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mercredi 6 juin 2012

37e jour - 5 juin - En avant toutes !


Mon rôle, vous le savez, n'est pas de réécrire l'histoire, mon rôle est plutôt de gérer l'entreprise en allant de l'avant.
Marie Polet, Présidente, Imperial Tobacco Canada Limitée, 4 juin 2012

Le témoignage hors du temps de Marie Polet sur les activités d'Imperial Tobacco Canada Limitée et de sa société mère au Royaume-Uni s'est poursuivi aujourd'hui au procès montréalais pour recours collectifs contre les trois compagnies de tabac multinationales opérant au Canada.

La présidente fraîchement arrivée au pays a continué sur sa lancée de réponses évasives entamée la veille. La répétition, dans ce cas-ci, n'aida en rien à la persuasion et le bénéfice du doute qui avait d'abord été accordé à Mme Polet par le juge Riordan semblait relativement ténu en fin de journée.

Afin peut-être de mettre en évidence l'impact considérable des tentatives de BAT pour se distancier de son passé en restructurant ses opérations et en alternant fréquemment ses responsables nationaux, le procureur Bruce Johnston a questionné Mme Polet sur de nombreux sujets, ne s'arrêtant que brièvement sur chacun d'entre eux.

Il y eut de bien nombreuses facettes de l'usage du tabac au Canada pour lesquelles Marie Polet semblait avoir moins d'expertise que la plupart des autres personnes présentes en cour. Elle n'avait aucun souvenir ou connaissance de l'accord de 1962 entre les compagnies de tabac pour ne pas se concurrencer sur la base d'allégations de santé (pièce 154 au dossier de la preuve) ni de l'intérêt momentané de son entreprise pour la recherche sur les ondes cérébrales d'enfants de 11 ans ayant commencé à fumer (pièce 412). Elle ne semblait également pas familière avec la mise en œuvre de la politique de destruction de documents de l'entreprise. En outre, elle possédait très peu de connaissances sur les tendances tabagiques canadiennes. Elle ne connaissait pas les contestations juridiques (en constitutionnalité) lancées précédemment par ITCL (pièce 75A). Elle n'avait pas entendu parler du rapport récent du Médecin-chef américain portant sur la prévention de l'usage du tabac chez les jeunes.

Mme Polet est le nouveau visage de BAT au Canada. Depuis que les présentes poursuites ont été entreprises en 1998 (i.e. la date limite pour la majeure partie de la divulgation des documents), la société a dû s'adapter et évoluer. Il ne s'agit plus d'une société cotée en bourse au Canada, mais d'une filiale en propriété exclusive d'une multinationale. Elle a développé son marketing en fonction de nouvelles restrictions réglementaires (il n'y avait encore ni interdiction de la promotion par commandite, des étalages en points de vente et des termes comme "légère" ou "douce", ni exigence de mises en garde de santé illustrées en 1998).

Tel que déclaré, le travail de Marie Polet est de mener l'entreprise de l'avant. En ce sens, son témoignage peut être plus utile pour réfléchir au comportement présent et futur de l'entreprise que pour redresser ses torts antérieurs.

Plus sécuritaire? Non et oui

En 1997, BAT a colligé ses recherches sur les cigarettes plus sûres (pièce 416) et inclus dans cette liste ses travaux sur "le développement de produits acceptables à faible teneur en goudron". Bruce Johnston a utilisé ce document afin de questionner Mme Polet sur les points de vue actuels en matière de cigarettes plus sûres. Il semblerait que l'entreprise marche plus que jamais sur la mince ligne entre "aucune revendication de sûreté" et "aucune admission de préjudice spécifique."

Lorsqu'on l'interroge sur les cigarettes à faible teneur en goudron, Mme Polet a déclaré : Il n'existe aucune preuve selon laquelle les cigarettes à goudron moindre ou même tout autre type de cigarettes sont plus sûres d'une quelconque façon que les cigarettes au taux de goudron plus élevé, et a ensuite ajouté de façon ambivalente : Des études ont démontré que statistiquement, les fumeurs usant de cigarettes ultra-faibles en goudron tel que mesuré par la méthode ISO sont en fait moins exposés à la fumée en moyenne que quelqu'un qui ... fume des cigarettes plus riches en goudron.

La compagnie continue de faire des recherches sur les cigarettes plus sécuritaires, mais rejette la responsabilité de leur acceptation sur le gouvernement. Dans les pays que je connais, il serait contraire à la loi de véhiculer des allégations allant dans le sens que nos produits sont plus sûrs, a-t-elle déclaré.

Comme hier, Mme Polet a fait référence à BAT comme étant transparente sur ses activités de recherche, pointant vers leur site Web de circonstance, www.bat-science.com . Nous publicisons tout le travail que nous faisons, dit-elle.

Les travaux se poursuivent au Projet Day visant la réduction des produits toxiques dans la fumée, ajouta-t-elle, même si ce travail a déménagé à Southampton (Royaume-Uni) et le lieu de production, en Suisse. Le procès avait déjà mis en lumière que les documents de recherche avaient été détruits au Canada, mais c'est le témoignage de Mme Polet qui a permis d'apprendre que leur infrastructure canadienne de recherche avait également été entièrement démantelée.

La Cour d'appel dit non

Le 11 mai, la juge Marie St-Pierre de la Cour d'appel du Québec a entendu les requêtes d'Imperial Tobacco et de JTI-Macdonald pour faire appel des décisions du juge Riordan concernant l'admission des preuves. Le 4 juin, elle a refusé ces deux demandes, expliquant qu'une procédure d'ordre juridique supérieur n'était pas appropriée dans les circonstances.

Une décision s'est penchée sur la décision du juge Riordan du 2 mai, évoquée presque tous les jours de procès par les avocats d'Imperial Tobacco qui continuent de s'opposer à l'admission de preuves pour lesquelles un auteur ou un destinataire n'est plus disponible. L'autre décision concernait les soucis de JTI-Macdonald de voir déposés certains documents d'ITCL. Il n'est toujours pas clair si c'est par grandeur d'âme ou pour des motifs plus stratégiques que JTI-Macdonald s'est portée volontaire pour faire appel à ce sujet au nom d'Imperial Tobacco.

Le témoignage de Mme Polet à ce procès se terminait aujourd'hui. Les vétérans de campagnes pro-santé passées trouveront certainement intéressante la comparution demain de Bill Neville, qui dirigeait le Conseil canadien des fabricants des produits du tabac lors de l'élaboration des premières lois canadiennes sur le tabac. Il est appelé à témoigner pendant au moins deux jours. 

Texte original : Cynthia Callard


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Pour accéder aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès en recours collectif contre les trois grands cigarettiers, il faut commencer par
1) aller sur le site de la partie demanderesse : https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm
2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information,
3) et revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens à volonté.

mardi 5 juin 2012

36e jour - 4 juin - Des avantages d'être nouvelle arrivante

À la reprise des audiences pour les recours collectifs à Montréal ce lundi matin, l'atmosphère était nettement plus tendue qu'au cours des démonstrations scientifiques de la semaine dernière. Tout le monde semblait marcher sur des œufs.

Ce regain de prudence peut être dû au fait que le témoin, Mme Marie Polet, est la première présidente de compagnie de tabac à comparaître. À moins qu'il s'agisse du fait qu'elle soit méconnue de la plupart des personnes présentes en cour, étant arrivée au Canada il y a à peine 8 mois et ayant fait profil bas depuis.

Marie Polet est une immigrante pas comme les autres : elle a débuté sa carrière canadienne aux commandes d'ITCL, sans aucune autre expérience de travail ici. (Elle a travaillé pendant 30 ans dans les départements de marketing de divisions européennes de l'entreprise.)

Cette femme qui en savait trop peu


Il existe bien des façons de ne pas répondre à des questions; l'une des plus simples est de s'assurer de ne pas en connaître les réponses. Mme Polet est d'ignorance soignée: il y a bien des choses entourant Imperial Tobacco qu'elle avait convenu de ne pas savoir.

Elle a indiqué s'être préparée au procès lors de deux réunions avec des avocats, d'une durée de 3 à 4 heures chacune. Elle avait alors feuilleté les deux cartables de documents qu'on lui avait fournis, quoi qu'elle n'a semblé reconnaître aucun de ces documents lorsqu'on les lui présentait en cour.

Il était vraiment fascinant d'observer la présidente d'une entreprise milliardaire faisant face à une poursuite de plusieurs milliards de dollars mais ne laissant transpirer ni connaissances ni intérêt à l'égard de la procédure. En réponse aux questions de Bruce Johnston, elle a expliqué: Mon rôle n'est pas de réécrire l'histoire. Mon rôle est de gérer l'entreprise pour l'avenir et ma réponse est donc que je ne me suis penchée sur aucune de ces questions.

Cette femme qui ne veut en savoir plus

Mme Polet ne connaissait également pas la contestation judiciaire qu'Imperial Tobacco et d'autres compagnies de tabac avaient entreprise à l'égard de la Loi réglementant les produits du tabac, mais elle eut l'occasion d'en apprendre plus aujourd'hui lorsque Bruce Johnston l'a questionné au sujet de son avis sur certains passages de la décision de 1995 de la Cour suprême (pièce 75). Ainsi, sur la référence à la mort prématurée de plus de 30 000 Canadiens par année :

Est-ce que ITCL est d'accord avec ces chiffres?
Nous ne connaissons pas précisément ces chiffres. Il n'y a aucun moyen de les valider ou de les rejeter.


Mme Polet a déclaré qu'Imperial Tobacco n'avait plus d'experts résidents qui pourraient offrir d'expertise à ce sujet. Les postes de scientifiques aviseurs à ITCL ainsi que les laboratoires de recherche auraient été fermés. (Ce fut toute une nouvelle pour l'assistance, considérant qu'un témoignage antérieur indiquait que la recherche se poursuivait à ITCL et que l'entreprise avait affirmé en enquête préliminaire qu'il y avait 5 chercheurs scientifiques de niveau doctoral à son service (pièce 297-1).)

Cette femme qui n'a pas voulu se compromettre

À de nombreuses reprises au cours de cette journée d'audience, Mme Polet a refusé de répondre positivement ou négativement aux questions, en combinant les deux alternatives pour nous offrir des réponses littéralement incohérentes.

Bruce Johnston lui a montré une prise de position publique de 1994 rédigée par BAT sur la "controverse du tabagisme" (pièce 409), que l'on peut considérer comme véritable idéal-type d'oeuvre de désinformation de l'industrie destinée à la communauté de santé publique afin de présenter l'épidémiologie comme incapable de prouver une causalité. Elle a rejeté l'interprétation de Bruce Johnston selon laquelle le document avait pour but de jeter le doute sur l'épidémiologie, et a au contraire affirmé que la conclusion en était que le tabagisme est statistiquement associé à la maladie – un fait que BAT n'a pas nié.

Lorsqu'on lui a présenté une note de service d'un haut dirigeant de BAT (Sir Patrick Sheehy) adressée à un haut dirigeant d'Imperial Tobacco (Purdy Crawford) au sujet de la préférence de la société mère pour des recherches visant à rendre le tabagisme acceptable pour les autorités et de la folie d'opter plutôt pour une stratégie de «cigarette sûre», Mme Polet n'a pas pu soulevé quoi que ce soit qui confirmerait ou infirmerait toute position de ses prédécesseurs à ce sujet. Elle ne pouvait également voir de distinction entre l'identification par Sir Patrick Sheehy de la nicotine comme «composant clé» des cigarettes et sa propre déclaration comme quoi les gens fument pour de nombreuses raisons, l'une étant la nicotine.

Certaines déclarations se sont cependant avérées assez claires pour être utiles. La recherche sur les cigarettes plus sûres ne pouvait être considérée comme outil pour accroître le bénéfice de l'entreprise, d'après Mme Polet, car il faut de nombreuses années avant qu'une cigarette plus sûre se retrouve sur le marché. (Et ce, en dépit de l'information selon laquelle la compagnie dépense 180 millions de livres sterling par an en recherche.) Pour le moment, comme elle l'a déclaré: il n'y a pas de produit à fumer - aucun produit du tabac d'usage sécuritaire.

Cette femme qui ne voudrait pas trop en faire

Un thème récurrent lors de l'interrogatoire de lundi était la responsabilité de l'entreprise d'informer ses clients, une responsabilité que Mme Polet a voulu reporter sur le gouvernement. Le rôle du gouvernement était d'informer les consommateurs. C'était clair d'entrée de jeu qu'ils étaient aux commandes à ce sujet. Le gouvernement a pris les devants.

Plus tard, Bruce Johnston a attiré l'attention de la cour sur la contestation judiciaire qu'Imperial Tobacco a entamée contre la décision de Santé Canada d'augmenter la taille des mises en garde de santé à 75%.

Pourquoi faites-vous cela?
Parce que nous croyons qu'une superficie de 75% n'est pas raisonnable. La raison en est qu'il est très clair pour les fumeurs canadiens que le tabagisme peut être nocif, que des mises en garde de santé de 50% étaient assez grandes et assez visibles et qu'il arrive un seuil au-delà duquel la taille n'a pas d'importance.


Le témoignage du jour a pris fin lorsque Bruce Johnston commençait à aborder le concept de l'exhaustivité des informations fournies aux fumeurs via le site Web de Santé Canada sur les mises en garde, y compris de l'information supplémentaire sur ces dernières. Suite à quelques difficultés techniques et à un moment de flottement, la question sera finalement traitée mardi, lors du deuxième jour de témoignage de Mme Polet.

Texte original : Cynthia Callard


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Pour accéder aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès en recours collectif contre les trois grands cigarettiers, il faut commencer par
1) aller sur le site de la partie demanderesse : https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm
2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information,
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