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dimanche 19 mai 2013

143e et 144e jours - Les discrets ou obscurs collaborateurs au rapport de Jacques Lacoursière

Comme si la matinée de mercredi avait manqué de surprise ou comme si l'après-midi risquait de manquer de piquant, le juge Brian Riordan de la Cour supérieure du Québec a rendu mercredi lors de la pause du midi une ordonnance écrite pour limiter à 175 jours le temps qu'il accorde aux compagnies de tabac pour livrer leur preuve en défense dans le procès en responsabilité civile qu'il préside.

Son jugement de neuf pages répète par écrit ses vues exprimées vers la fin de la 136e journée d'audition. Le juge considère que le calendrier de 304 jours annoncé par les avocats des cigarettiers constitue un abus du système de justice et il éreinte les compagnies de tabac, surtout Imperial Tobacco Canada (ITCL), pour leur attitude dilatoire. En réagissant jeudi au jugement, les avocats ont exprimé plus d'indignation contre les blâmes qui leur ont été adressés qu'au sujet de l'effet pratique de l'ordonnance sur le calendrier.

Mercredi, l'interrogatoire principal du témoin-expert Jacques Lacoursière, que les compagnies étaient censées continuer une journée encore, n'a pas duré.

Jacques Lacoursière
(photo Rémy Boily)
L'avocat de Rothmans, Benson & Hedges (RBH) Jean-François Lehoux a, au bout de dix minutes, cédé la place aux avocats des recours collectifs, après un très bref échange où la langue de M. Lacoursière a de nouveau fourché, faisant entendre le mot croyance quand il fallait dire connaissance, pour coller à la thèse de la défense de l'industrie.

Le contre-interrogatoire aussitôt commencé par Me Philippe Trudel s'est poursuivi et terminé jeudi matin. Le témoin a été libéré avant le dîner. Voici un aperçu de cette journée et demie d'auditions.

+ + +

LACOURSIÈRE A-T-IL PRÊTÉ SON NOM OU BÂCLÉ L'OUVRAGE ?

Les mots tristes sont sous vos yeux, mais commençons par quelques mises en contexte.

Personne ne s'étonne que des rapports d'expertise soient parfois le fruit d'un travail d'équipe, bien que les avocats, le juge et le public des palais de justice s'attendent à ce qu'un expert à la barre des témoins sache expliquer sa méthode et justifier ses conclusions.

Tout épidémiologue qu'il est, le professeur Jack Siemiatycki avait reconnu en février qu'il n'est pas un spécialiste des méta-analyses et s'était fait aider dans la production de son rapport d'expertise. De même, l'expert en sondages de population Christian Bourque, lors de sa comparution en janvier et en mars, a souligné l'importante contribution qu'avait eu l'une de ses collaboratrices à son rapport.

À chaque fois tout de même, le public de la salle d'audience 17.09 pouvait avoir l'impression d'être en présence d'un témoin expert du sujet, qui percevait bien les limites du rapport qu'il avait signé et connaissait bien toutes les conditions de sa réalisation. Il est évident qu'un prête-nom ou un relationniste bien briefé n'aurait pas tenu le coup lors de contre-interrogatoires par les redoutables avocats des cigarettiers que sont Guy Pratte, Simon Potter et Suzanne Côté.

Le témoin-expert Jacques Lacoursière aurait pu dire qu'il s'était appuyé sur le travail de plusieurs personnes pour produire son rapport d'expertise de 2010, car il n'y a rien de plus normal, même de la part d'un homme comme lui qui n'est plus rattaché à un établissement universitaire depuis 1968. Au surplus, M. Lacoursière a expliqué que la détérioration sérieuse de sa vue au cours de la dernière décennie, due à un décollement de la rétine, l'avait fait s'appuyer pour l'essentiel sur son travail de 2001 à 2003, lorsqu'il procédait à une recherche pour l'industrie du tabac.

Pour son rapport de 2010, le célèbre historien a dit jeudi qu'il n'avait pas été aidé.

Le matériel brut (20 000 documents) dont l'expert a extrait de quoi rédiger son rapport a été en bonne partie colligé par quatre étudiants de doctorat en histoire sous la direction du professeur José E. Igartua de l'Université du Québec à Montréal (UQAM).

Ce travail d'extraction avait déjà été réalisé, on ne sait pas quand au juste, mais avant que M. Lacoursière, à la demande des cigarettiers, produise une déclaration sous serment (affidavit, en latin) transmise en 2003 au juge Pierre Jasmin de la Cour supérieure du Québec (affidavit que ce dernier cite dans son jugement d'autorisation des recours collectifs en février 2005). C'est sur la suggestion du cabinet Ogilvy Renault, alors en charge de défendre les intérêts d'ITCL, que le consultant Lacoursière est allé vers l'universitaire Igartua.

Lors du contre-interrogatoire de jeudi par Me Philippe Trudel des recours collectifs, il a aussi été plus d'une fois question d'un décompte des articles de presse qui, au fil de la période étudiée par M. Lacoursière pour son rapport d'expertise, ont été publiées dans des journaux et magazines québécois et qui mettaient en garde contre telle ou telle maladie, par exemple le cancer du larynx. L'expert Lacoursière n'a pas fait de tel décompte mais a affirmé en avoir demandé un, après la soumission de son rapport d'expertise aux parties, le 23 décembre 2010, au professeur Marc Vallières du département d'histoire de l'Université Laval.

Le décompte du professeur Vallières aurait confirmé les conclusions de M. Lacoursière quant au caractère répétitif de la mise en garde médiatique pour différentes maladies, mais celui-ci n'en a pas conservé de copie. Les défenseurs de RBH et JTI-Macdonald ont fait un tel barrage d'objections à ce que Jacques Lacoursière évoque la participation du professeur Vallières, invoquant notamment la question du secret professionnel, qu'il est devenu impossible de croire que cette participation aux préparatifs de la défense des compagnies de tabac a été insignifiante.



Le témoignage de Jacques Lacoursière devant le juge Riordan laisse finalement plus de questions sans réponse qu'il n'apporte de lumière. Des questions troublantes.


1
Un échantillonnage au pif ?

Lundi et mardi, on pouvait encore croire que le vulgarisateur émérite (deux fois docteur honoris causa) de l'histoire québécoise était gêné de déployer ses dons par l'étroitesse de l'expertise que JTI-Macdonald et RBH sont prêtes à lui reconnaître. Jacques Lacoursière était leur témoin mais ne semblait leur inspirer qu'une confiance très limitée.

Mercredi et jeudi, devant un Philippe Trudel puis un Bruce Johnston tout disposés à l'entendre et lui prodiguant tout aussi généreusement que les avocats du tabac du « professeur Lacoursière », l'historien n'a pas été plus éloquent.

1.1
Dans son rapport d'expertise, Jacques Lacoursière a affirmé que l'équipe du professeur Igartua avait fouillé La Presse, Le Soleil et Le Devoir pour les années 1950 à 1998, Le Journal de Montréal pour les années 1964 à 1998, et The Gazette, pour les années 1950 à 1983. De son côté, il a fouillé le mensuel Sélection du Reader's Digest pour la période de 1950 à 1998, Montréal-Matin pour la période de 1950 à 1965, et L'Actualité (et son prédécesseur le Magazine Maclean's) pour les années 1965 à 1998.

Le procureur des recours collectifs Trudel a voulu savoir pourquoi l'univers des extraits du quotidien The Gazette s'arrête en 1983 (alors que ce journal a existé jusqu'en 1998 et existe encore). L'expert Lacoursière ne le sait pas. Il a relaté toute la difficulté qu'il avait eu à rejoindre le professeur Igartua pour tirer la chose au clair, et ce dernier lui aurait finalement dit qu'il ne se s'en souvenait plus.

1,2
Devant le tribunal, Me Trudel a montré à l'expert des extraits du quotidien Montréal-Matin qui datent de juin 1969 et répercutent le point de vue rassurant des cigarettiers au moment de la célèbre commission parlementaire présidée par le Dr Gaston Isabelle.

L'avocat a voulu savoir pourquoi l'univers des extraits réalisés pour le rapport d'expertise s'arrête en 1965. M. Lacoursière a dit qu'il s'est « fié à Beaulieu et Hamelin » et à leur ouvrage La presse québécoise des origines à nos jours, où il serait fait mention que ce journal avait cessé de paraître en 1965.

On ose à peine croire que Jacques Lacoursière ait consulté l'édition de 1965 de leur célèbre ouvrage, plutôt qu'une édition plus récente, puisque Montréal-Matin a survécu jusqu'en 1978. Dans tous les cas, un livre d'historiens ne pourrait pas être une source première, en particulier pour un fier collectionneur de coupures de presse comme M. Lacoursière. (L'ancien étudiant du Séminaire de Trois-Rivières découpe dans Le Devoir depuis 1948.)

1.3
Me Trudel a voulu savoir comment un article du quotidien Financial Post de 1963 avait abouti dans l'échantillon d'articles analysés dans le rapport.

C'est par hasard, a répondu Jacques Lacoursière, qui a cité Georges Bernanos (« le hasard est la Providence des imbéciles »), et a ajouté que puisqu'il n'est pas un imbécile, ce ne devait pas être non plus par hasard.

Comment cet article avait abouti sous ses yeux, et dès 1963 ? On n'en a pas su plus, à part que M. Lacoursière avait conservé cette relique pendant quarante ans. En fait, la suite du contre-interrogatoire a montré que c'était plutôt trois articles du Financial Post parus à différentes dates de cette même année qui ont abouti dans l'échantillon « choisi » par l'historien.

La contribution du journal torontois à la connaissance populaire des méfaits du tabac au Québec dans les années 1960 est demeuré un mystère mineur.

L'évocation de Bernanos fut la seule fois où l'érudit Lacoursière a cherché à plaisanter. Il a été plutôt atone le reste de la journée et happé par un accès de modestie extrême.

1.4
À croire le témoin-expert, un historien ne peut pas interpréter les sondages. Pourquoi dans ce cas en avoir cités, y compris sur les croyances, comme si c'était à l'appui de sa thèse que « tout le monde connaissait » les méfaits ? Par acquit de conscience, a répondu le témoin Lacoursière à Me Trudel. Mais pas question de s'aventurer dans la comptabilité des croyances ou la critique de la méthodologie, a fait valoir l'historien.

Curieusement, c'est sans insérer le moindre bémol aux conclusions de son rapport que Jacques Lacoursière a ajouté aux articles qui soutiendraient sa conclusion un article du quotidien Le Soleil du 6 mai 1981 où il est pourtant fait état, jusque dans le titre, de la MÉCONNAISSANCE des risques sanitaires du tabagisme par le public, telle que révélée par un sondage payé par la Société canadienne du cancer. Oups.

Interrogé sur le sujet, le témoin Lacoursière s'est mis à critiquer la méthodologie du sondage, ce qu'il faisait aussi par écrit dans son rapport.  Étrange comportement de la part de quelqu'un qui venait de dire lundi et mardi, peut-être pour satisfaire les avocats de l'industrie, que cela excédait ses compétences d'historien.

Mais cela excédait-il vraiment les compétences d'un historien, a demandé Me Trudel ? Non, a fini par admettre le populaire historien, mais lui a décidé de ne pas le faire. Vraiment ?


2
Pile je gagne, face tu perds

Me Trudel a aussi voulu savoir si l'examen de la presse conduit par l'historien permettait de savoir si le peuple connaissait, non seulement l'existence d'un risque pour la santé, mais l'importance du risque d'être frappé par telle ou telle maladie en conséquence du tabagisme.

M. Lacoursière, qui avait admis n'avoir aucune idée de l'importance du risque, parce qu'historien et non médecin, semble avoir considéré qu'il n'y avait pas de différence entre les deux connaissances populaires (savoir qu'il existe un risque, d'une part, et savoir quelle est la probabilité d'être malade de ceci ou de cela en fumant, d'autre part).

Ce qu'il faudrait apparemment comprendre, c'est que la soi-disant méthode quantitative de l'historien ne connaît qu'une seule opération arithmétique: l'addition. Et on pourrait ajouter: celle de choux et de navets.

2.1
Par ailleurs, M. Lacoursière a dit qu'il n'avait pas l'impression que la masse de documents où il a puisé son échantillon d'articles de presse et annonces de produits de sevrage antitabagique contenaient en fait une bonne majorité d'annonces de produits du tabac parues dans les quotidiens québécois étudiés. Me Trudel lui a montré des relevés de l'équipe du professeur Igartua qui montrent que c'était bien le cas, avec notamment, dans le matériel brut, des annonces pleine page difficiles à manquer.

Une fois de plus, l'expert a pataugé pour faire connaître à la Cour les critères qui ont présidé à la sélection d'un échantillon de coupures de presse composé exclusivement de contenu rédactionnel et d'annonces de produits de sevrage tabagique. Le juge Riordan s'est parfois pris la tête entre les mains.

Voici comment on est forcé de résumer le raisonnement circulaire de l'expert Lacoursière, au terme de plusieurs occasions qu'il a manquées de faire comprendre autrement sa méthode.

A) Comment un chercheur peut-il prouver que le peuple savait que fumer est dangereux pour la santé ?

En regardant ce qui était raconté au peuple dans les médias.

B) Que retenir de tout ce qui était raconté au peuple dans les médias ?

Retenir ce qui aurait dû accroître plus ou moins la connaissance populaire des dangers du tabagisme, que cela l'ait fait ou non (le chercheur n'a pas à se donner la peine de vérifier), et exclure tous les faits qui pourraient montrer l'ignorance populaire.

Plus précisément, sélectionner ce qui était raconté au peuple et qui parlait en mal du tabagisme, par exemple la nouvelle de la découverte d'un lien entre le tabagisme et un méfait sanitaire; sélectionner ce qui était raconté au peuple qui montre que des personnes pensaient du mal du tabagisme, par exemple la nouvelle d'un règlement à venir pour protéger les non-fumeurs, comme si la conviction des uns (promoteurs de la santé publique) entraînait forcément la connaissance des autres (lecteurs et auditeurs); additionner tout cela sans pondération, comme si tout valait la même chose pour la démonstation, et toujours conclure que c'est impossible que les gens n'aient pas su qu'il existe un risque puisque quelqu'un leur disait directement ou indirectement.

C) Pourquoi ajouter à l'échantillon les annonces de produits ou de services pour arrêter de fumer ? Parce que l'offre de ces produits sous-entend que le public connaissait déjà les méfaits du tabac, ...comme s'il y avait forcément une demande pour ses produits. Mais est-ce que l'offre et la demande parallèles de produits du tabac ne sous-entend pas à l'inverse que les gens ne savaient pas les risques ou les sous-estimaient ? Hummmm. Il ne faut pas ajouter les pubs de tabac parce que c'était pour vendre.

Comprenne qui pourra.

Il faut savoir que durant les procès, les interrogatoires et contre-interrogatoires, après des interruptions innocentes et des objections providentiellement bien plantées, se terminent parfois en queue de poisson, au grand soulagement des témoins incapables de trouver les mots pour finir leurs phrases.

Des phrases inachevées, parfois émaillées de citations et de mises en contexte soudain urgentes, Jacques Lacoursière en a servi à satiété.

2.2
Mais l'influence des annonces de produits du tabac sur la connaissance populaire des méfaits n'est-elle pas une réalité connue des historiens, a voulu savoir Me Trudel ? L'historien Lacoursière a paru tomber des nues. Me Trudel lui a lu un extrait du rapport d'expertise du professeur de marketing Richard Pollay, expert dans le présent procès. M. Lacoursière ne l'avait pas lu, ni quoi que ce soit d'autres sur ce sujet. Certes, on peut probablement être un historien utile et ne pas savoir à quel point la publicité peut informer ou désinformer le public, mais n'est-ce pas manquer de curiosité pour un aspect important de la « vie quotidienne », qui est le champ d'intérêt de Jacques Lacoursière, selon ses dires.

M. Lacoursière n'avait pas lu non plus le rapport de l'historien Robert Proctor critiquant son travail, mais il se l'était laissé résumer par les avocats des cigarettiers.

(Au postulat implicite de Lacoursière « les gens savent parce que la presse en parle », le professeur Proctor réplique par un « la presse en parle parce que les gens ne savent pas ». Proctor critique aussi le fait que les historiens Lacoursière, Flaherty et Perrins n'aient pas consulté du tout la documentation interne de l'industrie du tabac, pourtant accessibles aux chercheurs.)

Plus troublant: Jacques Lacoursière, en 60 ans d'intérêt auto-proclamé pour les méfaits sanitaires du tabac ou leur écho dans la presse, n'avait pas lu quoi que ce soit dans la prose savante des historiens qu'il puisse mentionner au sujet du concept de « connaissance populaire » des méfaits du tabac, un concept pourtant utilisé par l'industrie dans tous ses procès des dernières décennies aux États-Unis, et qui a fait l'objet de travaux académiques. M. Lacoursière a déclaré avoir « inventé » son concept.

Pareillement pour sa définition de la dépendance, apparu ex nihilo.

Pour la connaissance populaire, il a mentionné s'être inspiré de l'école historique des Annales, puis a admis que les historiens français de ce courant de la recherche né dans les années 1920 n'ont jamais appliqué ce concept à la publicité du tabac.

Jeudi, l'expert Lacoursière a répété plus clairement que jamais qu'il s'intéressait au sujet des méfaits du tabagisme depuis la lointaine époque où il s'est abonné au Devoir, en 1948, à l'âge de 16 ans.

Mais sur ce sujet, il n'a jamais voulu lire ce que les autres historiens avaient écrit.

Au juge Riordan qui s'en étonnait jeudi, M. Lacoursière a déclaré: « Je reste isolé dans ma pensée académique ».

L'assistance s'est regardée avec ahurissement.

Est-il possible que le restant d'un étrange dépit pousse aujourd'hui un homme savant à l'aveuglement ?

Relisons un extrait de la transcription du premier jour de comparution Jacques Lacoursière lundi.
Juge Riordan: Ce qui veut dire que vous n'avez jamais obtenu la maîtrise en histoire ?
Expert Lacoursière: Non, mais vous allez comprendre pourquoi tout à l'heure.
Riordan: Ce n'est pas un reproche. C'est juste pour que ce soit clair. Vous avez complété les cours académiques, mais vous n'avez pas obtenu le diplôme tel quel.
Lacoursière: Je n'ai pas rédigé de thèse.
Riordan: Okay.
Me Lehoux, avocat de RBH: Oui, expliquez-nous pourquoi, professeur Lacoursière.
Lacoursière: Pourquoi ?  Tout simplement parce que, à partir des années 1962, j'ai commencé à produire aussi bien des imprimés que des ouvrages qui étaient reliés à l'histoire et, en 1969, j'ai donné, au cours de l'été, un cours à l'Université de Montréal pour la licence en enseignement supérieur.  J'avais demandé qu'on me crédite les crédits de ce cours-là, mais on m'a dit que je ne pouvais pas être juge et partie en même temps. Donc à ce moment-là...
Riordan: C'est un bon conseil, ça.
Lacoursière: ...j'ai décidé de continuer à produire et, pour moi, c'était plus important que d'obtenir un doctorat. Et d'ailleurs, j'avais dit à Jean-Pierre Wallot qui, à l'époque, était archiviste en chef du Canada, que je ne disposais pas d'une fin de semaine et que, par contre, lui, avec sa thèse de doctorat, c'était sur les tablettes d'une bibliothèque universitaire en cinq copies; que si moi, je le lisais et que je le citais, il y avait à peu près 100 000 personnes qui découvraient qui était Jean-Pierre Wallot.

Le vieux Patriote, pipe au bec
 et mocassins aux pieds
(dessin par Henri Julien)
(Pour mémoire, feu Jean-Pierre Wallot s'est notamment intéressé aux Patriotes des années 1830, dont les Québecois célèbrent chaque année en mai le souvenir et la remarquable actualité. Concernant les Patriotes, Wallot a publié Un Québec qui bougeait aux éditions du Boréal et il fut aussi l'un des collaborateurs du célèbre Boréal Express cher au coeur de M. Lacoursière. Votre serviteur ne sait pas si Un Québec qui bougeait était un ouvrage dérivé de la thèse de doctorat de Wallot, mais il semble improbable que Jacques Lacoursière n'ait rien lu de cet historien-là au moins.)

3
Des coïncidences encore

Jeudi en milieu de matinée, les choses se sont gâtées pour le consultant des cigarettiers. Le ton est resté déférent mais la teneur des questions est devenue encore plus embarrassante.

Prenant le relais de son associé Trudel, le procureur des recours collectifs Bruce Johnston a fait examiner à l'expert Lacoursière et à la Cour certaines descriptions sommaires d'articles contenus dans son rapport d'expertise. Ces descriptions ont été projetées à l'écran et lues à haute voix.

Rappelons que les articles en question ont été archivés avant 2003, soit par l'équipe du professeur Igartua, soit par Jacques Lacoursière lui-même.

Ce dernier a affirmé que les résumés dans son rapport de 2010 étaient de sa main. Et il a affirmé qu'il n'avait pas reçu d'aide pour préparer ce rapport (bien qu'il a parfois dû régler le photocopieur pour faire agrandir considérablement les caractères dans des coupures de presse qu'il lisait ou relisait, car sa bonne vue l'abandonne de plus en plus souvent).

Or, tant jeudi que mercredi, on avait aussi montré à l'expert Lacoursière des sortes d'index qui se trouvent au début de chacun des cahiers-anneaux (il y en a 143) contenant la masse brute des documents qui ont servi à sa sélection. Jacques Lacoursière a fait comprendre mercredi et répété jeudi qu'il n'avait pas écrit un seul de ces index. (En les regardant, admiratif, il les a toutefois jugé « bien faits ».)

Ces index, qui tiennent généralement sur une feuille, contiennent aussi des descriptions sommaires d'articles. Au moins un de ces index porte le nom d'un étudiant au doctorat qui travaillait avec le professeur Igartua. C'était donc rédigé il y a au moins dix ans.

Me Johnston a jeté trois de ces index sous les yeux du témoin-expert (et en même temps en très gros plan sur les écrans), et les a lu à haute voix.

Comment expliquer qu'au moins trois des descriptions sommaires lisibles au début des cahiers-anneaux soient écrites exactement dans les mêmes mots que dans le rapport Lacoursière de 2010 ?

Jacques Lacoursière n'a pas pu expliquer ce « hasard ». Il a de nouveau repris sa citation de Bernanos, mais sans prendre cette fois-là le temps de créditer le romancier français, en supposant sans doute que ses auditeurs ont de la mémoire.

*

Le procès reprend mardi, après le congé de la Journée nationale des Patriotes. Un autre historien engagé par les compagnies de tabac, le professeur David Flaherty, va témoigner.

(Avis à nos lecteurs de l'extérieur du Canada: dans la fédération canadienne hors du Québec, ce congé de lundi s'appelle Victoria Day, en l'honneur de la reine de Grande-Bretagne et du Canada sous le règne de qui les Patriotes se sont rebellés, après trois décennies de représentations pacifiques auprès du pouvoir impérial. Les lecteurs du blogue qui sont curieux de voir comment un Jacques Lacoursière peut vous raconter cela en neuf minutes et demie sans regarder de notes et presque d'un seul souffle peuvent aller au lien suivant. L'introduction admirative du présentateur du conférencier a aussi valeur de témoignage sur la réputation de l'historien Lacoursière.)

mardi 14 mai 2013

142e jour - La défense épuise son propre témoin

Pour la première fois depuis le début du procès en responsabilité civile des trois principaux cigarettiers canadiens au palais de justice de Montréal, un témoin a demandé au juge Brian Riordan de la Cour supérieure du Québec de suspendre son témoignage jusqu'au lendemain, en raison de son épuisement (et cela même si le témoin était resté assis durant sa comparution).

Ce qui est remarquable, c'est que ce n'est pas après un contre-interrogatoire musclé par un avocat des collectifs de victimes du tabagisme que le témoin Jacques Lacoursière a demandé grâce, mais avant la fin d'un interrogatoire principal on ne peut plus directif de la partie qui l'avait mandaté pour produire un rapport d'expertise et voulait qu'il en livre oralement quelques passages choisis, en le faisant répondre fondamentalement à la même question cent fois.

Du côté des recours collectifs, les propos de l'historien ont semblé plutôt bien accueillis, bien qu'avec une perplexité manifeste.

L'historien Jacques Lacoursière avait connu avant cette semaine les salles de classe (bien qu'il n'ait pas enseigné à l'université depuis 1968), les microphones de la radio, les caméras de la télévision, le contact direct avec le public curieux des salons du livre, des fêtes commémoratives et des festivals estivaux québécois, de même que l'ivresse de voir certaines de ses œuvres tirées à des centaines de milliers d'exemplaires. Entre autres expériences. Mais c'est à 81 ans qu'il a approché lundi, vraisemblablement pour la première fois de sa vie, la barre des témoins dans une cour de justice, et le métier de témoin lui est rentré dans le corps. Le pauvre historien s'est plaint de ne plus voir clairement et a souhaité revenir bien reposé mercredi.

Il n'a pas dit : je ne vois plus le fil de fer où l'avocat de l'industrie du tabac veut que je marche. Pourtant, un Lacoursière plus gaillard se serait peut-être rebellé contre le traitement qu'on lui faisait subir.

Lundi encore, le témoin avait eu quelques moments d'apparent zèle dans l'appui à la cause des compagnies, comme lorsqu'il a relaté cet épisode d'un homme pris pour le Diable à Séville à la fin du XVe siècle parce que la fumée (de tabac) lui sortait par le nez. Ce genre d'anecdote si typique du vulgarisateur se voulait-elle une manière de suggestion que l'inhalation de la fumée de tabac a été la pratique de la masse des fumeurs avant le 20e siècle ? L'historien avait aussi parlé lundi de ces théologiens de la Sorbonne qui, à la demande du premier évêque de la Nouvelle-France, Mgr de Laval, avait décrété que le castor est un poisson, afin que la viande de l'animal ne soit pas soumise aux restrictions catholiques des jours maigres. N'était-ce pas un épisode comique qui aurait dû rappeler au chercheur Lacoursière tout ce qui distingue les déclarations des autorités et les croyances du peuple, entre autres en matière de tabac ? Que d'occasions manquées par l'historien de « tirer des conclusions impartiales » au lieu de simplement énumérer les endroits où le peuple a entendu parler des méfaits du tabac, en appui de la défense de l'industrie.

Aujourd'hui, le professeur Lacoursière avait l'air d'un jouet cassé.

Si le témoin n'avait pas perdu courage après une journée et demie du régime imposé par Me Lehoux, c'est peut-être le juge Riordan qui aurait perdu patience.

Lundi, le magistrat avait averti l'avocat de Rothmans, Benson & Hedges de ne pas faire répéter au témoin son rapport écrit de 104 pages, dûment enregistré dans le dossier de la preuve en défense, et lu.

Mardi, l'avocat de RBH a commencé par imposer au juge 6 minutes supplémentaires d'une émission de télévision de 1964 qu'on avait eu le malheur bien relatif d'écourter la veille, et il a exigé cela même après avoir résumé ce qu'on avait manqué.

Ce serait faire injure à l'intelligence de Me Lehoux de ne pas envisager qu'il a fait exprès depuis lundi pour tester la patience du juge, voire pour le faire trahir le fond de sa pensée. Jean-François Lehoux est un avocat avec plus de trente ans de pratique dans le corps et il donne l'impression d'être plutôt un bon légionnaire, un homme d'équipe, qu'un coq batailleur.

À un moment donné, après un moment de l'interrogatoire où le témoin-expert venait d'accoucher laborieusement de la seule petite réponse étroite que l'avocat espérait, le procureur Bruce Johnston des recours collectifs, comme un gamin, s'est écrié: Yé !

L'avocat des recours collectifs, qui a déjà goûté les coups de règle du juge Riordan depuis un an, a présenté ses excuses aussitôt son forfait commis, et cette rapidité à exprimer un regret, sincère ou non, a fait que le juge a cette fois-ci passé l'éponge. Jamais le juge n'a paru depuis quatorze mois trouver le temps si long que durant le pénible spectacle de l'interrogatoire matinal de Jacques Lacoursière, même devant des anciens cadres de l'industrie de mauvaise foi ou qui encaissent leur retraite sans la plus petite apparence de malaise.

Comme s'il n'avait rien entendu et rien vu, Me Lehoux est monté sur ses grands chevaux pour morigéner Me Johnston. Cette fois-là, le juge Riordan a prévenu Me Lehoux que ce n'était pas son rôle de sermonner les autres avocats et l'a prié vivement de poser sa question suivante au témoin. Le juge a dû sortir de ses gonds et lever l'index avant que Me Lehoux commence à faire machine arrière. Me Lehoux s'est ensuite excusé ...auprès de son témoin.

Avant que la journée d'audition soit finalement écourtée de moitié, les avocats des recours collectifs avaient déjà plus d'une fois demandé que les cigarettiers précisent qui allait témoigner jeudi prochain et dans la deuxième semaine de juin. Si ce n'était de l'étirement du témoignage de Jacques Lacoursière sur trois jours, le côté très aéré du calendrier de comparution des témoins envisagé par la défense de l'industrie aurait été encore plus évident.

Devant l'incapacité patente de la défense à remplir la journée de jeudi prochain, le juge a décidé de l'utiliser  pour le versement au dossier de la preuve en défense de pièces admissibles seulement en vertu de l'article 2870 du Code civil du Québec. Les compagnies de tabac vont se prévaloir de l'interprétation de cet article formulée par le juge Riordan, en attendant que la Cour d'appel du Québec invalide cette interprétation, ...à leur demande.

Puisque la Cour d'appel ne partage pas toujours leur avis, c'est une attitude prudente.

141e jour - Jacques Lacoursière et le mystère de la « connaissance populaire » des méfaits du tabac

C'est un peu comme si Karl Marx venait vous dire que l'amour du prochain plutôt que la lutte des classes explique le cours de l'histoire, et voulait vous le prouver en disant que des gens honorables répètent le message d'amour de Jésus depuis plus de 20 siècle et qu'il est impossible de l'ignorer.

Un savant connu des téléspectateurs
Faut-il conclure à une erreur de casting dans la comparution lundi de l'historien québécois Jacques Lacoursière en tant que premier témoin-expert appelé par la défense des cigarettiers canadiens dans le procès que leur font devant la Cour supérieure du Québec deux collectifs de victimes du tabagisme?

Les prochains jours d'auditions permettront peut-être de trancher la question.

Jacques Lacoursière est ce genre de savant qui, au fil d'une carrière d'un demi-siècle consacré à l'enseignement et à la production de synthèses historiques, s'est intéressé, selon ses dires, à la vie quotidienne et la vie matérielle des Québécois, au fil des siècles. Le bonhomme peut aussi être crédité d'avoir intéressé des masses de gens à l'histoire du Québec, et notamment à la généalogie. Des personnes qui admirent le professeur étaient d'ailleurs venus le voir témoigner, ce qui n'est pas donné à beaucoup de témoins dans ce procès, un procès qui est loin de faire courir les foules.

Lors de son témoignage en novembre, l'historien américain de la cigarette Robert Proctor avait critiqué l'approche adoptée par Lacoursière dans son rapport d'expertise de 2010, une approche également adoptée par les autres experts en histoire mandatés par la défense des cigarettiers, à qui Proctor a reproché de ne pas avoir consulté la documentation interne des compagnies de tabac.

Quand on sait ou redécouvre ce qui est ou a été l'oeuvre de l'historien québécois, le malaise peut être encore plus grand.

Comment un observateur de la vie quotidienne tel que Jacques Lacoursière a pu et surtout voulu passer à côté d'un phénomène aussi massif dans la deuxième moitié du 20e siècle que la publicité du tabac, visible sur les murs des villes comme dans la presse, et a choisi de s'attarder surtout aux textes des journalistes dans les quotidiens québécois ?

C'est qu'il en a épluché des journaux, ce cher monsieur Lacoursière et une équipe d'étudiants au doctorat. On connaissait déjà la fascination admirative du journalisme chez cet historien fils d'imprimeur qui a participé à l'aventure intellectuelle et réussite pédagogique du Boréal Express, qui était une sorte de journal de l'Histoire. Encore lundi, le savant a dit le grand bien qu'il pensait des journaux comme témoins d'une époque.

Cette fois-ci, après avoir examiné cinq quotidiens québécois couvrant la période 1950 à 1998, le professeur Lacoursière conclut que dans les années 1950, environ 90 % des textes étaient défavorables à l'usage du tabac, et que seulement 10 % ne l'était pas. Il est pour lui hautement improbable que le peuple n'ait pas su dès cette époque les méfaits du tabac ou que le tabac était néfaste.

Mais quand Me Jean-François Lehoux, défenseur de Rothmans, Benson & Hedges (RBH), lui a demandé pourquoi il excluait les plages publicitaires de son analyse, le professeur Lacoursière a invoqué l'incompétence des historiens et la sienne en cette matière.

À peine cinq minutes plus tard, le témoin Lacoursière parlait au juge Brian Riordan de l'annonce d'un produit pour arrêter de fumer, parue dans les années 1950, et cette annonce prouverait selon lui que le public savait déjà que le tabac crée la dépendance.

Chez un auteur prolifique comme Jacques Lacoursière, il est difficile d'invoquer la paresse. Difficile aussi d'invoquer la timidité chez ce révolutionnaire tranquille né en 1932 qui n'a jamais rédigé sa thèse de maîtrise ou une thèse de doctorat, et dont la célébrité suscitent la jalousie des historiens patentés plus jeunes.

Et pourtant, l'historien a témoigné qu'il s'intéressait depuis longtemps au tabac. On s'étonne qu'il ait attendu l'invitation de RBH et de JTI-Macdonald pour publier sur cette matière. Dans son  curriculum vitae, on ne trouve mention que d'une conférence sur le sujet devant un petit groupe de personnes en 2005.

Dans son rapport de 104 pages intitulé Rapport d'expertise sur la connaissance populaire des risques associés à la consommation du tabac, (petites corrections enregistrées lundi) on ne trouve aucune explication de ce qu'est la « connaissance populaire » et il n'a même pas moyen de savoir si c'est quelque chose d'éphémère et de réversible ou de cumulatif une génération après l'autre, comme l'idéal progrès de l'esprit humain de Hegel.

Et pourtant, à la barre des témoins hier, l'expert engagé par des cigarettiers qui rêvent de montrer au juge Riordan que tout le monde était au courant des méfaits du tabac, a répété des dizaines et des dizaines de foi les mots « au niveau de la connaissance populaire ». Chaque fois que le célèbre raconteur d'épisodes de notre histoire nationale allait s'envoler, Me Lehoux le ramenait au triste rôle d'un enfant qui répète les formules de son petit catéchisme.

À un moment donné durant l'interrogatoire par Me Lehoux, Jacques Lacoursière a laissé échapper les mots « croyance populaire ». L'avocat a fait de son mieux pour minimiser le dégât, mais le lapsus du témoin, aussi sonore que le craquement d'un plancher de bois sous les pas du couche-tard, ne faisait que marquer l'aboutissement logique d'un témoignage qui aurait été souvent plus compréhensible si l'historien, quitte à se faire critiquer pour sa naïveté, avait osé parler de croyance populaire. Sinon comment admettre qu'un article relatant une déclaration de l'Organisation mondiale de la santé ait, selon le témoin, un effet sur la connaissance populaire (des méfaits sanitaires du tabac), alors qu'une dénégation de l'industrie n'aurait aucun effet ?

Dans un indiscernable mélange de charité et de perfidie, le juge Riordan a proposé au témoin de dire que certaines sources de discours sur le tabac étaient « crédibles » et d'autres non. M. Lacoursière s'est rallié à la suggestion du juge. C'était comme si le grand Lacoursière avait perdu son latin, puisque crédible est un mot qui signifie « qui peut être cru » et non pas « qui peut être connu ».

En appui du témoignage oral de son expert, la défense a fait projeter sur les écrans de la salle d'audience 17.09 un schéma des facteurs qui concourent à la formation de la « connaissance populaire » des méfaits du tabac. (Les avocats des recours collectifs, contrairement à ceux des cigarettiers, n'ont pas fait obstacle à l'usage du logiciel Power Point.)

Parmi ces facteurs, on trouve les journaux, les revues, la radio et la télévision, les manuels scolaires, le gouvernement, les organisations internationales, les médecins de famille, le bouche à oreille. Absentes du schéma: les compagnies de tabac, parce qu'elles ne sont pas crédibles, selon M. Lacoursière.

La journée de lundi s'est terminé sur la projection de films de l'Office national du film et de Santé Canada datant des années 1960 et 1970 et d'émissions d'affaires publiques de la télévision de Radio-Canada du début des années 1960. Dans un vox pop tourné dans le transport en commun en 1964, une majorité de personnes interrogées affirment que fumer est mauvais pour la santé. Mais les fumeurs dans le lot admettent presque d'un même souffle de ne pas pouvoir s'arrêter. Le juge et le parterre des avocats ont eu droit à un petit moment de détente avec quelques films d'animation endiablés de l'ONF qu'on aurait dit scénarisés par des adolescents de la Gang allumée pour une vie sans fumée, comme quoi le sens critique ne vient pas d'être inventé.

Ce qu'il faudrait en retenir, c'est que tout le monde savait déjà il y a 50 ans que l'usage du tabac cause des maladies et que le tabac tient ses adeptes en « esclavage » (Jacques Lacoursière a insisté sur ce mot.)

Mais si les fumeurs qui ont commencé à fumer à 12 ans en ayant (peut-être) vu tout cela sont coupables d'étourderie et n'ont eu que ce qu'ils méritaient en tombant malades, si « tout le monde savait », comment les hommes qui ont fait carrière dans l'industrie du tabac pouvaient-ils prendre ladite dépendance d'aussi haut qu'ils l'ont prise jusque tard dans les années 1990 ?

Avec la comparution de l'historien Lacoursière et le visionnement de certains des documents qui lui ont servi de sources, la preuve en défense des cigarettiers s'annonce comme une entreprise pleine de périls.