Dans leur arrêt unanime du vendredi 1er mars dernier,
cinq juges de la Cour d’appel du Québec ont fait parler plusieurs morts, dont plus
d’un que le juge Brian Riordan de la Cour supérieure du Québec n’avait pas cités
dans son jugement de juin 2015, un jugement qui a condamné trois cigarettiers
du marché canadien à verser des milliards de dollars de dommages compensatoires
et punitifs à des collectifs de victimes québécoises de leurs cachotteries. (C’est
rendu à 17 milliards avec quelques corrections dans les calculs et les intérêts
depuis près de 4 ans.)
Dans leur arrêt de 422 pages, où presque la totalité du
jugement de première instance est validé, dans sa sentence comme dans ses
justifications, les juges Yves-Marie Morissette, Allan Hilton, Marie-France Bich,
Nicholas Kasirer et Étienne Parent citent de nombreux documents enregistrés au
dossier de la preuve lors du procès devant le juge Riordan entre mars 2012 et décembre
2014, et ils citent notamment des extraits des pièces 266 et 267 du dossier. Parce
que ces écrits-là leur semblent illustrer éloquemment, évidemment en association avec une foule d’autres
pièces, le peu de cas que l’industrie cigarettière a fait de ses obligations vis-à-vis
d’autrui.
Ce n’est évidemment pas la seule émotion que le pavé de la
Cour d’appel du Québec réserve à ses lecteurs et il convient de s’y attarder.
1 Un fantôme (parmi d’autres) appelé Robert
Bexon
L’auteur des documents 266 et 267 s’appelle Robert Bexon. Au
début des années 1980, il travaillait sous la direction de Wayne Knox au sein
du département du marketing d’Imperial Tobacco Canada. Lors de sa comparution
en 2013 devant le juge Riordan, Wayne Knox a salué l’esprit délié de Robert
Bexon. Knox n’était pas le seul dans l’industrie (et ailleurs) à apprécier
Bexon puisque ce dernier, après avoir d’abord poursuivi une carrière de cadre chez
Brown & Williamson, la filiale américaine du groupe mondial British American
Tobacco, auquel appartient aussi Imperial au Canada, est revenu à Montréal au
tournant du 21e siècle, cette fois-là en qualité de président d’Imperial.
Bexon, un
adepte du vélo, est décédé dans un accident de la route en juillet 2008,
autrement dit dix ans après le lancement des poursuites de la
Colombie-Britannique et de groupes de victimes de l’industrie contre Imperial et
les autres cigarettiers du marché canadien, mais près de quatre ans avant le
début des comparutions de témoins devant le juge Riordan.
Dans un mémorandum adressé en 1985 à Wilmat Tennyson, alors
le président de la compagnie, Robert Bexon affirmait que (traduction de l’auteur
du blogue) « si notre produit ne créait pas la dépendance, nous ne vendrions plus
une seule cigarette la semaine prochaine, en dépit des attributs
psychologiquement positifs du produit » (c’est-à-dire, selon Bexon, la
réduction du stress, l’amélioration de la concentration et le soulagement de l’ennui).
Voilà pour cette pièce 266 qui a attiré l’attention de la Cour d’appel.
Dans un mémorandum adressé en 1984 à Wayne Knox (pièce 267
au dossier), Bexon disait :
« Cependant, nous savons que renoncer [au tabac]
n’est pas un processus facile. Sur 100 fumeurs qui essaient, seulement cinq tiennent
le coup plus d’un an. Moins de deux réussissent définitivement. »
(traduction de l’auteur du blogue).
Les juges de la Cour d’appel soulignent un deuxième passage
de la pièce 267 où Bexon recommande à son supérieur de « lancer des projets pour assurer la
consommation continue de produits du tabac par les jeunes Canadiens »
(traduction de l’auteur du blogue)
L’arrêt de la Cour d’appel,
comme l’était le jugement Riordan, est émaillé de citations et d’analyses
accablantes pour les cigarettiers.
2 Le témoignage des archives
Il n’y a a priori rien d’original à ce qu’un tribunal fasse parler un mort. Des juges dans le
monde entier font cela quotidiennement en décrivant dans leurs jugements l’intention
de constituants ou de législateurs décédés depuis des décennies, sinon des
siècles, ou quand ils citent de la jurisprudence ou un auteur de doctrine,
toujours sans se soucier de savoir ce que penserait de leurs inférences la
personne citée, si on avait l’occasion et le goût de l’interroger sur le sujet.
Les juges sont sûrs de savoir lire comme il faut « les autorités », et c’est
bien pourquoi on compte sur eux. Quand une formation de trois ou de cinq ou de neuf
magistrats n’est pas unanime, la décision qui a force de loi est alors celle de
la majorité des juges. D’où la tournure politique extrêmement dramatique que
prend parfois la nomination d’un juge au tribunal suprême dans un pays de
citoyens dégourdis.
Si Robert Bexon était en vie, il aurait cependant été convoqué
à la barre en tant que témoin de fait lors du procès présidé par le juge
Riordan. Au procès, la défense des compagnies de tabac s’est battu bec et
ongles pour que des « témoignages » posthumes aboutissent le moins souvent
possible dans le dossier de la preuve sans l’interrogatoire et le
contre-interrogatoire d’un contemporain approprié pour l’authentifier puis l’interpréter
au besoin. Plusieurs éditions des blogues Eye
on the trials et Lumière sur les
procès du tabac ont rapporté la préoccupation à ce sujet des avocats de Rothmans,
Benson & Hedges (RBH), d’Imperial Tobacco Canada (ITCL) et de JTI-Macdonald
(JTM).
On comprend facilement qu’il faille s’assurer de l’authencité
d’un document avant de l’admettre en tant que pièce au dossier de la preuve
dans un procès. Un faux ne doit pas aboutir en preuve. Dans le cas des écrits
de Bob Bexon, ils proviennent des archives d’ITCL. Un esprit très méfiant
pourrait imaginer qu’une telle provenance n’exclut pas qu’un document soit une
forgerie de la part de la compagnie, si ce n’était de sa teneur, qui dans les
cas en question semble incriminante pour Imperial. Les écrits de Robert Bexon
sont sans doute à ranger avec plusieurs autres parmi ce que les avocats des
victimes de l’industrie du tabac ont qualifié partout de « smoking guns », parce
que ces pièces tendent à incriminer un suspect comme le ferait la découverte d’un
pistolet encore fumant dans les mains d’une personne soupçonnée d’avoir tué
quelqu’un avec un pistolet.
Dans la présente affaire, au-delà de la métaphore de l’arme
à feu, les choses sont évidemment plus compliquées parce que c’est un trio de
compagnies qui était sommé de réparer ses torts, parce que la peine d’emprisonnement
à vie n’existe pas contre les compagnies, et parce qu’on ne peut pas dire d’un
employé ou d’un cadre d’une compagnie qu’il a de ses propres mains empoisonné
un seul fumeur.
C’est pourquoi le juge Riordan a pendant plus de 250 jours
entendu les interrogatoires et contre-interrogatoires d’une cinquantaine de
témoins de faits et de deux douzaines d’experts, ainsi qu’écouté des avocats qui
plaidaient, puis il a continué de compulser des tonnes de documents enregistrés
en preuve, et fait des recoupements, avant de livrer ses conclusions au bout de
six mois. La Cour d’appel a fait plus et mieux que de créditer le juge de
première instance pour sa diligence en endossant toutes ses conclusions, elle a
établi que justice avait été rendue. (Et elle fournit des réponses à toutes les objections présentées par les cigarettiers, généralement des réponses qui vont leur déplaire.)
3 Similitudes et complémentarité de deux
jugements
Plusieurs dizaines de milliers de pièces figurent au dossier
de la preuve dans l’affaire judiciaire que ce blogue a couvert. Au sortir du procès en
décembre 2014, le « magasin » regorgeait de suffisamment de documents éclairants
pour que la démonstration d’une faute des cigarettiers par le juge Riordan ne dépende
pas de la mention dans le jugement d’un document en particulier. Dans son
jugement de juin 2015, le magistrat s’est d’ailleurs plu à parfois utiliser des
pièces à l’appui de ses conclusions d’une manière fort éloignée des espérances
de la partie qui avait fait enregistrer cette pièce en preuve
C’est ainsi
que, par exemple, le rapport d’expertise de l’historien Robert J. Perrins,
commandé par la défense de JTI-Macdonald pour incriminer le gouvernement du
Canada, a servi au juge pour justifier la faible valeur probante qu’il accordait
à certains témoignages que la défense de l’industrie souhaitait utiles à sa
cause.
Rien n’imposait davantage à la Cour d’appel de mentionner
dans son arrêt le contenu des communications de Robert Bexon avec ses
supérieurs de l’époque, ou d'autres pièces, mais le juge Riordan avait déjà cité Patrick O’Neil-Dunne,
Paul Paré, Sidney Green, et d’autres gênantes sources d’outre-tombe. La Cour d’appel
a plus ou moins répété le procédé. Bexon était un fantôme manquant dans le
jugement Riordan (parmi d’autres sources écrites accueillies en preuve et non
mentionnées dans les deux jugements, telles que Derick Crawford, Claude Teague,
David Schechter, etc). En mentionnant les écrits de Bexon, la Cour d’appel a
ajouté une petite touche de noir à un réquisitoire déjà sombre. Et c'est une retouche parmi plusieurs autres.
On trouve même deux fois dans l'arrêt des cinq juges, aux paragraphes 130 et 803, une citation de sir Charles Ellis, qui était le directeur de la recherche chez British American Tobacco en 1961.
On trouve même deux fois dans l'arrêt des cinq juges, aux paragraphes 130 et 803, une citation de sir Charles Ellis, qui était le directeur de la recherche chez British American Tobacco en 1961.
La Cour d’appel a aussi rappelé l’implication reconnue de
RBH, JTM et ITCL dans la contrebande des cigarettes du début des années 1990. Le mot contrebande n’apparaît pas dans le
jugement de l’honorable Brian Riordan, sauf dans la dixième annexe (annexe J),
laquelle reproduit un extrait d’un mémoire des avocats des recours collectifs
où ceux-ci s’efforcent de montrer que JTI-Macdonald a les moyens de payer aux
victimes du tabac les dédommagements réclamés. Dans cette annexe de son jugement, le juge Riordan a laissé parler les
demandeurs à la manière dont les compagnies se sont efforcées de n’être pas
associées aux mises en garde sanitaires apposées sur les paquets de cigarettes dans
les années 1990, en les formulant ainsi : « Santé Canada considère que … » Ici, on croit presque entendre «
La partie demanderesse au procès, pas moi!! hein, je ne me prononce pas!!, allègue que l’industrie du tabac a
pratiqué la contrebande ….»
Évidemment, il n’a pas été difficile pour les juges de la
Cour d’appel de vérifier qu’effectivement, ITCL, RBH et JTM ont
reconnu avoir été complices de ventes massives de cigarettes à bas prix sur
lesquelles les taxes n’avaient pas été perçues. L'infraction datait des années 1990, les aveux sont arrivés en 2008 (ITCL et RBH) et en 2010 (JTM).
Grâce aux retouches que les juges de la Cour d’appel apporte
en 2019 au tableau peint par le juge Riordan en 2015, le public et éventuellement
les juges de la Cour suprême du Canada vont tout de suite mieux comprendre à
quel point l’industrie du tabac se croit habituellement au-dessus des lois.
Aux paragraphes 140 et 141 de l’arrêt de la Cour d’appel, les
juges Morissette, Bich et compagnie s’étonnent du contraste entre l’indulgence
occasionnelle du juge Riordan pour le comportement de Rothmans, Benson &
Hedges, Imperial Tobacco et Macdonald Tobacco, et sa sévérité réprobatrice dans
d’autres passages du jugement.
Sur le fond, les juges de la Cour d’appel affirment que l’obligation
de bien informer le consommateur doit être proportionnée au danger couru par ce
dernier quand il fait usage du produit (paragraphe 282 de l’arrêt), et ils écrivent
plusieurs pages pour donner raison au juge de première instance d’avoir
considéré que les cigarettiers avaient une obligation de bien renseigner le
consommateur (voire le public et le gouvernement), même en l’absence de contrats
ou d’une loi explicitant cette obligation, et même en considérant une part de
responsabilité de fumeurs dans leur mauvais sort. Un bon citoyen corporatif ne peut pas se déprendre de son devoir de livrer la bonne information quand son produit est intrinsèquement dangereux, c'est un devoir irréfragable.
Néanmoins, les juges Morissette, Bich et compagnie
consacrent aussi plusieurs pages de leur arrêt à la démonstration que le juge
Riordan aurait pu justifier les sanctions qu’il a imposées par d’autres
logiques, s’il l’avait voulu, et même si ce n’était pas nécessaire selon eux.
Le vaillant juge de la Cour supérieure aurait-il fait toute cette analyse juridique si on lui avait miraculeusement donné 27 mois pour rédiger? Ce n’est pas
certain.
Mais revenons-en à la sélection des pièces au dossier citées dans le jugement de première instance pour montrer que les cigarettiers n'ont pas fait leur devoir, et qu'ils ont même fait le contraire.
L’auteur du blogue, comme d’autres personnes qui ont suivi toute l’affaire, ne peut s’empêcher d’envisager que le juge Riordan, en ne mentionnant pas Bexon, par exemple, ou en évitant de parler de contrebande, par exemple, a peut-être fait exprès de laisser des pointillés dans l’illustration de sa logique et dans l’illustration des fautes des compagnies, et qu’il a aussi par moment réfréné son indignation.
L’auteur du blogue, comme d’autres personnes qui ont suivi toute l’affaire, ne peut s’empêcher d’envisager que le juge Riordan, en ne mentionnant pas Bexon, par exemple, ou en évitant de parler de contrebande, par exemple, a peut-être fait exprès de laisser des pointillés dans l’illustration de sa logique et dans l’illustration des fautes des compagnies, et qu’il a aussi par moment réfréné son indignation.
S’il est seulement possible que le juge Riordan ait écrit avec
un souci stratégique les 277 pages (303 pages dans la traduction française) de
son jugement de 2015, il est en revanche plus que probable que que les juges
Morissette, Hilton, Bich, Kasirer et Parent ont eu une ambition didactique en
rédigeant leur arrêt de 2019.
Les juges
de la Cour d’appel n’auraient peut-être pas pu et voulu faire plus court que
422 pages en prenant, par exemple, 36 mois au lieu de 27. Un avocat impliqué
dans l’affaire a fait plaisamment remarquer à votre serviteur que le passé de
professeur d’université de trois des cinq juges transparaissait dans l’arrêt,
notamment dans sa longueur. De fait, Morissette et Kasirer ont enseigné à l’Université
McGill, Bich a enseigné à l’Université de Montréal. Alors peut-être bien.
Les prochaines années nous diront si l’arrêt rendu par la
Cour d’appel vendredi est historique, d’autant qu’il suffirait que la Cour suprême
du Canada se prononce sur la cause pour que la presse accorde aussitôt au plus
haut tribunal du royaume le crédit d’avoir rendu un jugement historique, ce qui
serait injuste. Au surplus, un pareil détour par Ottawa ne ferait pas qu’ajouter
à la lassitude des victimes de l’industrie, il renforcerait l’impression que
certains justiciables abusent des procédures et des ressources du système de
justice. On ne s’en étonnera pas pour autant si cela arrive. C’est la question
que tous les journalistes se posent: les cigarettiers vont-ils payer ou contester encore?
Qu’il mette ou non le point final à l’aventure judiciaire
des fumeurs victimes de l’industrie du tabac, l’arrêt de la Cour d’appel est
quand même destiné à être épluché par quantité d’avocats et de professeurs de
droit durant les prochaines années ou décennies, parce que c’est une véritable
leçon de droit et analyse qu’ont signée les honorables juges Morissette, Bich, Kasirer,
Hilton et Parent.
*
Les historiens et amateurs d’histoire seront ravis d’apprendre que le texte de la Cour d’appel reprend notamment les éléments d’une chronologie explicite fournie par le juge Riordan en 2015 et enrichit cette chronologie de faits que le juge avait dispersés dans son jugement, et l'enrichit encore par d'autres lectures.
Lors de l'audition des parties par la Cour d'appel, en novembre 2016, le commun des mortels a pu avoir l'impression que l'arrêt de la Cour porterait seulement ou surtout sur ce qui convient d'admettre comme preuve et sur le droit à invoquer. Mais c'est oublier qu'en parallèle des plaidoiries, les parties soumettent des mémoires. Cela fait beaucoup de lecture. Et si cela ne suffisait pas, les juges auraient encore le droit d'aller à la pêche sur Internet.
L'arrêt de la Cour d'appel donne l'impression que les juges ont beaucoup lu et réfléchi. Cela valait la peine d'attendre.
Les historiens et amateurs d’histoire seront ravis d’apprendre que le texte de la Cour d’appel reprend notamment les éléments d’une chronologie explicite fournie par le juge Riordan en 2015 et enrichit cette chronologie de faits que le juge avait dispersés dans son jugement, et l'enrichit encore par d'autres lectures.
Lors de l'audition des parties par la Cour d'appel, en novembre 2016, le commun des mortels a pu avoir l'impression que l'arrêt de la Cour porterait seulement ou surtout sur ce qui convient d'admettre comme preuve et sur le droit à invoquer. Mais c'est oublier qu'en parallèle des plaidoiries, les parties soumettent des mémoires. Cela fait beaucoup de lecture. Et si cela ne suffisait pas, les juges auraient encore le droit d'aller à la pêche sur Internet.
L'arrêt de la Cour d'appel donne l'impression que les juges ont beaucoup lu et réfléchi. Cela valait la peine d'attendre.
4 La langue
L’arrêt de la Cour d’appel est rédigé en français, mais dès le
début de leur texte, les juges nient explicitement toute valeur à la traduction
française du jugement de première instance et ils tirent plusieurs extraits de
la version originale anglaise sans les traduire, suivant une coutume de double
unilinguisme probablement inimaginable dans une autre juridiction que
canadienne, depuis l’abandon des longues citations latines que pouvaient se permettre
les juristes occidentaux de naguère formés dans des collèges classiques.
Dans le jugement de première instance de l’honorable Brian
Riordan, qui est d’abord paru en anglais seulement, il y avait aussi des
citations françaises non traduites, bien que le juge en a été économe.
Le double unilinguisme de l’arrêt de la Cour d’appel, avec
toute sa jurisprudence, n’est pas plus que le double unilinguisme original du
jugement de première instance un problème pour les juristes québécois, habitués
qu’ils sont de tremper dans les deux langues. En revanche, les 422 pages en
français pondues par la Cour d’appel du Québec risque d’être indigestes pour plusieurs
des avocates que la défense d’Imperial Tobacco a choisi de prendre à Toronto
plutôt qu’à Montréal et qui ne maîtrisent pas le français. Ne souriez pas.
(D’ailleurs
à l’heure qu’il est, ce problème est sûrement réglé par la disponibilité d’une
traduction récente.)
Pour les amants d’une certaine clarté de la langue, c’est comme de
la musique aux oreilles quand les juges de la Cour d’appel
qualifient le « Voluntary Code » de « code d’autoréglementation », au lieu de parler
de « code volontaire ».
5 Mouvements de personnel et l'autre procès québécois du tabac
À l’été 2017, le juge Étienne Parent a choisi de retourner à
la Cour supérieure du Québec. Cela semble heureusement ne pas avoir donné un
prétexte à quiconque pour faire reprendre les auditions de novembre 2016 devant
la formation de cinq juges de la Cour d’appel où siégeait le juge Parent. On l’a
peut-être échappé belle.
En janvier 2019, l'honorable Stéphane Sanfaçon de la Cour
supérieure du Québec a été nommé juge à la Cour d’appel du Québec. Le juge Sanfaçon présidait
aux premiers balbutiements du procès que le Procureur général du Québec a
entamé contre l’industrie du tabac pour recouvrer le coût des soins de santé
liés à l’usage du tabac. Cette cause est infiniment moins avancée que celle des
victimes d’un cancer, d’emphysème ou de dépendance causés par le tabagisme
actif. Il est cependant possible que les avocats du ministère de la Justice
trouvent dans l’arrêt récent de la Cour d’appel des munitions pour gagner du
terrain contre les compagnies de tabac intimées.
6 Les profits d’Export A exportés en catimini
En octobre 2015, le juge Mark Schrager de la Cour d’appel du
Québec a ordonné à Imperial Tobacco Canada et à Rothmans, Benson & Hedges
de de verser un cautionnement de 984 millions de dollars, dans l’éventualité où
ces compagnies devraient débourser un jour des milliards en exécution du
jugement de la Cour supérieure du Québec de juin 2015, si ce jugement n’est pas
invalidé par les tribunaux d’appel.
À ce moment, on espérait encore que JTI-Macdonald verserait sa
part de 147 millions.
Mais les tireurs de ficelles de cette compagnie, qu’ils
soient à Toronto (JTI-Macdonald), à Genève (JTI) ou à Tokyo (JT), semblent ne
pas avoir leur pareil depuis au moins 20 ans pour embrouiller la comptabilité
et donner l’extraordinaire impression que les ventes de cigarettes au Canada coûtent
autant ou plus à JTI-Macdonald qu’elles ne lui rapportent.
Le 1er mars dernier, les avocats des victimes de
l’industrie ont laissé savoir à la presse que JTI-Macdonald n’avait pas encore
versé une cenne de cautionnement.