supérieure du Québec est commencé mais extrêmement peu fréquenté par le public, et où aucun témoin n'a jusqu'à présent comparu devant le juge Stéphane Sanfaçon, BAT a fait produire à Graham Read, le printemps dernier, un affidavit dont le but était de mettre son ancien employeur hors de cause.

Cela n'a pas impressionné le juge Sanfaçon, qui a maintenu la multinationale au rang des compagnies intimées dans le procès. (jugement Sanfaçon du 4 juillet 2013.)

*

La journée d'audition de lundi a continué de montrer les signes d'une évolution et parfois d'un renversement des attitudes des parties.

Avec la nouvelle et forte propension de la partie défenderesse à utiliser des témoins de faits comme témoins de l'histoire d'une compagnie avant leur entrée en fonction, déjà évidente lors de la comparution récente du chimiste Andrew Porter, les avocats des recours collectifs ont multiplié les objections.

Lundi, Me Philippe Trudel a formulé la quasi-totalité des objections en français, sans se soucier de l'unilinguisme anglais présumé des avocates d'ITCL Deborah Glendinning et Nancy Roberts, pilote et navigatrice de l'interrogatoire de M. Read.

Le juge Riordan n'a pas pipé mot mais semble ne pas présumer d'un progrès suffisant des aptitudes des deux avocates torontoises, puisqu'il a souvent discrètement fourni les éléments d'une traduction lors de ses interventions.

Le juge a aussi parfois posé des questions au témoin sur les sources de ses connaissances, mais rejeté la quasi-totalité des objections, comme s'il voulait désarmer par avance une critique qui le présenterait comme ayant été moins libéral avec les compagnies qu'avec les recours collectifs, et même si le témoin parlait parfois de documents que la partie demanderesse au procès n'a jamais vus.

C'est ainsi qu'est passé comme une lettre à la poste un mémoire présenté par BAT en octobre 1999 à la Chambre des communes. Mais attention, pas la Chambre des communes à Ottawa, celle de Londres. (pièce 20230 au dossier de la preuve) Le document fait notamment valoir la collaboration de l'industrie avec les pouvoirs publics.

Il n'est pas déraisonnable de penser qu'il y a quelques mois, les avocats du tabac auraient invoqué, au choix, pour refuser l'admission de pareil document en preuve, son caractère étranger, la date postérieure à la période couverte par les recours collectifs (1950-1998) ou le principe de l'immunité appliquée aux témoins accueillis par des commissions parlementaires.

Cette nouvelle approche est cependant une boîte de Pandore, et les avocats des recours collectifs voudront peut-être montré au juge Riordan ce que les commissaires parlementaires britanniques ont retenu des propos de BAT.

À plusieurs moments, des pièces ont été versées au dossier de la preuve en défense en invoquant le jugement interlocutoire du 2 mai 2012 ou l'interprétation du juge Riordan de l'article 2870 du Code de procédure civile. À ce jeu, la partie demanderesse bougonne pour la forme mais gagne peu à peu l'assurance que les compagnies ne tenteront plus de contester le bien-fondé des décisions de Brian Riordan si jamais elles allaient un jour en appel d'un jugement final défavorable.

Le témoignage de Graham Read a aussi permis à Me Glendinning de faire expliquer la nature des rapports entre BAT à Londres et ITCL à Montréal, en matière de recherche scientifique. (voir notamment la pièce 20212 au dossier de la preuve)

Le témoignage de M. Read se poursuit aujourd'hui et devrait se terminer mercredi.


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Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès en recours collectifs contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm


2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information
3) puis revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens au besoin,
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