mardi 18 octobre 2016

Recours collectifs de fumeurs contre l'industrie cigarettière: rendez-vous prochain devant la Cour d'appel

édition retouchée

Le lundi 21 novembre prochain, à Montréal, cinq juges de la Cour d'appel du Québec commenceront d'entendre les trois principaux cigarettiers du marché canadien plaider en faveur de la cassation du jugement de la Cour supérieure du Québec de juin 2015 (hyperlien vers le jugement) qui les a déclaré coupables d'avoir, durant la période allant de 1950 à 1998, violé des dispositions du Code civil du Québec, de la Loi sur la protection du consommateur et de la Charte des droits et libertés de la personne, au détriment de centaines de milliers de fumeurs québécois qui furent ou sont atteints d'un cancer au poumon ou à la gorge ou d'emphysème ou d'une dépendance au tabac qui mène trop souvent à l'une de ces maladies et fait subir bien d'autres préjudices. Le jugement rendu en juin 2015 par l'honorable Brian Riordan a aussi condamné Imperial Tobacco Canada, Rothmans, Benson & Hedges et JTI-Macdonald à verser des dédommagements compensatoires aux survivants ou à leur succession, ainsi que des pénalités, pour un montant total qui dépasse les 15 milliards $C. (Voir nos compte rendus des 2 juin et 5 juin 2015.)

siège de la Cour d'appel du Québec à Montréal
Dans la salle Louis-Hippolyte Lafontaine de l'édifice Ernest-Cormier sur la rue Notre-Dame, la tribunal d'appel trouvera, en opposition aux procureurs salariés des compagnies de tabac et pour faire valoir la justesse du jugement de première instance contesté, des plaideurs qui sont pour la plupart à l'origine même des démarches en recours collectif des victimes du tabagisme lancées il y a maintenant tout près de 18 ans pour les deux recours, une aventure judiciaire dont le segment le plus visible a consisté en 253 jours d'audition au 17e étage du palais de justice de Montréal, entre mars 2012 et décembre 2014.

La Cour d'appel prendra cinq matins d'affilée, commençant le 21 novembre, pour écouter les parties.

La formation de cinq juges se compose des honorables Yves-Marie Morissette, Allan R. Hilton, Marie-France Bich, Nicholas Kasirer et Étienne Parent.

Le juge Étienne Parent est le seul des cinq magistrats dont il n'a jamais été question sur ce blogue, et pour cause.

Les quatre autres juges ont déjà eu à se prononcer à un moment ou à un autre sur un des aspects du litige opposant les trois cigarettiers canadiens aux deux collectifs de victimes alléguées de leurs ruses et de leurs dénis.

Il faut rappeler que dès le début du procès en première instance devant le juge Riordan de la Cour supérieure du Québec, l'industrie du tabac a contesté devant la Cour d'appel plusieurs de ses jugements prononcés en cours d'instruction (jugements interlocutoires). La Cour d'appel n'en a cassé qu'un seul, au grand dam de l'industrie: celui où le juge Riordan maintenait la Couronne fédérale canadienne dans le rôle de défenseur en garantie. Le gouvernement fédéral, qui se considérait hors de cause et a plaidé sa cause, a donc gagné d'être sorti de l'affaire par cet arrêt de la Cour d'appel.

Quand le jugement final de la Cour supérieure a été rendu en faveur des fumeurs en juin 2015, l'industrie a demandé que la Cour d'appel se prononce rapidement sur l'ordonnance d'exécution provisoire qu'il contenait et qui leur aurait fait débourser tout de suite un premier milliard. La Cour d'appel a écouté les parties et a cassé cette ordonnance. Cette victoire provisoire et partielle des cigarettiers ne permet cependant pas de présumer d'un quelconque penchant de la Cour d'appel du Québec quant au fin fond du litige. Plus tard, celle-ci a aussi ordonné aux compagnies de tabac, qui s'y opposaient, de mettre de l'argent de côté pour pouvoir éventuellement verser les dédommagements et pénalités prévus par le jugement de première instance.

En conséquence, s'il arrivait à certains magistrats d'avoir lors des audiences quelques amabilités avec les avocats en face d'eux, s'il arrivait que des magistrats manifestent un certain plaisir de retrouver des figures connues et de les entendre plaider, il ne faudra en tirer aucune conclusion. Il n'est pas invraisemblable que des juges éprouvent le même plaisir que l'auteur du blogue à entendre certains plaideurs, même si tout le monde n'en partage pas les conclusions.

Le Service d'information sur les procès du tabac sera sur place pour relater la suite de la saga.

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En cliquant sur l'hyperlien du premier paragraphe, on accède en ligne à une version française du jugement de l'honorable Brian Riordan qui commence immédiatement après la version originale anglaise. Notre hyperlien est toujours resté le même depuis juin 2015, bien que le texte une fois traduit ait rallongé. Une fois sur la bonne page, on peut télécharger une version Word du jugement et voir que la version française commence à la 278e page du fichier.