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mardi 15 octobre 2013

173e jour - Fin du contre-interrogatoire de Gaétan Duplessis

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces au dossier de la preuve, voyez les instructions à la fin du présent message.

(SGa)
Jeudi, le contre-interrogatoire de Gaétan Duplessis, entamé le 17 septembre dernier, s’est enfin poursuivi. Le témoin a été un pilier des recherches de l'industrie du tabac au Canada. Diplômé en agronomie, il est entré chez Imperial Tobacco Canada (ITC) en 1981, comme chercheur, et il est devenu, en 2005, chef de la division de la recherche et du développement. Il est à la retraite depuis 2010.

Devant une telle pointure de la recherche interne dans le monde des cigarettiers, l’auteur de ce blogue, lui-même doté d’un bon bagage en vulgarisation scientifique, a dû demeurer bien attentif durant l’audience pour comprendre et déchiffrer toutes les pièces présentées au dossier par les avocats de la poursuite André Lespérance et Philippe Trudel.

Mais faisons d’abord une brève rétrospective. Lors de la première apparition de Gaétan Duplessis au 167e jour d’audience, l'avocate de la défense d'ITC avait fait ressortir le rôle d’Agriculture Canada dans la recherche sur le tabac. Pendant des années, ce ministère a participé activement à la recherche sur la culture du tabac en fournissant des chercheurs et en finançant en partie la recherche. Il est ensuite demeuré discret sur cette participation et laissait le soin à l’industrie de disposer des résultats comme elle le souhaitait.

Lors du 173e jour d’audience, on aurait pu penser que les avocats des recours collectifs allaient pousser plus loin leur interrogatoire sur le rôle d’Agriculture Canada. Or, d’autres sujets « chauds » ont intéressé les juristes.


Une mémoire capricieuse

Durant des années, l’industrie du tabac s’est évertuée à nier les effets de la cigarette sur la santé et le lien causal entre son usage régulier et le développement de maladies telles que le cancer du poumon. En matinée, les avocats du recours collectif ont présenté des pièces au dossier confirmant cette stratégie de déni.

Il y a trente ans de cela, M. Duplessis faisait partie d’un petit groupe de scientifiques d’ITC appelés à écouter et à critiquer une présentation faite par leur patron, Patrick Dunn, vice-président à la recherche et au développement. Cette présentation était intitulée "The functional and social significance of smoking,"  (pièce au dossier 1434.1) et les commentaires des chercheurs (dont ceux de M. Duplessis) se sont retrouvés dans un autre document (pièce 1434), qui a été présenté au tribunal.

Dans la version écrite de l'exposé de M. Dunn, on mentionnait les effets physiologiques, médicaux, pharmacologiques et sociaux de la cigarette. On peut y constater qu’à l’époque, l’industrie avait déjà conscience du nombre important d’études qui liaient la cigarette à diverses maladies, dont le cancer du poumon, les maladies du cœur, l’emphysème, etc. Mais ces évidences scientifiques n’ont pas empêché Patrick Dunn de mentionner plusieurs effets bénéfiques de la cigarette auxquels il croyait : amélioration de la performance chez les étudiants, réduction du stress, accroissement de la vigilance visuelle, hausse de l’efficacité cognitive, réduction de la fluctuation des changements d’humeur.

De tels bénéfices associés au tabagisme auraient pu être fortement contestés par la communauté scientifique qui disposait déjà à l’époque de plusieurs études documentant les effets néfastes du tabagisme.

C’est sans doute une des raisons pour laquelle M. Duplessis mentionnait dans ces commentaires que « si la présentation avait été faite à un public hors de l’industrie, elle aurait sans doute été mal reçue par un grand nombre de ces gens » (traduction libre).

En rapport avec ce commentaire, l’avocat a demandé à M. Duplessis, pourquoi on ne devait pas parler négativement de la cigarette à cette époque. M. Duplessis, comme à plusieurs autres questions posées par l’avocat, a mentionné qu’il ne se souvenait plus des détails de cette rencontre (qui date quand même d’il y a près de trente ans). Un peu plus tard, lors d'un complément d’interrogatoire, la mémoire a semblé toutefois lui revenir un peu. Il a alors mentionné qu’il s’agissait d’une « horrible présentation assortie d’une centaine de diapositives ».


Un petit imbroglio

Tout juste avant le diner, un petit imbroglio est survenu entre Suzanne Coté, l'avocate d'ITC, et le juge Riordan. Me Côté a émis le souhait que l'audience se termine à 12h30, comme convenu en début de semaine, mentionnant qu’elle avait d'autres engagements en après-midi. Le juge s'est montré plutôt en défaveur d'un ajournement avant la fin du témoignage, disant qu'il fallait terminer alors que M. Duplessis se trouvait dans la salle d’audience. L'avocate, visiblement contrariée, a insisté vivement, affirmant que la journée devait se terminer à 12h30. Puis, alors que le juge lui donnait finalement raison (il proposait alors de reporter la fin du témoignage à aujourd'hui, mardi), l'avocate s'est ravisée et a accepté de poursuivre le travail en après-midi, affirmant que ses engagements avaient pu être déplacés. Dénouement heureux que l'on doit sûrement en partie à la souplesse des télécommunications modernes...


Des cigarettes ventilées ou pas

En après-midi, il a été beaucoup question des trous présents au bout des cigarettes légères. Selon un expert de l'industrie, Michael Dixon (qui est comparu devant la Cour en septembre), ces trous, une fois bloqués par les lièvres des fumeurs, n’entraînent pas une inhalation plus grande de goudron, de nicotine et de monoxyde de carbone.

Interrogé sur cette question, M. Duplessis a affirmé qu’au contraire, ce fait représentait un risque accru d’inhalation des sous-produits de la cigarette. L’information présente sur les paquets de cigarettes sur la teneur en goudron, en nicotine et en monoxyde de carbone s’en trouvait par conséquent faussée, dit-il.

Cette affirmation a d’ailleurs semblé validée par une autre étude réalisée par une collègue de M.  Duplessis, Cathy McBride. (pièce 1603)  Cette chercheuse avait recueilli des bouts de cigarettes dans les cendriers des centres commerciaux et en était venue à la conclusion que près de la moitié des fumeurs recouvraient les trous de ventilation avec leurs lèvres. Le blocage de ces trous était une pratique plus courante avec les cigarettes « ultra-légères » qu’avec les autres types de cigarettes et cela augmentait la dose de nicotine, de goudron et de monoxyde de carbone inhalée, par rapport à ce qui était affiché sur les paquets. 

*

Cette semaine, seulement deux demi-journées d’audience sont au calendrier du procès présidé par le juge Brian Riordan.

Le témoignage de Wolfgang Karl Hirtle, un ingénieur en procédés d'ITC, commence cet après-midi. M. Hirtle a déjà témoigné en décembre dernier, convoqué par la partie demanderesse. Il revient cette fois-ci à l'appel de la défense d'Imperial.


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Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès en recours collectifs contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm


2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information
3) puis revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens au besoin,
ou
utiliser le moteur de recherche sur place, lequel permet d'entrer un mot-clef ou un nombre-clef et d'aboutir à un document ou à une sélection de documents.

mardi 17 septembre 2013

166e et 167e jours - Quand Agriculture Canada cherchait à améliorer le rendement de la tabaculture

(PCr)
La journée d'audition du jeudi 12 septembre, qui était la 166e au procès intenté aux trois principaux cigarettiers du marché canadien par deux collectifs québécois de victimes alléguées du tabac, a vu se prolonger, durant une première partie de la matinée, le contre-interrogatoire de l'ancien grand patron de la recherche chez British American Tobacco, Graham Read, par le procureur des recours collectifs André Lespérance. Nous reviendrons sur certains aspects de ce témoignage lors d'une prochaine édition.

La prolongation du contre-interrogatoire du témoin Read jeudi a un peu retardé l'entrée en scène du témoin Gaétan Duplessis, dont l'interrogatoire s'est poursuivi lundi (167e jour). Cet interrogatoire a été également un peu plus long que prévu. En bout de ligne, le contre-interrogatoire n'a pas pu se terminer. M. Duplessis devra donc revenir devant la Cour, à un moment encore à déterminer.


Des chimistes, vous le saviez, et voici un agronome

Sorti du Collège Macdonald de l'Université McGill avec un baccalauréat puis une maîtrise en agriculture, Gaétan Duplessis est entré chez Imperial Tobacco Canada (ITCL) en 1981. L'agronome a pris sa retraite en 2010, alors qu'il était devenu en 2005 le chef de la division de la recherche et du développement, ce qui en faisait alors le patron de tous les chercheurs de la firme.

Le travail de M. Duplessis chez le cigarettier de la rue St-Antoine à Montréal l'a souvent mis en relation avec les chercheurs du ministère fédéral de l'Agriculture employés à la ferme expérimentale de Delhi, en Ontario.

Ce n'est pas la première fois qu'il est question à ce procès des activités de recherche d'Agriculture Canada. Nombreux sont les témoins issus de l'industrie qui ont fait des détours pour placer au moins une allusion à « Delhi » dans leurs propos.

Une bonne partie du témoignage de l'historien-expert Robert John Perrins, en août dernier (158e jour), portait sur la recherche agronomique fédérale. Me Guy Pratte, défenseur du cigarettier JTI-Macdonald, avait profité de l'occasion pour faire enregistrer plusieurs pièces au dossier de la preuve.

Avec le dissert Gaétan Duplessis à la barre des témoins, l'avocate Suzanne Côté d'ITCL en a profité pour faire verser deux douzaines de documents additionnels au dossier de la défense. (pièces 20231 à 20255)

Comme lors de la comparution de Graham Read la semaine dernière, le juge Brian Riordan a bougonné un peu par moment, parce qu'on lui sert certaines explications pour une ixième fois, par la bouche de témoins différents. Mais il a laissé faire. (Les juges, c'est comme ça, dirait Brassens.)


Le gouvernement fédéral, côté jardin

Les interrogatoires des dernières semaines et les pièces examinées (numéro 20235 et les suivantes) font émerger certaines évidences, que les avocats des recours collectifs ne cherchent d'ailleurs pas nécessairement à contredire, puisque cela ne gène pas directement leur preuve de la culpabilité de l'industrie du tabac.

La réputation du gouvernement du Canada n'en ressort pas blanche comme neige, même si les idéologues libertaires n'y trouveront pas la preuve rêvée que celui-ci est encore plus coupable que les entreprises privées aujourd'hui en procès.

1  Bien que depuis 2006, la compagnie Imperial Tobacco importe la totalité des cigarettes qu'elle vend sur le marché canadien, les feuilles de tabac cultivé au Canada qui aboutissent dans les cigarettes de Rothmans, Benson & Hedges ou de JTI-Macdonald proviennent maintenant presque toutes de souches de tabac développées par les agronomes du gouvernement fédéral, des variétés de tabac qui portent des noms comme Delgold, Delfield, Delliot, Candel, etc  (Del pour Delhi, évidemment).

Le gouvernement d'Ottawa a financé ces recherches durant des décennies. Le témoin Duplessis a expliqué que les rendements par unité de surface de ces souches de tabac sont supérieurs à ceux des variétés de tabac d'origine virginienne qu'utilisait l'industrie il y a 50 ans. Les plants de tabac poussent plus haut et ont davantage de feuilles.
extrait d'un document examiné lundi
qui montre la progression de la
teneur en nicotine des feuilles de tabac
2  Le tabac développé à Delhi a aussi une plus haute teneur en nicotine, et ce n'est pas accidentel. L'ancien chef de la R & D d'Imperial Tobacco a aussi prétendu que cela explique l'élévation, au fil des décennies, du ratio nicotine goudron des cigarettes canadiennes. M. Duplessis a même affirmé qu'Imperial avait durant un temps importé du tabac d'ailleurs pour « diluer » le mélange.

3  Quand le gouvernement, peut-être en manque de fonds, a coupé les budgets pour financer les recherches de Delhi, ce sont l'industrie cigarettière et les tabaculteurs qui se sont mis à les financer. Furent mis sur pied l'Ontario Tobacco Research Advisory Committeee (ON-TRAC), auquel succéda le Canadian Tobacco Research Foundation.

page couverture d'un rapport
de 1996 d'Agriculture Canada portant
la mention « pas pour publication »
Agriculture Canada a signé des contrats avec l'industrie: l'État fournissait les chercheurs, l'industrie gardait pour elle les résultats et pouvait les breveter. De son côté, le ministère de l'Agriculture préférait rester discret sur ses recherches.

Une partie des recherches a porté sur du tabac génétiquement modifié. La peur qu'inspirent au public les sigles OMG ou OGM est si grande que, comme le remarque Cynthia Callard dans son blogue Eye on the trials, la multinationale British American Tobacco, maison-mère d'ITCL, prend soin d'en désapprouver l'usage dans ses produits.


Un calendrier troué

Alors que le tribunal devait entendre des témoins la semaine prochaine, il n'y aura finalement pas d'audition. Depuis le début de mai déjà, le calendrier proposé par l'industrie se révèle gonflé de noms de personnes dont la défense s'avère ne pas avoir besoin aussi longtemps qu'annoncé, ou pas besoin du tout.

C'est ainsi que seulement 30 des 45 jours d'audition demandés pour cette période ont servi. Cela oblige tout de même les avocats de l'autre partie, ceux des recours collectifs, à réserver ces périodes pour le présent procès et à être moins disponibles pour d'autres causes qui pourraient être plus immédiatement payantes.

Lundi, le juge Riordan a suggéré aux avocats des cigarettiers de prévoir un « plan B », par exemple en préparant les témoins à parfois comparaître plus tôt que ce qui est prévu. Ces dernières semaines, le juge a également souvent demandé aux avocats du tabac ce que tel ou tel retour sur certains détails amenaient de pertinent à la preuve.

*

Le juge Riordan a rendu le 13 septembre dernier sa décision relative aux débats sur la pertinence d'examiner au tribunal les dossiers médicaux d'un certain nombre de membres des recours collectifs. Pour la quatrième fois, le juge a rejeté cette idée et il a donc annulé les assignations à produire de tels documents (les subpoena duces tecum) qu'Imperial s'apprêtait à envoyer. En revanche, il autorise Imperial à convoquer des membres des recours collectifs quand même, si elle le veut (son jugement)


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Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès en recours collectifs contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm


2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information
3) puis revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens au besoin,
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