Ce regain de prudence peut être dû au fait que le témoin, Mme Marie Polet, est la première présidente de compagnie de tabac à comparaître. À moins qu'il s'agisse du fait qu'elle soit méconnue de la plupart des personnes présentes en cour, étant arrivée au Canada il y a à peine 8 mois et ayant fait profil bas depuis.
Marie Polet est une immigrante pas comme les autres : elle a débuté sa carrière canadienne aux commandes d'ITCL, sans aucune autre expérience de travail ici. (Elle a travaillé pendant 30 ans dans les départements de marketing de divisions européennes de l'entreprise.)
Cette femme qui en savait trop peu
Il existe bien des façons de ne pas répondre à des questions; l'une des plus simples est de s'assurer de ne pas en connaître les réponses. Mme Polet est d'ignorance soignée: il y a bien des choses entourant Imperial Tobacco qu'elle avait convenu de ne pas savoir.
Elle a indiqué s'être préparée au procès lors de deux réunions avec des avocats, d'une durée de 3 à 4 heures chacune. Elle avait alors feuilleté les deux cartables de documents qu'on lui avait fournis, quoi qu'elle n'a semblé reconnaître aucun de ces documents lorsqu'on les lui présentait en cour.
Il était vraiment fascinant d'observer la présidente d'une entreprise milliardaire faisant face à une poursuite de plusieurs milliards de dollars mais ne laissant transpirer ni connaissances ni intérêt à l'égard de la procédure. En réponse aux questions de Bruce Johnston, elle a expliqué: Mon rôle n'est pas de réécrire l'histoire. Mon rôle est de gérer l'entreprise pour l'avenir et ma réponse est donc que je ne me suis penchée sur aucune de ces questions.
Mme Polet ne connaissait également pas la contestation judiciaire qu'Imperial Tobacco et d'autres compagnies de tabac avaient entreprise à l'égard de la Loi réglementant les produits du tabac, mais elle eut l'occasion d'en apprendre plus aujourd'hui lorsque Bruce Johnston l'a questionné au sujet de son avis sur certains passages de la décision de 1995 de la Cour suprême (pièce 75). Ainsi, sur la référence à la mort prématurée de plus de 30 000 Canadiens par année :
Est-ce que ITCL est d'accord avec ces chiffres?
Nous ne connaissons pas précisément ces chiffres. Il n'y a aucun moyen de les valider ou de les rejeter.
Mme Polet a déclaré qu'Imperial Tobacco n'avait plus d'experts résidents qui pourraient offrir d'expertise à ce sujet. Les postes de scientifiques aviseurs à ITCL ainsi que les laboratoires de recherche auraient été fermés. (Ce fut toute une nouvelle pour l'assistance, considérant qu'un témoignage antérieur indiquait que la recherche se poursuivait à ITCL et que l'entreprise avait affirmé en enquête préliminaire qu'il y avait 5 chercheurs scientifiques de niveau doctoral à son service (pièce 297-1).)
Cette femme qui n'a pas voulu se compromettre
Nous ne connaissons pas précisément ces chiffres. Il n'y a aucun moyen de les valider ou de les rejeter.
Mme Polet a déclaré qu'Imperial Tobacco n'avait plus d'experts résidents qui pourraient offrir d'expertise à ce sujet. Les postes de scientifiques aviseurs à ITCL ainsi que les laboratoires de recherche auraient été fermés. (Ce fut toute une nouvelle pour l'assistance, considérant qu'un témoignage antérieur indiquait que la recherche se poursuivait à ITCL et que l'entreprise avait affirmé en enquête préliminaire qu'il y avait 5 chercheurs scientifiques de niveau doctoral à son service (pièce 297-1).)
Cette femme qui n'a pas voulu se compromettre
À de nombreuses reprises au cours de cette journée d'audience, Mme Polet a refusé de répondre positivement ou négativement aux questions, en combinant les deux alternatives pour nous offrir des réponses littéralement incohérentes.
Bruce Johnston lui a montré une prise de position publique de 1994 rédigée par BAT sur la "controverse du tabagisme" (pièce 409), que l'on peut considérer comme véritable idéal-type d'oeuvre de désinformation de l'industrie destinée à la communauté de santé publique afin de présenter l'épidémiologie comme incapable de prouver une causalité. Elle a rejeté l'interprétation de Bruce Johnston selon laquelle le document avait pour but de jeter le doute sur l'épidémiologie, et a au contraire affirmé que la conclusion en était que le tabagisme est statistiquement associé à la maladie – un fait que BAT n'a pas nié.
Lorsqu'on lui a présenté une note de service d'un haut dirigeant de BAT (Sir Patrick Sheehy) adressée à un haut dirigeant d'Imperial Tobacco (Purdy Crawford) au sujet de la préférence de la société mère pour des recherches visant à rendre le tabagisme acceptable pour les autorités et de la folie d'opter plutôt pour une stratégie de «cigarette sûre», Mme Polet n'a pas pu soulevé quoi que ce soit qui confirmerait ou infirmerait toute position de ses prédécesseurs à ce sujet. Elle ne pouvait également voir de distinction entre l'identification par Sir Patrick Sheehy de la nicotine comme «composant clé» des cigarettes et sa propre déclaration comme quoi les gens fument pour de nombreuses raisons, l'une étant la nicotine.
Certaines déclarations se sont cependant avérées assez claires pour être utiles. La recherche sur les cigarettes plus sûres ne pouvait être considérée comme outil pour accroître le bénéfice de l'entreprise, d'après Mme Polet, car il faut de nombreuses années avant qu'une cigarette plus sûre se retrouve sur le marché. (Et ce, en dépit de l'information selon laquelle la compagnie dépense 180 millions de livres sterling par an en recherche.) Pour le moment, comme elle l'a déclaré: il n'y a pas de produit à fumer - aucun produit du tabac d'usage sécuritaire.
Un thème récurrent lors de l'interrogatoire de lundi était la responsabilité de l'entreprise d'informer ses clients, une responsabilité que Mme Polet a voulu reporter sur le gouvernement. Le rôle du gouvernement était d'informer les consommateurs. C'était clair d'entrée de jeu qu'ils étaient aux commandes à ce sujet. Le gouvernement a pris les devants.
Plus tard, Bruce Johnston a attiré l'attention de la cour sur la contestation judiciaire qu'Imperial Tobacco a entamée contre la décision de Santé Canada d'augmenter la taille des mises en garde de santé à 75%.
Pourquoi faites-vous cela?
Parce que nous croyons qu'une superficie de 75% n'est pas raisonnable. La raison en est qu'il est très clair pour les fumeurs canadiens que le tabagisme peut être nocif, que des mises en garde de santé de 50% étaient assez grandes et assez visibles et qu'il arrive un seuil au-delà duquel la taille n'a pas d'importance.
Le témoignage du jour a pris fin lorsque Bruce Johnston commençait à aborder le concept de l'exhaustivité des informations fournies aux fumeurs via le site Web de Santé Canada sur les mises en garde, y compris de l'information supplémentaire sur ces dernières. Suite à quelques difficultés techniques et à un moment de flottement, la question sera finalement traitée mardi, lors du deuxième jour de témoignage de Mme Polet.
Texte original : Cynthia Callard
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Pour accéder aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès en recours collectif contre les trois grands cigarettiers, il faut commencer par
1) aller sur le site de la partie demanderesse : https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm
2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information,
3) et revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens à volonté.