Aujourd'hui, il a été le 12e témoin à se
présenter à la barre dans le cadre du procès contre les trois grandes
compagnies de tabac actives au Canada, qui se déroule à Montréal. Il y a été convoqué
afin de discuter de son mandat de consultant et de président du Conseil
canadien des fabricants des produits du tabac, de 1985 à 1997.
Dans un costume sombre ne cachant guère ses épaules
tombantes mais aussi une cravate d'un vert éclatant ainsi qu'un mouchoir
assorti, le Bill Neville à qui la cour a eu droit ce matin ressemblait davantage
à un membre de club de bridge pour aînés qu'à un mandarin chevronné. Mais le charme
et l'intelligence qui l'ont maintenu au Rolodex de gens importants a très bien été
mise en évidence. Ses réponses aux questions du procureur Bruce Johnston
étaient directes, apparemment franches et souvent drôles. L'atmosphère dans la
salle d'audience au cours de son témoignage était anormalement détendue et
attentive.
Le CCFPT et
le rôle du fédéral
Bill Neville a offert ses talents stratégiques aux
compagnies de tabac à une époque où elles en avaient bien besoin – la période
précédant, en 1988, l'adoption des premières lois canadiennes régissant le
marketing du tabac, son étiquetage ainsi que les pratiques tabagiques dans les
lieux sous réglementation fédérale. Bien que ces événements datent d'il y a
belle lurette, ils constituent un enjeu central au cours de la période couverte
par ce procès (1998).
Chaque compagnie impliquée dans ce procès a adopté
comme position que le gouvernement fédéral devrait assumer une partie ou la
totalité des responsabilités en cause du fait de son rôle dans l'établissement
des politiques de santé. Des témoins d'Imperial Tobacco ont également déclaré
qu'une entente avec Santé Canada leur a interdit de mettre en garde leurs
clients quant aux conséquences des cigarettes sur la santé.
La preuve d'aujourd'hui mine cette suggestion de
responsabilité du gouvernement fédéral. Elle indique jusqu'où l'industrie était
prête à aller pour éviter, retarder et contourner les directives du
gouvernement – et jusqu'à quel point elle pouvait influencer ces décisions.
Qu'en est-il de cette entente avec Santé Canada de ne
pas permettre de mises en garde ? En réponse à la question directe de Bruce
Johnston à savoir s'il existait des
restrictions ou des entraves à la capacité de vos clients de communiquer avec
les consommateurs ? M. Neville a répondu Pas selon la loi dont j'avais connaissance.
Un sincère
représentant
En tant que président du CCFPT, M. Neville était
imputable envers les chefs des trois grandes compagnies de tabac actuellement
en procès (Imperial Tobacco / BAT, Rothmans, Benson & Hedges / PMI et
JTI-Macdonald) et son travail impliquait davantage que le simple lobby de représentants
du gouvernement: il a œuvré à influencer les syndicats et d'autres intervenants
au sujet de la fumée secondaire, à élaborer des stratégies de recherche et à
améliorer l'acceptabilité sociale du tabagisme (pièce 421).
Bien qu'il se décrive lui-même comme un « mercenaire »
à la solde de l'industrie, M. Neville a tenu à préciser qu'il n'était pas un vendu
et que la vision de l'industrie "concordait avec mes opinions." En
réfléchissant aujourd'hui sur cette période, il a encore utilisé le terme « extrémiste
» pour décrire ceux qui ont promu l'interdiction de la publicité au sein de
Santé et Bien-être Canada. Il n'a pas eu de paroles tendres envers le
Médecin-chef américain C. Everett Koop et a utilisé le terme « fanatique » pour
décrire Gar Mahood dont l'organisation, l'Association pour les droits des
non-fumeurs, a mené la campagne publique pour les lois sur le tabac au cours des
années 1980.
(Gar Mahood, qui était dans l'assistance écoutant le
témoignage de M. Neville, n'a pu s'empêcher de sourire suite à cette description,
sachant que l'histoire ainsi que les 175 pays qui ont adhéré à des règles tout
aussi « extrêmes » enchâssées dans la Convention-cadre pour la lutte antitabac
sont de son côté).
Même après toutes ces années, M. Neville n'a toujours aucune
sympathie pour des mesures banales de lutte contre le tabagisme telles que les mises
en garde de santé. J'ai travaillé pour les
industries de la bière et des spiritueux. Les gens savent que si vous buvez
trop, vous pouvez avoir un accident de voiture. Mais vous n'allez pas trouver
de bouteille de gin où il est inscrit "Ne buvez pas trop ou vous aurez un
accident". Pourquoi l'industrie du tabac devrait-elle l'accepter ?
Une
histoire perdue à jamais ?
Les documents du CCFPT déposés jusqu'à maintenant en
cour apportent des précisions et des détails sur les activités de l'industrie visant
à modifier les politiques en vigueur ainsi que les attitudes du public, mais il
est impossible de savoir si toute la lumière sera un jour faite à ce sujet. Bruce
Johnston a demandé à M. Neville si le CCFPT existait encore. Il n'y a personne à mon poste. Il peut
exister légalement, mais il n'a pas de bureau, a-t-il dit. Et que s'est-il passé
avec ses documents? Je ne le sais pas.
Franchement…
Juste avant le week-end de la fête des Patriotes, une
audience eut lieu afin de déterminer si certains documents spécifiques
d'Imperial Tobacco doivent demeurer confidentiels. Il était si important pour Imperial
Tobacco de garder ces documents secrets qu'elle a demandé que cette audience se
tienne à huis clos.
Hier, le juge Riordan a rendu sa décision et a convenu
que la plupart des documents ne sont pas admissibles au statut de confidentialité
(bien qu'il demeure possible qu'une information contenue dans l'un des documents
puisse ne pas être rendue totalement publique). Imperial Tobacco a indiqué qu'elle
allait demander de faire appel de cette décision, et a demandé que les
documents ne soient pas mis à la disposition du public jusqu'à ce qu'ils sachent
si un appel leur sera accordé.
Le témoignage de M. Neville se poursuit demain.
Texte original: Cynthia Callard
* * * *
Pour accéder aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès en recours collectif contre les trois grands cigarettiers, il faut commencer par
1) aller sur le site de la partie demanderesse : https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm
2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information,
3) et revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens à volonté.
Texte original: Cynthia Callard
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Pour accéder aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès en recours collectif contre les trois grands cigarettiers, il faut commencer par
1) aller sur le site de la partie demanderesse : https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm
2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information,
3) et revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens à volonté.