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mercredi 26 juin 2013

156e jour - Dernier jour d'audition avant de renvoyer chacun à son étude ou à des vacances

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces à conviction, voyez les instructions à la fin du présent message.

édition relative à la journée du 20 juin 2013

Au procès intenté contre les trois principaux cigarettiers canadiens par deux collectifs de personnes qui se disent victimes de leurs pratiques, le juge Brian Riordan de la Cour supérieure du Québec a entendu le jeudi 20 juin un dernier témoin avant les vacances judiciaires estivales.

Les parties ont aussi un peu discuté du nouveau calendrier, raccourci, de production de la preuve en défense, planifié par Imperial Tobacco Canada, Rothmans, Benson & Hedges, et JTI-Macdonald. Il a aussi été question de nouveau de la délimitation des groupes qui exercent des recours collectifs.


RETOUR ET ADIEUX DU PROFESSEUR FLAHERTY

David Flaherty est un professeur d'histoire à la retraite de l'Université de Western Ontario qui figure au nombre des témoins-experts de la défense de l'industrie du tabac dans ce procès. Le bonhomme a grandi à Lachine, sur l'île de Montréal, mais a fait carrière aux États-Unis, en Ontario et en Colombie-Britannique.

Il y a vingt-cinq ans, plus précisément le 6 septembre 1988, l'historien Flaherty remettait à l'industrie un rapport de recherche préliminaire sur la « connaissance » qu'avait le public canadien des méfaits sanitaires du tabac. (pièce 1561 au dossier)

Ordinairement, un universitaire des 20e et 21e siècles vit sous la règle non-écrite du « publish or perish » (publier ou périr), mais ce rapport de 1988 devait être gardé secret parce que les avocats comptaient s'en servir dans une défense éventuelle devant un tribunal.

De fait, dans le curriculum vitae du professeur Flaherty, il n'est fait aucune mention de ses recherches sur ce sujet. Le catalogue des publications de l'universitaire canadien est plus riche en monographies sur l'histoire coloniale des États-Unis ou sur des questions de droit à la vie privée.

Après 1998, le rapport secret, comme des millions d'autres documents internes de l'industrie, a été rendu public en vertu d'une entente à l'amiable entre des cigarettiers et les 50 États de l'Union américaine qui les poursuivaient en justice.

Puisque le document était déjà accessible en ligne aux internautes avant même le début du présent procès, le juge Riordan a décidé qu'il pouvait lui aussi le lire et a autorisé son versement dans le dossier de la preuve. La Cour suprême du Canada a ce mois-ci communiqué son intention de ne pas réviser le jugement interlocutoire de Brian Riordan. Alors voilà, l'affaire est close et le document est public.

Quelles ressemblances et dissemblances y a-t-il entre le rapport secret de 1988 et le rapport que l'expert Flaherty a remis en 2010 aux parties dans le présent procès ? Quelle influence les compagnies de tabac ont-elles eu ?

Voilà en partie ce que le procureur des recours collectifs Bruce Johnston a cherché à savoir en poursuivant et terminant son contre-interrogatoire de David Flaherty commencé en mai dernier.


Inconsistances et curiosités

Me Johnston a exprimé une frustration que la partie demanderesse n'ait pas eu accès avant le matin même à la totalité du matériel brut de recherche utilisé par l'expert, soit près de 12 000 documents enregistrés sur un cédérom et colligés par le professeur Flaherty ou d'autres historiens sous contrat avec l'industrie. Ce dernier a révélé qu'il n'y avait pas d'index des documents en question. Incroyable, mais vrai.

Le rapport d'expertise de 2010 conclut que « les Canadiens, incluant les Québécois, étaient les plus avertis de l'Anglophonie et de la Francophonie mondiales » (pièces au dossier 2006320063.120063.220063.320063.420063.520063.620063.720063.820063.920063.1020063.11)

Le rapport préliminaire de 1988, rédigé après seulement quatre mois de recherches, arrivait aux mêmes conclusions, dans des termes très similaires, que la recherche menée épisodiquement durant les 23 années suivantes. Il ne faut cependant pas tirer de conclusions. C'est simplement parce que M. Flaherty était un type brillant (« I think I was a pretty smart fellow back then...»).

L'expert en histoire a cherché à faire comprendre qu'il n'avait pas mis non plus d’œillères en faisant sa recherche, mais il a reconnu implicitement qu'elle était incomplète parce qu'elle ne prenait pas en compte la documentation interne des cigarettiers qui aurait pourtant été disponible, et qui l'est encore pour de futurs historiens. M. Flaherty a répété qu'il avait négocié le mandat et que ce n'était pas les compagnies qui lui avaient dicté ses décisions.

Dans son rapport préliminaire de 1988, l'historien Flaherty faisait notamment référence à ce qu'il avait lu sur la connaissance commune des méfaits du tabagisme dans les transcriptions du célèbre procès de Rose Cipollone contre le groupe Liggett abouti en appel devant la Cour suprême des États-Unis en 1992. Or, si le professeur Flaherty a déclaré, lors un témoignage antérieur devant le juge Riordan, qu'il n'avait jamais lu de transcriptions de procès de cigarettiers, c'est que sa langue a fourché.

Me Johnston a fait remarquer à l'expert que son rapport de 1988 contenait la remarque que les mises en garde publiques à propos des méfaits du tabagisme étaient « contrebalancées par des efforts pour discréditer les études modernes ».

Devant le juge Riordan, M. Flaherty a déclaré qu'il n'avait jamais cru ce qu'il avait alors écrit, et que ses phrases n'ont absolument rien à voir avec ce qu'il pensait à l'époque. Le témoin a dit qu'il aurait dû écrire que les mises en garde ont été efficaces « même s'il y a eu un effort pour les contrebalancer ». L'expert a comparé ces efforts de l'industrie du tabac à une goutte d'eau dans une piscine.

Quand Me Johnston a fait examiner au témoin l'avant-propos du livre The Cigarette Papers, où un ancien Surgeon General déplore que l'industrie ait caché de nombreux renseignements sur les méfaits du tabac qui auraient pu sauver des vies s'ils avaient divulgués, l'historien s'est retranché dans un argument d'autorité et a pris un ton outré: « si j'avais pensé que c'était pertinent, je l'aurais mis » dans le rapport.

On avait compris de la théorie de la connaissance populaire des experts en histoire Lacoursière et Flaherty qu'un article paraissant dans un journal ou un magazine, même à faible tirage, finit par avoir tout de même une influence, grâce notamment au statut social du lectorat, aux revues de presse ou au bouche à oreille familial.

Dans le cas d'un article paru dans le magazine américain True en janvier 1968, un article que l'historien Robert Proctor considère comme un bijou de déni scientifique, M. Flaherty a estimé que le magazine n'était pas lu au Québec, bien qu'il a été incapable de préciser quel était le tirage au Canada. Son petit doigt lui a dit que cela ne pouvait pas avoir eu d'influence, surtout comparé à Sélection du Reader's Digest. Encore une goutte d'eau en moins dans la piscine, si c'est une piscine.

*

En interrogatoire complémentaire par Me Neil Paris, avocat d'Imperial, M. Flaherty a déclaré avoir pris en compte la crédibilité des sources dans sa sélection d'articles de presse. Et ce qui n'est pas crédible, à toutes fins pratiques, ce sont les voix qui nient les méfaits du tabagisme. (Donc on les exclut de l'échantillon, et on obtient ce qu'on veut prouver: les gens savaient.)

Extrait de la pièce 1546
Me Paris a aussi donné une chance au témoin-expert d'accorder son absolution aux historiens qui ont travaillé sur des mandats de l'industrie du tabac dans des procès aux États-Unis. (voir la liste ci-jointe, extraite d'un document versé en preuve par Me Johnston en mai dernier) (pièce 1546)

Me Paris a demandé à l'historien Flaherty s'il pouvait imaginer ce que ses éminents confrères pouvaient gagner en assouplissant leurs normes professionnelles, et le témoin a dit qu'il ne pouvait pas l'imaginer. Le professeur a ajouté qu'avec les mêmes sources et les mêmes questions, toutes ces sommités ne pouvaient aboutir qu'aux mêmes conclusions. Tiens donc.

On aura aussi noté que l'universitaire Flaherty a parlé du « professeur Lacoursière » en référant à l'historien québécois qu'il prenait de si haut lors de son interrogatoire en mai. Il y a tout lieu de croire que l'absolution s'étend donc au célèbre vulgarisateur auteur d'un rapport d'expertise soumis au tribunal en avril.

Le professeur Flaherty est reparti pour la Colombie-Britannique où il réside.

* *

Fumeurs immigrants et dossiers médicaux

Plus tôt en juin, le juge Riordan avait demandé aux avocats des recours collectifs de préciser leurs critères d'inclusion d'une personne dans le groupe des fumeurs ou anciens fumeurs victimes d'une des quatre maladies et dans le groupe des personnes dépendantes de la nicotine.

Le but est d'exclure des personnes pouvant présenter une réclamation celles qui ont commencé à fumer des cigarettes qui ne sont assurément pas fabriquées par les compagnies intimées dans le présent procès, parce que ces personnes ont commencé à fumer avant d'arriver au Canada. Cette ordonnance se veut une réponse à une préoccupation exprimée par Me Simon Potter, le défenseur de Rothmans, Benson & Hedges (RBH).

Un tel ajustement est dans l'intérêt des cigarettiers intimés dans la mesure où il réduira le nombre de Québécois indemnisés en cas de victoire des recours collectifs.  Malgré tout, les compagnies ont protesté de l'enregistrement au dossier de la preuve de données de Statistique Canada sur les migrations. Les recours collectifs « auraient dû » faire cela avant la clôture officielle de leur preuve le 137e jour le 23 avril.

Le juge a fait valoir qu'il a le droit d'imposer quand il veut certaines restrictions à la taille des groupes et qu'il s'attend à ce que les compagnies profitent de la porte ouverte à un nouveau calcul du montant global des indemnités éventuelles.

Le magistrat a aussi, l'an dernier, statué que les cigarettiers ne pourraient pas demandé à voir les dossiers médicaux des membres des collectifs.  Cependant, parce qu'il envisage que les compagnies vont tenter de faire appel de ses décisions sur cette matière, l'honorable Riordan a demandé aux défenderesses de mettre en place un système permettant des appels sans causer des délais au procès.

En ce dernier jour d'audition avant les vacances estivales, une méthode pour ce faire a été mise au point. Les défenseurs des cigarettiers vont faire expédier cet été une assignation à produire des dossiers médicaux, laquelle assignation sera contestée par les avocats des recours collectifs, et sera débattue à la fin d'août. L'hypothèse faite par les juristes est que le jugement interlocutoire de Brian Riordan sur ce sujet aboutirait devant la Cour d'appel à l'hiver 2014, donc bien avant la fin des auditions du présent procès.


Potter encore dans la liste des témoins envisagés

Le juge Riordan a répété, une fois de plus, qu'il ne veut pas voir l'avocat de RBH Simon Potter être appelé à la barre des témoins par son ancien client, Imperial Tobacco Canada. Le magistrat n'autorisera pas cette opération et il estime qu'une comparution d'un avocat partie prenante à un procès dans ce même procès est très exceptionnelle et difficilement justifiable. S'il existe un autre moyen d'enrichir la preuve en défense, le juge annonce qu'il l'imposera à la défense.

Fidèle à son habitude quand on risque de discuter de sa comparution possible comme témoin, Me Potter s'est fait relever dans la défense de RBH par un de ses coéquipiers du cabinet McCarthy Tétrault. Me Potter a déjà déclaré devant le tribunal qu'il ne voulait pas témoigner, mais Me Johnston des recours collectifs avait alors exprimé son opinion que c'est de la frime, et que Potter est de mèche avec la défense d'Imperial.


Le calendrier

Le 15 mai dernier, le juge Riordan a ordonné aux cigarettiers de ramener à 175 jours d'auditions le calendrier de présentation de leur preuve en défense. (Imperial Tobacco veut faire casser ce jugement interlocutoire et la Cour d'appel du Québec va entendre à la mi-septembre les arguments des parties sur la pertinence d'un appel et le fond de la question.)

Le nouveau calendrier qui a circulé depuis le 19 juin respecte la limitation de temps imposée par le juge mais surtout parce que le temps prévu pour des contre-interrogatoires (par la partie demanderesse) a été retranché et parce que le temps consacré à l'interrogatoire de membres des collectifs a été enveloppé de mystère. Le juge Riordan n'a pas paru se formaliser d'arrangements aussi cosmétiques. Il a plutôt complimenté la défense pour son efficacité jusqu'à présent dans les interrogatoires, et pour sa façon de préparer les pièces à verser au dossier. Il a en revanche prévenu les compagnies d'éviter les trous dans le calendrier.

(On trouvera plus bas la séquence envisagée des comparutions et le temps estimé nécessaire.)

Le juge s'est demandé si les avocats de la Couronne fédérale (que la Cour d'appel du Québec a sorti du procès à l'encontre d'un jugement de Riordan) ne pourraient pas aider la défense à produire des affidavits ou des témoins issus de l'administration fédérale.

Les derniers mots du magistrat ont été pour remercier la sténographe et la greffière de leur vaillant travail durant l'année qui vient de s'écouler. 

Les auditions au procès vont reprendre le 19 août, avec la comparution de l'historien Robert J. Perrins.

Entre temps, les avocats et le juge vont pouvoir lire ou relire de nombreux documents versés au dossier de la preuve, qui compte maintenant des dizaines de milliers de pièces.

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Témoins que la défense des cigarettiers veut appeler à la barre (plan du 20 juin 2013)



expertises

Robert J. Perrins (histoire de la connaissance scientifique et politique gouvernementale), 3 jours
Michael Dixon (phénomène de la compensation), 3 jours
James Heckman (publicité, statistique, absence d'impact sur les membres des collectifs), 2 jours
Richard Semenik (marketing), 2 jours
David Soberman (marketing), 2 jours
Alexander Goumeniouk (dépendance), 1 jour
Kieron O'Connor (dépendance), 2 jours
Dominique Bourget (dépendance), 2 jours
John Davies (dépendance), 2 jours
Laurentius Marais (épidémiologie, statistiques, causalité), 3 jours
Bertram Price (épidémiologie), 2 jours
Kenneth Mundt (épidémiologie), 2 jours
Sanford Barsky  (maladie, diagnostic individuel), 1 jour
Dale Rice (idem), 1 jour
deux experts sur les mises en garde sanitaires, 4 jours
+
un possible expert en sondage des consommateurs, 2 jours


faits et gestes d'Imperial Tobacco Canada

Andrew Porter (recherche, chimie), 3 jours
Graham Read (recherche en général, BAT), 3 jours
Gaétan Duplessis (recherche, relations avec Agriculture Canada), 2 jours
Andrew Chan (marketing), 2 jours
Anthony Kalhok (marketing), 1,5 jour
Ed Ricard  (marketing), 2 jours
Anne Boswall (marketing), 1 jour
Jean-Louis Mercier (haute direction), 1,5 jour
Benjamin Kemball (haute direction), 2 jours
Lyndon Barnes (rétention/destruction de documents), 1 jour
Simon Potter (rétention/destruction de documents), 1 jour
Graeme Boswall (feuilles de tabac), 1 jour
Howard Goode (feuilles de tabac), 1 jour
Ron Bandur (feuilles de tabac), 1 jour


faits et gestes de Rothmans, Benson & Hedges

Steve Chapman (développement de produits), 2 jours
Gary Black (développement de produits), 1 jour
John Barnett (politiques corporatives, haute direction), 1 jour
un autre témoin (marketing), 1 jour
un autre témoin (haute direction), 1 jour


faits et gestes de JTI-Macdonald

Peter Hoult (haute direction), 3 jours
Ray Howie (développement de produits), 2 jours
Robin Robb (marketing), 2 jours
Richard Marcotulio (effets sanitaires du tabagisme et politique corporative), 2 jours
Jeff Gentry (développement de produits), 2 jours
Lance Newman (marketing), 1 jour
Guy-Paul Massicotte (CTMC, ICOSI, réorganisation corporative), 1 jour
Mary Trudelle (marketing et affaires publiques), 1 jour
Ian Walker (Youth Target Study), une demi-journée
Michael Sauro (compensation), une demi-journée


faits et gestes du ministère canadien de la Santé

témoins probables
J.C. Robinson, 1 jour
W.H. Cherry, une demi-journée
Monique Bégin, 2 jours
Albert J. (Bert) Liston, 2-3 jours
Perrin Beatty, une demi-journée
Murray Kaiserman, 2 jours
William S. Rickert, 1 jour

autres témoins possibles
DM Bruce Rawson, 1-2 jours
John A. Bachynsky,  1 jour
J.L. Fry, 1 jour
David Kirkwood, 1 jour
Maureen Law, 1 jour
Benoit Bouchard, une demi-journée
David Crombie, une demi-journe
Neil Collishaw, 1 jour
d'autres témoins à déterminer


faits et gestes d'Agriculture Canada
C. Frank Marks, 2 jours
P. Wade Johnson, 2 jours
R.S. Pandeya, 2 jours
J.M. Brandle, 1 jour
Brian Zilkey, 2 jours
Yvan Martel, 1 jour
D'autres témoins à déterminer.


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Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuv ou à d'autres documents relatifs au procès contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm


2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information
3) puis revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens au besoin,
ou
utiliser le moteur de recherche sur place, lequel permet d'entrer un mot-clef ou un nombre-clef et d'aboutir à un document ou à une sélection de documents.

lundi 27 mai 2013

147e jour - Un autre expert en histoire dupé par les compagnies de tabac et par lui-même ?

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces à conviction, voyez les instructions à la fin du présent message.

Vous est-il déjà arrivé de vous croire original et de vous découvrir « comme les autres » ? De penser que vous avez fait vos propres choix et de découvrir plus tard que vous avez en fait suivi le parcours qu'on voulait que vous suiviez, comme ces enfants « au volant » de certains chariots d'épicerie qui sont en réalité dirigés dans les allées par d'autres mains ?

Une réaction humaine en ces cas-là, ce serait peut-être de chercher à dénigrer le messager des mauvaises nouvelles: le confrère de la profession qui a dénoncé votre curiosité intellectuelle à géométrie variable ou le jeune professeur d'une université sans prestige qui a osé analyser en détail (dans une revue internationale avec révision par des pairs) comment des étoiles de la profession ont été dupes ou peu scrupuleux en se prêtant hier au même jeu avec les cigarettiers ...que vous ces derniers vingt-cinq ans.

C'est ainsi qu'a réagi David H. Flaherty, docteur en histoire et professeur émérite de l'Université de Western Ontario. Sans élever le ton, sans perdre contenance, tout de même, quoi qu'il lui est arrivé de se faire rappeler par le procureur des recours collectifs Bruce Johnston lequel d'eux deux était là pour poser les questions et qui était là pour y répondre, et même de se faire rappeler par le juge Brian Riordan qu'un témoin devait attendre les questions avant de parler (d'émettre des sarcasmes, en fait). Et puis, votre serviteur et d'autres personnes ont cru remarquer que le témoin-expert, un homme à peau blanche, avait la tête nettement plus rose au sortir de sa comparution qu'en entrant dans la salle d'audience, et on ne prend pas de coup de soleil sous les néons d'une salle sans fenêtre.

À la fin de l'après-midi jeudi, peut-être à mi-chemin d'un contre-interrogatoire dont la suite pourrait n'avoir lieu que dans six mois (pour des raisons examinées plus bas au point 2), l'avocat était parvenu à montrer au tribunal que, « comme les autres » témoins-experts en histoire dont il est question dans un article de l'historien Louis Kyriakoudes (pièce 1546) paru dans Tobacco Control en 2006, l'historien Flaherty:
  • a été recruté comme expert par l'industrie du tabac sans avoir d'expertise préalable en histoire de la médecine ou histoire de la science;
  • a reçu l'assistance du Special Trial Issues Committee (STIC) mis sur pied par les avocats Allen Purvis et Jan Johnson de Washington pour aider l'industrie du tabac à préparer ses productions d'expertises non-médicales devant la justice (M. Flaherty a visité M. Purvis et Mme Johnson à Washington.);
  • a utilisé des sources premières fournies par l'industrie;
  • a mentionné dans sa revue de presse des sondages Gallup commentés dans les journaux mais évité de regarder les sondages bien plus nombreux, systématiquement mieux connus quant à leur méthodologie et parfois plus révélateurs que l'industrie a en sa possession;
  • a exclu de son analyse la documentation interne de l'industrie accessible en ligne, notamment sur le site de Legacy (Le rapport d'expertise de M. Flaherty date tout de même de 2010.) (pièce 20063);
  • a minimisé dans son rapport d'expertise le rôle de la publicité des produits du tabac (Il n'y a aucune annonce dans le rapport d'expertise du professeur Flaherty, bien que celui-ci a reconnu qu'il avait originalement envisagé d'en mettre.);
  • a mis l'accent sur la couverture de la presse durant la période 1950 à 1964;
  • a prétendu que la crédibilité de l'industrie en matière de santé était nulle dès les années 1950 (alors que la documentation interne permet au moins d'en douter);
  • a minimisé dans son rapport d'expertise le rôle de l'industrie dans l'alimentation d'une controverse scientifique sur les méfaits sanitaires du tabagisme (L'expert Flaherty avait lu le livre de son confrère historien de Harvard, Allan Brandt, qui met en évidence ce rôle des cigarettiers (pièce 1544), mais il a choisi de ne pas tenir compte.);
  • a utilisé comme définition de ce que serait la « connaissance commune » ou « connaissance populaire » une définition qui repose sur l'idée d'une accumulation de connaissance dans le peuple de génération en génération, et une définition qui ne sert jamais ailleurs dans les recherches scientifiques;
  • n'a jamais fait paraître des résultats de ses recherches sur la connaissance populaire des méfaits du tabac dans une publication scientifique avec comité de révision par des pairs.

Avec cela, selon Louis Kyriakoudes et Robert Proctor (rapport Proctor), on obtient comme expertises judiciaires des perspectives historiques sur la cigarette dont l'industrie du tabac est complètement absente.


1

La journée a aussi été parsemé d'échanges qui laissent perplexe.


Me Johnston: Quand avez-vous mandaté le professeur Igartua ?
Professeur Flaherty: En 1999.
Me Johnston: En 1999 ? Savez-vous s'il avait déjà fait certains travaux à cette date ?
Professeur Flaherty: Non.
Me Johnston: Vous ne savez pas ?
Professeur Flaherty: Je ne pense pas qu'il en avait fait. Je veux dire,... j'étais celui ... la seule raison pour qu'ils approchent Igartua était qu'il était un ami à moi.
Me Johnston: Quand vous dites « ils approchent », est-ce que ce fut vous ou « eux » ?
Professeur Flaherty: Non, j'ai appelé le professeur Igartua et lui ai dit: «José, j'ai un problème, j'ai besoin de quelqu'un ayant accès à des étudiants diplômés au Québec pour faire certains travaux préparatoires sur la question du tabac et de la santé au Québec». Je n'avais alors pas idée à ce moment que je serais ultimement l'expert d'Imperial Tobacco sur le Québec.
Me Johnston: Soit.
Professeur Flaherty: J'ai seulement su cela en 2008.
Me Johnston: Mais c'était un ami à vous, vous lui avez parlé ?
Professeur Flaherty: Oui.
Me Johnston: Vous savez ce qu'il faisait?
Professeur Flaherty: Bien, il était en train de travailler sur un livre sur l'histoire d'Arvida...
Me Johnston: Et saviez-vous ....
Professeur Flaherty: ...que j'ai hâte de lire.

Même un historien peut se tromper sur les dates et le professeur sera peut-être chagriné d'apprendre que le livre de son confrère Igartua sur l'histoire d'Arvida en préparation en 1999 est paru en ...mai 1996, alors que David Flaherty était encore le commissaire à l'information et à la vie privée de la Colombie-Britannique. Le procureur Johnston ne lui a pas dit et a poursuivi le contre-interrogatoire.

*

Juge Riordan: Mais, professeur Flaherty, la question (déjà posée plus d'une fois par Me Johnston) était pas mal directe. Est-ce que la connaissance de la probabilité de mourir du cancer du larynx faisait partie de la « connaissance commune » tel que vous l'avez définie ?
Professeur Flaherty: Oui, parce qu'un segment de la population, votre médecin, votre infirmière, le saurait très, très précisément. Les autres le sauraient parce que c'est mentionné dans Sélection du Reader's Digest en 1954, je pense.
Me Johnston: Cela vous pourriez le savoir ...
Professeur Flaherty:  Cela vous pourriez le savoir, mais le risque réel, vous savez, je ne le sais pas aujourd'hui. Quand j'ai commencé ce travail, je me suis fait dire par quelqu'un que si tu fumes toute ta vie, tu as 15 chances sur 100 de fumer (sic) .. Je savais tellement peu alors à propos des risques sanitaires, que je n'ai pas pris conscience que, du point de vue d'un médecin de famille ou d'un spécialiste du thorax, c'est en fait un très haut risque. C'est comme cela que je l'ai appris.
Me Johnston: 15 %, vous avez dit, « de fumer »; vous vouliez dire... (15% you said "of smoking"; you meant...)
Professeur Flaherty: 15 %, pourcent d'une centaine de fumeurs. (15% percent of a hundred smokers.)
Me Johnston: De mourir ? (Of dying?)
Professeur Flaherty: Oui. C'est ce qu'on m'a raconté en 1987.
Me Johnston: D'accord. Mais pour en revenir à la question, la probabilité d'une maladie en particulier, je déduirais la même chose de votre réponse, que vous ne savez pas la probabilité ?
Professeur Flaherty: Je sais très bien ce qui est écrit dans ces 900 pages (de documentation annexe à son rapport). Je ne sais pas assez bien pour vous le dire maintenant, comme si vous veniez me voir pour une consultation médicale.
Me Johnston: Soit. Alors vous avez passé 20 ans et, - est-ce que j'ai raison ? - des milliers d'heures à travailler sur ce sujet, à lire tout ce qui était dans le domaine public au Québec et vous êtes incapable de me donner une réponse à cette question. Êtes-vous d'accord avec moi que, vraisemblablement, un membre du public serait aussi incapable de répondre à la question ? 
Professeur Flaherty: Je ne peux pas vous dire ce qui était dans l'esprit de n'importe quel membre individuel du public, ou vous dire ce qu'ils pensaient.
Me Johnston: Mais juste question de gros bon sens, seriez-vous d'accord avec moi ?
Professeur Flaherty: Question de gros bon sens, oui.

**

Me Johnston: Où avez-vous trouvé la définition de « connaissance commune » pour les besoins de votre rapport (d'expertise) ? Avez-vous ...
Professeur Flaherty: De ma tête.
Me Johnston: C'est votre oeuvre ?
Professeur Flaherty: Oui.
Me Johnston: De personne d'autre?
Professeur Flaherty: J'ai eu des apports de plusieurs gens avec qui j'ai travaillé pour ce rapport.
Me Johnston: Comme qui ?
Professeur Flaherty: L'un était (l'avocat) Steven Lamont, dans les années 1990, et durant presque dix ans, Me Paris qui m'a dirigé lors de l'interrogatoire principal.
Me Johnston: D'accord.
Professeur Flaherty: Alors, nous avons eu des conversations de la sorte au fil des années à propos de tous les aspects de mon travail. Et (son collègue historien) John Swainger et moi avons dû parler de cela aussi.
Me Johnston: Maintenant, quand vous étiez interrogé par Me Paris, vous avez dit que c'est un terme que les historiens utilisent... qu'il utiliseraient dans le contexte, par exemple, d'une connaissance commune - Avez-vous dit sagesse ou connaissance commune ? -, qu'Hitler avait perdu la Deuxième guerre mondiale ?
Professeur Flaherty: Mmmh.
Me Johnston: Vous vous souvenez d'avoir utilisé cet exemple ?
Professeur Flaherty: Oui.

***

Me Johnston: Mais serait-il juste de dire que la « connaissance commune » était un élément de ce qu'il vous était demandé d'étudier dès le début ?
Professeur Flaherty: Non, c'était simplement... Ils ont dit: Trouvez moyen de découvrir ce que les Canadiens se sont fait raconter au fil des temps à propos des risques sanitaires du tabagisme. C'était mon mandat.
Me Johnston: Et quand la « connaissance commune » est entrée dans tout cela ?
Professeur Flaherty: Je ne m'en souviens plus.
Me Johnston: Était-ce ...
Professeur Flaherty: Je ne me souviens vraiment pas, parce que, en-dedans d'une couple d'années, j'avais lu le travail des autres témoins-experts (historiens mandatés par l'industrie du tabac). Il n'y a pas de doute que je parlais dans ma vie de famille, ou dans ma vie professionnelle comme historien, de ce qui était la connaissance commune à propos de x, y ou z. Un de mes sujets de conférence favoris a été l'histoire de l'esclavage...
(...)
Me Johnston: Professeur, êtes-vous capable d'informer la cour du moment où la « connaissance commune » est devenue un élément de votre mandat ?
Professeur Flaherty: Non.

Rappelons que l'un des deux buts auto-proclamés du rapport d'expertise était de savoir à quel moment de l'Histoire le lien entre le tabagisme et le cancer est devenu un élément de la « connaissance commune » des Québécois.







** **

Un autre moment où l'historien canadien a patiné est quand, après avoir affirmé que les compagnies canadiennes de tabac faisaient des affirmations publiques plus raisonnables que les américaines, a été incapable de donner un seul exemple d'une différence.

** * **

Le professeur David Flaherty n'a pas lu le rapport d'expertise de l'historien Jacques Lacoursière, qu'il prend de très haut et considère comme un « amateur ».

À un moment durant le contre-interrogatoire, Me Johnston a mis sous le nez du témoin du jour le code de conduite des historiens américains, code dont Me Doug Mitchell s'était servi lors du contre-interrogatoire du professeur Robert Proctor en novembre. (M. Flaherty a étudié, enseigné et fait des recherches aux États-Unis et sur ce pays. Il est un spécialiste de la période coloniale de l'histoire américaine.).

Ce code (pièce 40024) stipule que l'historien professionnel, en consultant les sources secondaires de renseignement disponibles, sources de contexte, peut vérifier à leur lumière l'interprétation historique découlant de l'examen des sources primaires de renseignement. Flaherty n'a pas moins péché à ce chapitre que Lacoursière. Ce n'est qu'un aspect des ressemblances entre son travail et celui de l'historien québécois.


2

Pourquoi la suite et fin du contre-interrogatoire de l'historien David Flaherty pourrait n'avoir lieu que dans six mois ?

Parce qu'il y a un jugement rendu le 17 mai 2012 par l'honorable Brian Riordan, et maintenu par la Cour d'appel le 14 décembre qui a autorisé le versement au dossier de la preuve en demande d'un rapport préliminaire de recherche de l'historien Flaherty daté de 1988.

Ce document est depuis longtemps accessible au public sur le site en ligne de la bibliothèque Legacy de documents de l'industrie du tabac gérée par l'Université de Californie à San Francisco. (lien vers ce document).

L'industrie considère le rapport préliminaire de David Flaherty comme un document protégé par le secret professionnel et elle a demandé à la Cour suprême du Canada de se prononcer.


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Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm


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jeudi 23 mai 2013

146e jour et un petit bout du 147e jour - Des heures à éplucher des souvenirs du vingtième siècle

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces à conviction, voyez les instructions à la fin du présent message.

Au procès des trois principaux cigarettiers du marché canadien en vertu du Code civil du Québec et de la Loi sur la protection du consommateur, le témoin-expert en histoire David Flaherty a continué durant toute la journée de mercredi de souligner par des commentaires les passages importants dans son rapport d'expertise de 65 pages, qui est une sorte de revue de la presse québécoise allant de 1950 à 1998.

Par moment, l'assistance au procès pouvait avoir l'impression qu'il y avait plus de passages importants que de passages non importants. Plus d'une centaine d'articles ont été « soulignés » par le professeur Flaherty lors de la seule journée de mercredi. Mercredi soir, l'universitaire de carrière âgé de 73 ans a comparé sa journée à trois cours de suite au niveau des études avancées.

Le rapport en tant que tel (pièce 20063 au dossier de la preuve en défense) est complété par des chronologies détaillées, une par lustre: 1950-541955-591960-641965-691970-741975-791980-841985-891990-941995-98  (pièces 20063.2 à 20063.10).

L'interrogatoire par la partie défenderesse commencé mardi s'est enfin terminé tôt jeudi matin. Les avocats des autres compagnies qu'Imperial n'ont pas posé de questions.

Le procureur Bruce Johnston des recours collectifs a manqué de temps pour terminer jeudi son contre-interrogatoire de l'historien Flaherty.

Ce bout de contre-interrogatoire, tout de même substantiel, sera raconté dans notre prochaine édition.


1  La presse le dit, donc tout le monde sait

Grosso modo, la thèse fondamentale de la défense, depuis le début de ce procès, est que le peuple est censé connaître les méfaits sanitaires du tabac puisque la presse n'arrête pas d'en parler, et que les fumeurs sont donc responsables de leur sort puisqu'ils ont choisi de ne pas arrêter de fumer.

La revue de presse du témoin-expert de la défense de l'industrie se lit et s'écoutait comme un hommage appuyé au travail de la presse, ainsi qu'à celui des divers militants de la santé publique, dont les médias ont rapporté les gestes, les déclarations et les revendications au fil de la deuxième partie du vingtième siècle.

L'expert Flaherty a souligné l’œuvre de sensibilisation depuis 1950 du Dr Norman Delarue; des députés canadiens Barry Mather et Lynn McDonald; de Rachel Bureau et Marcel Boulanger du CQTS; du trio Garfield Mahood, David Sweanor et François Damphousse de l'Association pour les droits des non-fumeurs; des journalistes, chroniqueurs ou animateurs Lois Mattox Miller (Reader's Digest), Ann Landers (The Gazette), Gilles Provost (Le Devoir), Lise Lachance (Le Soleil), Jean-Marc Brunet (Le Journal de Montréal), Jean-Luc Mongrain (télévision), etc.

Hélas pour l'auteur d'une narration aussi flatteuse, il n'y avait dans la salle d'audience 17.09 aucun corbeau journalistique susceptible de laisser échapper le fromage du sens critique en écoutant le renard.

D'abord parce que l'assistance était clairsemée.

Ensuite parce qu'il est de notoriété publique ou common knowledge que la presse libre a longtemps servi en parallèle de complaisant véhicule publicitaire pour les produits du tabac, bien qu'avec la méthode Flaherty-Lacoursière, les annonces sont exclues de l'échantillon étudié de messages auxquels le public était exposé. C'est une chose qui était ressortie lors du contre-interrogatoire de l'historien Lacoursière il y a à peine une semaine.

Enfin parce qu'on retrouve dans la sélection Flaherty, comme dans la sélection Lacoursière, des articles au contenu informatif fort disparate. Ainsi, au fil du demi-siècle 1950-1998 tel que revisité par l'expert, les journaux québécois ont rapporté, entre autres,
  • le recul du taux de tabagisme dans la population;
  • l'augmentation du taux de tabagisme chez les jeunes femmes (à un autre moment);
  • la dénonciation par l'Institut du tabac d'un rapport sur les méfaits de la cigarette;
  • les comparaisons faites par des « amis » des fumeurs entre les militants antitabac et des fascistes; 
  • les propos de médecins qui affirmaient que la mort de René Lévesque à 65 ans ont suscité des questions inquiètes de fumeurs concernant leurs poumons;
  • le maintien par la Cour d'appel d'un jugement favorable à la Loi réglementant les produits du tabac;
  • le report de l'obligation d'apposer des mises en garde sanitaires sur les paquets de cigarettes.
(On pourrait continuer l'énumération, mais vous avez pigé l'idée.)

L'interrogatoire de l'historien Flaherty par Me Neil Paris n'a pas permis de savoir quel était le critère d'inclusion d'une nouvelle dans la revue de presse, ni surtout d'apprendre quelle importance relative l'historien accordait à chacune dans la mesure des progrès de la « connaissance commune ».

Si l'annonce d'un recul du taux de tabagisme dans la population témoigne à un moment donné du progrès de la connaissance populaire des méfaits du tabac, une augmentation de la proportion de fumeurs ne devrait-elle pas indiquer le contraire ? Eh bien non. Apparemment, cela fait deux articles qui parlent du tabac, point.

En dépit de commentaires critiques par l'expert, à l'écrit et à l'oral, toutes les nouvelles qui relataient des débats sur des politiques publiques relatives au tabac ont semblé être mises sur le même pied que celles, surtout parues au début de la période, qui rapportent une connaissance médicale des méfaits du tabagisme. Toutes ces nouvelles sont-elles censées s'additionner pour prouver la connaissance des méfaits du tabac ...par les lecteurs des journaux ?? 

Ce n'est pas le duo Flaherty-Paris qui a tiré les choses au clair durant plus de deux jours de dialogue ronronnant.


2  Changement de ton de l'industrie selon ses besoins

En revanche, à la lecture du rapport d'expertise de l'historien Flaherty, comme à la faveur de sa relecture partielle et commentée en compagnie de l'avocat d'Imperial Tobacco, il est facile d'entrevoir que la société québécoise a changé, et la visite des coupures de presse, si elle n'est pas concluante pour le juge Riordan, aura peut-être été jugée divertissante, malgré ses répétitions.

Ainsi par exemple, l'industrie a changé de ton avec le gouvernement.

Dans la revue de presse du professeur Flaherty, on voit qu'en 1969, quand le ministre fédéral canadien de la Santé, John Munro, envisageait de réglementer le commerce du tabac, le président d'Imperial Tobacco Company of Canada Limited (ITCCL) à l'époque, Paul Paré, a parlé de « guerre » et d' « attaque », ce que La Presse et Le Journal de Montréal, entre autres, ont rapporté. (Lors du témoignage de Peter Gage en septembre, ce dernier avait dit que son patron chez Macdonald Tobacco, David M. Stewart, avait pour sa part vu comme un « Pearl Harbor » la publication par le ministre Munro de tableaux de la teneur en goudron et en nicotine de différentes marques de cigarettes.) (Finalement, le projet législatif de Munro a été mis de côté en 1972 et il a fallu attendre 1988 pour que le Parlement adopte un cadre législatif contraignant.)

De nos jours, les communiqués d'Imperial Tobacco Canada parlent des gouvernements comme de « partenaires », alors que les législations et les réglementations sont beaucoup plus exigeantes que dans les années 1960, de l'aveu même de l'industrie. En plus, les partenaires provinciaux ont lancé des poursuites judiciaires contre les cigarettiers... Les temps changent, c'est vrai.

Un autre exemple d'évolution durant la période étudiée est surgi de l'interrogatoire du professeur Flaherty, qui a vu comme l'indice d'un basculement (déjà définitif ?) de l'opinion québécoise les résultats d'un sondage publié à l'occasion de la Semaine des non-fumeurs en janvier 1989 et alors rapporté notamment dans le Journal de Montréal. Selon ce sondage, les Québécois étaient majoritairement favorables à des interdictions de fumer dans les endroits publics.

Et voilà un autre article échantillonné dans le rapport d'expertise sur la « connaissance commune ». Mais si par hasard dans la page d'à-côté un sondage contemporain avait révélé que la majorité des Canadiens déclaraient néfaste le libre-échange nord-américain, est-ce que M. Flaherty ne ferait pas une distinction plus nette entre une connaissance populaire et une opinion ?

On n'a pas pu le savoir.

**

Jeudi matin, le témoin-expert a rallongé la liste de ses étoiles médiatiques de la lutte antitabac en mentionnant la Gang allumée, un réseau de petits groupes d'adolescents militants créé, vers la fin de la période étudiée, par le Conseil québécois sur le tabac et la santé (ce même CQTS qui poursuit les cigarettiers).

L'avocat d'Imperial Neil Paris a aussi offert au professeur David H. Flaherty une occasion d'égratigner son confrère de l'Université Stanford Robert N. Proctor.

Flaherty a déploré l'évolution du style de Proctor depuis son livre de 1999 sur la guerre des Nazis contre le cancer et le tabac, puis  il a accusé l'universitaire californien d'avoir une idée fixe sur l'industrie américaine du tabac et de l'avoir transposé au Canada sans connaître ce pays.


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mercredi 22 mai 2013

145e jour - La « common knowledge » des méfaits du tabac invoquée par l'historien David Flaherty

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Dans son curriculum vitae soumis à la Cour supérieure du Québec, Jacques Lacoursière a mentionné qu'il est historien-conseil pour les compagnies de tabac depuis 2006. Il avait aussi produit en 2003 une déclaration écrite sous serment devant le juge Pierre Jasmin, c'est-à-dire le juge qui a autorisé en 2005 deux recours collectifs et un procès contre ces compagnies de tabac dont vous suivez ici les événements.

David Flaherty en juillet 2012
De son côté, David H. Flaherty, qui est un professeur émérite d'histoire et de droit de l'Université de Western Ontario ainsi que le témoin-expert de cette semaine dans le procès, invité à comparaître par les cigarettiers en défense, n'a pas cru bon de mentionner dans son son curriculum vitae soumis au tribunal une collaboration scientifique avec l'industrie qui est bien plus ancienne et plus longue que celle de Lacoursière.

Le procureur des recours collectifs Bruce Johnston a demandé mardi à l'historien Flaherty pourquoi il a passé cela sous silence, et l'universitaire a répondu que c'était parce qu'il n'a rien publié sur le sujet. (Lui non plus...)

Lors de sa brève comparution devant le même tribunal de Brian Riordan le 15 mai de l'an dernier, le professeur Flaherty avait affirmé que les compagnies de tabac n'ont jamais exigé de lui qu'il garde secrètes les recherches qu'il a faites pour leur compte. (voir notre édition relative au 29e jour).

Mardi, le témoin-expert a déclaré qu'il s'attendait à parler un jour de ses recherches devant une cour de justice, comme si la diffusion de la connaissance scientifique devait s'en remettre à l'habileté des avocats.

Peut-être faut-il prendre ce qui ressemble à une crânerie avec deux grains de sel.

Premièrement, la défense des cigarettiers s'est battu bec et ongles et se bat encore pour qu'un rapport préliminaire de recherche de Flaherty à l'industrie canadienne en 1988 n'aboutisse pas dans le dossier de la preuve en demande au présent procès, et cela même si le document est depuis longtemps accessible au public sur le site internautique de la bibliothèque Legacy de documents de l'industrie du tabac gérée par l'Université de Californie à San Francisco. (lien vers ce document)

Dans son jugement du 17 mai 2012, qui a survécu en décembre dernier à une demande de révision présentée à la Cour d'appel du Québec (jugement unanime en appel) et qui est maintenant l'objet d'une demande d'autorisation d'appel devant la Cour suprême du Canada, l'honorable Brian Riordan de la Cour supérieure du Québec a indirectement qualifié de tartufferie l'attitude des cigarettiers canadiens.

N'empêche que l'industrie considère le rapport préliminaire de David Flaherty comme un document protégé par le secret professionnel.

Deuxièmement, il n'est pas certain que la simple divulgation de l'existence d'un lien du chercheur universitaire Flaherty avec l'industrie du tabac aurait été sans conséquence pour lui, par exemple en ce qui a trait à sa participation en tant que consultant au groupe de travail sur l'information en matière de santé formé à la demande de Statistique Canada en 1991. Et puis David Flaherty n'a pas seulement passé discrètement sa vie dans l'enseignement et la recherche, il a notamment été de 1993 à 1999 chargé par l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique de veiller à l'application de la loi de cette province sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée. Qui était alors au courant de son rôle auprès de l'industrie du tabac ?

*

Mardi, il y a eu un interrogatoire et un contre-interrogatoire préalables à la qualification de David Flaherty comme expert. Les avocats des recours collectifs se sont opposés presque par pur principe et très brièvement à sa qualification comme expert, mais l'honorable Brian Riordan a jugé autrement, et l'interrogatoire principal a alors commencé.

Cet interrogatoire principal est mené par un nouveau venu au procès, Me Neil Paris, un autre avocat du bureau torontois de l'étude Osler, Hoskin & Harcourt, qui assure la défense de la compagnie Imperial Tobacco de Montréal.

Le tandem Flaherty-Paris a mieux fonctionné que le tandem Lehoux-Lacoursière de la semaine dernière. Le témoin-expert joue bien son rôle.

Par contre, malgré les avertissements du juge Riordan, Me Paris semble déterminé à examiner le rapport d'expertise de l'historien Flaherty en sautant très peu de dates. La période couverte va de 1950 à 1998, on procède par ordre chronologique, et l'interrogatoire s'est terminé sur des documents datant de janvier 1964.

Quant à son contenu, le rapport d'expertise de David Flaherty (pièce 20063 au dossier de la preuve en défense) ressemble comme un frère à celui de l'historien Jacques Lacoursière. L'un est en français, l'autre en anglais, mais la méthode semble être la même.

L'expression « connaissance populaire » employée par l'historien québécois semble le meilleur équivalent qu'on ait trouvé en français de l'expression « common knowledge » employée par les experts historiques recrutés par l'industrie du tabac aux États-Unis et par l'historien Flaherty (qui se débrouille par ailleurs assez bien en français, entre autres pour avoir résidé au Québec durant une bonne partie de son enfance et de son adolescence) (L'interrogatoire est cependant mené en anglais.)

Le rapport Flaherty se compose d'une masse d'articles parus dans les périodiques québécois et montre que la presse a abondamment parlé au peuple de l'existence de méfaits du tabagisme. Quant à savoir si le bon peuple croyait tout cela, ou quant à savoir surtout si toute cette lecture qui aurait dû idéalement influencer leur comportement a effectivement empêché des Québécois de devenir fumeurs à 12 ans ou les a fait facilement décrocher d'une dépendance avant d'être atteint d'une maladie, cela n'intéresse pas les historiens mandatés par l'industrie, ce n'était pas dans leur mandat d'être plus curieux.

José E. Igartua a été professeur d'histoire à l'Université du Québec à Chicoutimi de 1978 à 1981, puis a continué sa carrière d'enseignant et de chercheur à  l'Université du Québec à Montréal (UQAM) à partir de 1981.

L'historien Flaherty a fait connaissance de l'historien Igartua quand celui-ci a enseigné à l'Université Western Ontario dans les années 1970. Quelque part à la fin des années 1980, donc bien avant les prémices du présent litige, le professeur ontarien a recruté le professeur québécois pour travailler au « Quebec Historical Awareness Project » (QHAP). Quand le consultant Jacques Lacoursière est monté à bord plus tard, les avocats de l'industrie l'ont envoyé travailler avec Igartua.

Dans son c. v. en ligne, l'historien Igartua ne trouve pas lui non plus utile de mentionner qu'une partie de ses recherches ont porté sur la connaissance dans la population des méfaits du tabac.

Quel rôle ingrat pour l'industrie de subventionner des recherches universitaires en se faisant si peu souvent créditer d'avoir contribué au développement du savoir.


Le couteau à double tranchant

Le QHAP était la composante scientifique du projet Four Seasons de l'industrie canadienne du tabac qui visait à préparer cette dernière à se défendre face à de possibles réclamations de dédommagements par des victimes de la dépendance à la nicotine ou de maladies causées par le tabagisme. Le financement par l'industrie des recherches historiques de Flaherty et Igartua est contemporain de l'exécution par Imperial Tobacco Canada de sa politique de destruction de rapports de recherche bio-médicale et de documents de marketing à son siège social de Montréal.

Ce qui a frappé votre serviteur au cours de la journée de mardi, c'est le caractère constant, sérieux, méthodique, de l'effort d'information réalisé dès la fin des années 1950 par le magazine canadien Sélection du Reader's Digest (SRD) concernant les méfaits sanitaires du tabagisme. Le professeur Flaherty a bien montré comment l'importance du tirage et la taille du lectorat de cette publication à l'époque lui donnait un grand impact.

Lorsque certains anciens cadres de l'industrie avaient mentionné l'an dernier la parution d'articles antitabac dans ce magazine, l'auteur du blogue avait envisagé que ces mentions lors des interrogatoires soient le fruit d'un briefing (pour ne pas dire un petit rinçage de cerveau) donné par les défenseurs des cigarettiers à tous leurs anciens employés appelés à témoigner dans le présent procès.

Mais en supposant maintenant que les anciens cadres de l'industrie qui faisaient carrière au Québec et y élevaient leurs enfants aient effectivement lu SRD à cette époque, et aient partagé à l'époque la soi-disant « connaissance commune » des Québécois sur les nombreux méfaits sanitaires du tabac (En plus, des documents et au moins un témoignage oral révèlent que les dirigeants des compagnies de tabac recevaient des revues de presse.), comment expliquer que ces dirigeants aient négligemment décidé d'en faire le moins possible pour prévenir eux-mêmes le public et d'attendre que les pouvoirs publics interviennent. Comment la défense de l'industrie va-t-elle réussir par sa stratégie actuelle à exonérer plus tard ses dirigeants d'un blâme immense ?


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mercredi 16 mai 2012

29e jour - 15 mai - Secret professionnel et coup de théâtre

En 1988, trois firmes d’avocats, agissant pour le compte d’autant de grandes compagnies de tabac canadiennes, parmi lesquelles Imperial Tobacco et RJR-Macdonald (aujourd’hui JTI-Macdonald), ont commencé de subventionner David H. Flaherty, alors professeur d’histoire à l’Université de Western Ontario, pour produire un rapport de recherche sur la connaissance des méfaits sanitaires du tabac que possédaient les Canadiens ordinaires à différentes époques.

On ne pourra cependant pas connaître en détail la genèse de cette entreprise, connue sous le nom de Four Seasons Project dans certains documents brièvement examinés au tribunal depuis le début du procès actuel.


Secret de fabrication

Puisque la recherche de l’historien Flaherty lui avait été commandée par les cigarettiers par le truchement de cabinets d’avocats, pour une raison officielle qui reste énigmatique, les défenseurs actuels des compagnies invoquent maintenant le secret protégeant le travail des avocats (et de leurs experts) pour empêcher une production du rapport de recherche à un moment qui ne leur convient pas, aussi bien que pour empêcher que le tribunal examine, entre autres, une lettre de 45 pages du professeur Flaherty qui faisait état en septembre 1988 des premiers pas de la recherche.

Or, le public du monde entier peut déjà lire cette lettre sur le site de l’Université de Californie, parce qu’elle a été versée comme pièce au dossier de la preuve lors d’un procès aux États-Unis.

En fin de compte, la seule personne au monde qui est empêché de lire cette lettre, qui concerne une recherche sur les connaissances des Canadiens, est le juge canadien Brian Riordan.

Le blocus d’hier des Suzanne Côté, Guy Pratte et Simon Potter, pour le compte des trois compagnies actuellement en procès, a cependant si bien réussi que l’interrogatoire du professeur Flaherty par le procureur André Lespérance des recours collectifs, commencé et terminé hier après-midi, a été de loin le plus court de tout ce procès jusqu’à présent.

Le témoin Flaherty a eu le temps de dire que sa collaboration avec les cigarettiers l’avait mené à préparer une documentation utilisée lors d’une poursuite d’un particulier en Colombie-Britannique en 1988, une poursuite en dommages et intérêts abandonné depuis lors.

Des questions qu’André Lespérance voulait poser sur le projet Four Seasons resteront cependant sans réponses.  Le juge Riordan a gentiment congédié le professeur.

Le court interrogatoire a été suivi d’un débat, imprévu à l’horaire d’hier, mais préparé d’évidence par les deux parties, et qui devait avoir lieu tôt ou tard.

Cachez ces préparatifs que je ne saurais révéler

Me Lespérance a soutenu que la recherche de longue haleine de l’historien Flaherty lui avait été commandée en vue d’un témoignage d’expert lors d’un possible litige devant les tribunaux canadiens, ce qui serait une preuve que les cigarettiers se préparaient effectivement à un litige, et cela à l’époque même où Imperial Tobacco discutait à l’interne et avec British American Tobacco, puis adoptait et appliquait sa désormais célèbre et embarrassante Politique de rétention/destruction de documents.

Le problème pour ITCL est que ses défenseurs, en livrant avant hier une série de documents à la partie demanderesse, ont répété que cette politique de rétention/destruction n’avait aucun rapport avec la préparation ou la crainte d’un litige judiciaire.   Évidemment, s’il ne s’agissait que de désencombrer des tiroirs de classeurs, la commande passée à la même époque au professeur Flaherty ne serait qu’une coïncidence.

Lors du débat d’hier, Me Suzanne Côté, pour le compte d’Imperial Tobacco, a dit que le secret protégé par le privilège avocat-client suivait les avocats dans leur tombe.  La formule avait son petit côté dramatique, et plusieurs juristes ont souri, peut-être même la plaideuse, observée depuis le fond de la salle.

De son côté, Me Guy Pratte, pour le compte de JTI-Macdonald, a fait valoir, avec sa chaude voix de contrebasse mais d’un ton qui n’admettait guère de réplique, que la divulgation d’un document dans une juridiction, celle d’un État américain par exemple, ne mettait pas nécessairement fin à la protection du privilège avocat-client dans toutes les autres juridictions, celle du Québec en l’occurrence.  Me Pratte a laissé entendre que la divulgation d’un document par ordre d’un tribunal n’équivalait pas à une renonciation à l’exercice du privilège.

Quant à Me Simon Potter, il s’est employé à démontrer que la distinction faite par Me Lespérance entre le privilège avocat-client, permanent, et le privilège du secret lié à la préparation d’un litige, qui serait temporaire, était sans valeur dans le régime du droit civil québécois, distinct du système de la common law en vigueur dans le reste du Commonwealth et aux États-Unis.  Pour Me Potter, le droit québécois ne connaît que le concept du secret professionnel, sans faire de distinction.

Comme l’a remarqué ma collègue Cynthia Callard dans son blogue, David H. Flaherty aurait peut-être goûté toute cette discussion entre les juristes, lui qui a été, de 1993 à 1999, chargé par l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique de veiller sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée dans cette province, et dont une partie des recherches comme universitaire ont porté sur l’histoire du droit.  M. Flaherty, dont la carrière d’enseignant à London, en Ontario, est désormais terminée, réside maintenant en Colombie-Britannique.

En finissant par le début de la journée

Dans la matinée d’hier, deux procureurs des recours collectifs, Philippe Trudel puis Bruce Johnston ont terminé provisoirement l’interrogatoire du stratège en marketing Ed Ricard, avant d’envoyer ce témoin chercher et lire une documentation que son interrogatoire devait originalement permettre de produire et d’examiner.

Plusieurs documents portant sur la contrebande du début des années 1990 ont reçu un numéro de pièce mais ont été mis sous réserve par le juge Riordan.  Le sujet de la contrebande continue de sentir le souffre.

Il y a tout de même eu notamment un examen d’un mémorandum de mars 1991 envoyé par Ed Ricard à plusieurs cadres d’ITCL.  Dans ce texte (pièce 270), M. Ricard prédisait que les hausses des taxes déboucheraient sur une augmentation des ventes dans les boutiques hors-taxes et des exportations.

Le procureur Bruce Johnston a demandé au témoin s'il savait à l'époque que les cigarettes exportées ou vendues dans les zones hors-taxes revenaient au Canada pour y alimenter le marché noir.  Après quelques réponses indirectes, le témoin a reconnu que sa compagnie savait que lesdites cigarettes étaient finalement vendues au Canada.

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