jeudi 29 août 2013

162e jour - Peut-on étudier les effets de l'usage du tabac sans parler de cancer?

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces au dossier de la preuve, voyez les instructions à la fin du présent message.

(PLa)
Le profane assistant à l’audition de mercredi aurait eu toutes les raisons d’être confus : les compagnies de tabac ont fait des efforts soutenus durant des décennies pour nier que la cigarette soit à l'origine de maladies, mais une compagnie a pris toute la journée pour raconter, à travers son témoin, combien de recherches et de tests elle a mené pour produire une cigarette moins nocive.

L’étrangeté de la situation a été résumée par le juge Brian Riordan qui, au terme de la journée, a demandé au témoin, le chimiste Andrew Porter, d’Imperial Tobacco Canada (ITC), comment il était possible qu’il ait travaillé pendant des années au sein d’un programme de R&D de cigarettes moins nocives, tout en n’ayant jamais de conversations avec ses collègues sur les liens possibles entre tabac et cancer.

« Entre nous, nous parlions de biologie, d’épidémiologie », a répondu vaguement le chimiste. Quels aspects de l’épidémiologie? a insisté le juge. « Taux de cancer dans différents pays, le temps de latence du cancer, les tendances.... » Et puis, au milieu de son énumération, la « possibilité » que le tabac soit cancérigène. « Donc, vous aviez des conversations », a souligné le juge, ne cachant pas sa perplexité. « Oh, je ne dirais pas des conversations », a répondu évasivement le chimiste.

Auparavant, l’essentiel de la journée avait été consacré à la poursuite de son long interrogatoire, entamé mardi, par l’avocate d’Imperial, Nancy Roberts. Un interrogatoire parsemé de documents des années 1960 à 2010, visant apparemment à démontrer que le cigarettier avait consacré beaucoup d’efforts au développement d’une cigarette à plus faible teneur en goudron, ou avec moins de nicotine, ou moins de phénols, ou moins d’aldéhydes, ou avec filtres, ou avec du papier plus poreux...

Une pièce maîtresse de cette démonstration manque toutefois : combien d’argent a été investi dans ce travail de longue haleine, plus précisément dans le Project Day créé en 1987 : avant d’en arriver là, les avocats d’ITC ont demandé le huis clos, invoquant le caractère confidentiel de cette information financière. Après discussion, ils ont plutôt annoncé qu’ils produiraient un affidavit à cette fin.

Andrew Porter a travaillé au Project Day de 1987 à sa retraite en 2005, et ces deux dates ont contribué aux nombreux accrochages de mercredi entre les avocats des deux parties : plusieurs des documents présentés remontant à avant 1987, l’avocat  André Lespérance des recours collectifs s’est chaque fois objecté, alléguant que Porter n’était pas là comme témoin-expert, mais comme témoin de faits dont il aurait eu connaissance dans le cadre de son travail.

L’avocate d’ITC s’est également employée ici et là à faire dire au témoin que puisqu’il y avait eu beaucoup d’études au cours de ces décennies, et qu’une partie de ce matériel était public, le gouvernement fédéral n’avait pu manquer d’être au courant des travaux entrepris par la compagnie pour « réduire le risque ».

Reste que, a admis Porter en conclusion de l’interrogatoire, ces recherches n’ont pas abouti à la commercialisation d’une cigarette moins nocive. « Tout a pris plus de temps que ce qui était prévu dans le plan », et plusieurs des produits testés n’auraient pas été appréciés du public. Qu’est-ce qui aurait pu être fait pour accélérer le processus, lui a demandé Nancy Roberts? « Rien ne me vient à l’esprit ».

Les choses se sont un peu corsées lors du bref contre-interrogatoire, à la toute fin de l’après-midi. De telles recherches semblant impliquer que leurs auteurs présument l’existence d’un lien entre tabac et cancer, l’avocat André Lespérance a tenté de faire dire au chimiste Porter qu’il était d’avis, depuis le début, qu’un tel lien existait. Dès 1977, à son entrée chez ITC, croyait-il que le lien tabac-cancer était désormais établi? « Je croyais qu’il y avait une bonne possibilité que ce soit vrai... Je tenais pour acquis que c'était très probable » (very likely).

Ce n’était cependant plus sa position en 1987, au début du Project Day? « J’avais raffiné mon point de vue. » a déclaré Andrew Porter. De quelle façon? J’ignore « ce que sont les mécanismes précis » qui pourraient causer le cancer. En d’autres termes, lui a fait dire Lespérance, jusqu’à ce que le témoin sache avec précision ce que sont ces mécanismes, il se refuse à dire que c’est à cause du tabac

Pourtant, l’épidémiologie n’est-elle pas une science dont l’objectif est d’établir de telles relations causales? « Je pense qu’elle peut nous pousser dans la bonne direction », s’est contenté de répondre le chimiste. Ce qui a entraîné la perplexité du juge en fin d’audience : comment un scientifique dont le travail touche à la fois à l’épidémiologie et à l’impact des différents composants du tabac sur la santé a-t-il pu se garder, pendant 18 ans, de toute conversation avec ses « huit ou neuf » collègues scientifiques, sur la possibilité d’un lien entre l'usage du tabac et le cancer?

*
Il n'y a eu d'audition jeudi. Le procès reprend le lundi 9 septembre.

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mercredi 28 août 2013

161e jour - Confusion des rôles et inversion des rôles

(PCr)
Ce n'est pas toujours principalement dans le contenu des témoignages que se trouve la nouveauté, lors de certains jours d'auditions au procès intenté contre les trois principaux cigarettiers du marché canadien par deux groupes de fumeurs et ex-fumeurs qui attribuent aux pratiques de l'industrie du tabac leur dépendance à la nicotine ou leur maladie des voies respiratoires.

La journée de mardi a vu les avocats des recours collectifs, Pierre Boivin et André Lespérance, soulever des paquets d'objections, contrairement à l'habitude de la partie demanderesse et plutôt à la manière de la défense des compagnies de tabac lors de plusieurs périodes du procès.

Nancy Roberts et Deborah Glendinning, les avocates d'Imperial Tobacco Canada (ITCL) en charge de l'interrogatoire d'un chimiste et ancien responsable du laboratoire de cette compagnie, Andrew Porter, n'ont pas aimé se faire retourner, après un délai de plusieurs mois, la monnaie de leur pièce, et elles ont réagi en bougonnant et en rouspétant, souvent même après que le juge Riordan ait tranché en faveur des objecteurs.

En substance, les objecteurs disaient:  la question est trop directive; les événements examinés sont postérieurs à la période couverte par l'action judiciaire ou antérieurs au parcours professionnel du témoin dans l'industrie; le témoin est là pour témoigner de faits dont il a eu connaissance dans le cours de son travail et pas pour donner un avis d'expert sur le contenu de diverses études, même s'il est docteur en chime; on se sert abusivement du témoignage de M. Porter pour attester de la véracité du contenu de divers documents et non pas pour témoigner de la seule existence d'un échange passé ou d'un savoir écrit.

Par moment, le juge paraissait s'amuser un peu de la tournure des débats, et à d'autres moments, semblait regretter que le mauvais génie soit sorti de la bouteille.

Destinés à aboutir dans le dossier de la preuve en défense, non sans voir leur numéro de pièce souvent affublé d'un R (pour « avec réserve »), plusieurs dizaines de documents sont tout de même apparus brièvement sur les écrans de la salle d'audience et ont été décrits par le témoin.

Provisoirement, les nouvelles pièces au dossier ne sont donc pas accessibles à la presse et au public.

Il s'agissait surtout de rapports de laboratoire et d'articles scientifiques.

Dans le lot, figuraient des articles scientifiques (par exemple un célèbre de Wynder et Hoffmann) parfois parus à l'époque où Andrew Porter était encore un écolier, mais dont la lecture semble avoir été une sorte de passage obligé pour les chercheurs de l'industrie.

En fin de compte, Me Roberts, qui interrogeait M. Porter, a cependant peut-être réussi à nuancer l'impression sinistre que certains observateurs pourraient avoir que l'industrie du tabac a tout gardé secret ce qu'elle savait au sujet de la toxicité de la fumée du tabac. Imperial a souvent communiqué ses découvertes à l'extérieur de l'entreprise.

Reste à préciser ce qui était divulgué et auprès de qui, ainsi qu'à comprendre quelles étaient les implications.

Durant les années où le chimiste Porter travaillait comme chercheur et comme chef de laboratoire chez Imperial Tobacco à Montréal, de 1977 à 2005, des scientifiques de l'entreprise ont parfois signé des articles scientifiques dans des revues avec révision par des pairs et participé à la conférence annuelle (mondiale ?) des chimistes du tabac. (M. Porter lui-même a terminé son doctorat à l'Université McGill en 1980.)

Certes, les chercheurs de la rue St-Antoine ne sont pas allés dire que le tabagisme provoque des cancers et des infarctus chez les fumeurs, parce qu'ils ne travaillaient jamais sur des humains. Sur des souris, à l'occasion, sur des micro-organismes plus souvent, parfois sans aucun matériel vivant, juste pour connaître la composition chimique de la fumée quand on modifie telle ou telle condition de la combustion.

Par contre, la divulgation occasionnelle de découvertes de l'industrie semble (Ce n'est pas faire un audacieux procès d'intention de dire cela.) préparer la défense suivante: le gouvernement pouvait prendre connaissance de ce qui a été divulgué, et les hauts dirigeants de l'industrie n'ont rien à se reprocher si ce dernier n'a pas rapidement pondu de réglementation pour empêcher de mettre en marché des produits toxiques.

De fait, des autorités du gouvernement ont parfois cité des recherches de l'industrie.

Quant à savoir si l'obligation qu'avait le chat gouvernemental de prendre connaissance de possibles troublantes découvertes des savants de l'industrie s'étendait aussi à la haute direction de cette industrie elle-même, cela reste un grand mystère de ce procès. Les témoignages entendus au tribunal en 2012 portent à croire que les dirigeants du tabac lisaient plus volontiers des opinions d'avocats que des publications médicales ou des travaux de chimistes.

L'exercice de mardi permet tout de même de comprendre à nouveau les excitantes perspectives de découvertes qui s'ouvraient devant un chimiste plongeant dans une carrière au sein de l'industrie du tabac dans les années 1960, 1970 et 1980. On sent aussi que l'obligation de garder des secrets n'a vraisemblablement pas toujours été aussi radicale que chez les marketeurs, notamment. Peut-être parce que la chimie demeure un secret même quand on en parle librement...

On comprend donc que des chimistes comme William Farone, Jeffrey Wigand et Patrick Dunn aient pu un temps rêver de découvrir la pierre philosophale de la cigarette moins dangereuse. Farone et Wigand ont déchanté et sont passés dans le camp antitabac. Dunn a avalé de travers quand les avocats se sont mis à gêner le travail de ses équipes chez ITCL et a attendu sa retraite.

Et le chimiste Andrew Porter ?

Ce n'est peut-être pas un témoin aussi flegmatique que le marketeur Ed Ricard, mais on aurait du mal à détecter chez lui le moindre malaise à servir son ancien employeur.

À un certain moment, le procureur des recours collectifs André Lespérance a demandé à M. Porter d'apporter un document Power Point où il avait une présentation synthétique de travaux de recherche menés chez Imperial sur une longue période.

Le chimiste paraissait tout à fait disposé à transmettre ce document, puis il a tourné la tête vers les avocates, comme pour vérifier si cela était correct.

mardi 27 août 2013

160e jour - Faut-il examiner des biographies médicales de fumeurs, quand et combien ?

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(PCr)
Dans un procès au civil « ordinaire », un individu, le demandeur, vient expliquer à un juge les torts que lui a causés le comportement de quelqu'un d'autre, qui est intimé de se défendre. Parfois, au surplus, les parties font appel à des témoignages d'experts pour éclairer le tribunal.

Dans un recours collectif, à plus forte raison si le règlement concerne potentiellement, comme celui des personnes dépendantes au tabac, environ un million et demi de personnes, il est hors de question de faire défiler à la barre des témoins tout le monde.

Dans la présente affaire, à première vue, un quidam pourrait penser que le système de justice québécois a déterminé, une fois pour toutes, par la décision du juge Pierre Jasmin de la Cour supérieure du Québec, en février 2005, que la preuve à faire par la partie demanderesse ou à défaire par la partie défenderesse le serait plutôt par un usage massif d'experts, quitte à ce qu'après le procès, chaque fumeur ou ancien fumeur présentant une réclamation de dédommagement compensatoire doive tout de même se qualifier comme ayant droit, en regard d'un ensemble de critères pratiques fixés par le jugement final.

Les trois défendeurs, c'est-à-dire les trois principaux cigarettiers du marché canadien, ont paru jouer le jeu. Depuis avril dernier, ils ont commencé à faire une preuve en défense qui a fait et va continuer de faire appel à des expertises, lesquelles servent souvent à contrer les expertises des recours collectifs.

Les compagnies de tabac jouent tellement la carte d'une preuve valant-pour-l'ensemble, plutôt que pour le détail, qu'elles ont fait comparaître des historiens, messieurs Lacoursière et Flaherty, qui sont venus dire au juge qu'il existait depuis longtemps une « connaissance populaire » ou une « connaissance commune » des méfaits sanitaires du tabac dans la population. « Tout le monde savait », et tant pis pour les détails, tant pis si une masse de petits gars et de petites filles qui commençaient à fumer à 12 ans, prenaient une soi-disant « décision d'adulte » sans savoir grand chose de ces méfaits et des réalités du monde en général, et devenaient dépendants, avant d'être plus tard touchés par une maladie des voies respiratoires.

Avant même que le procès public commence en mars 2012, l'honorable Brian Riordan de la Cour supérieure du Québec avait exclu que son tribunal examine des biographies médicales des membres des recours collectifs. Il l'a fait trois fois. En 2009, en 2010 et en 2011. La Cour d'appel du Québec l'a soutenu à chaque fois (appel 2009, appel 2010, appel 2012). Le juge Riordan a toutefois pris soin de toujours laisser la porte légèrement entrouverte, dans la veine « le moins possible et pas maintenant, mais peut-être plus tard ».

Le calendrier de témoins de faits et de témoins-experts que les compagnies veulent faire comparaître pour bâtir leur preuve en défense a connu, depuis sa présentation originale en décembre, des modifications, dont un raccourcissement majeur imposé par le juge, et risque encore de connaître d'autres modifications d'ici l'automne 2014, à l'instar du calendrier de la preuve en demande, preuve close en avril dernier. Même la crème des avocats ne peut pas prévoir dans le menu détail le déroulement des événements, surtout dans une action judiciaire d'une telle ampleur.

Reste que l'actuel calendrier de la défense des cigarettiers continue de prévoir, pour septembre 2014, des interrogatoires d'un certain nombre de fumeurs ou anciens fumeurs, membres des recours collectifs, sur leurs antécédents de consommation de tabac et leur biographie médicale.

En juin dernier, puisque le juge Riordan s'attendait à ce qu'une prochaine décision additionnelle de sa part sur le sujet soit contestée devant la Cour d'appel s'il renouvelait ses préventions, il fut convenu qu'Imperial Tobacco Canada expédierait à la fin de l'été à un certain nombre membres des recours collectifs une citation à comparaître ou subpoena, flanquée d'une assignation à produire (subpoena duces tecum) un dossier médical.

Il fut aussi convenu que les avocats des recours collectifs déposeraient une requête en cassation de cette procédure.

Le but de la manœuvre était qu'un éventuel appel de la décision demandé par la partie défenderesse et entendu par la Cour d'appel débouche sur un jugement (ou un refus de s'en mêler) avant l'an prochain, au moment d'interroger les fumeurs et anciens fumeurs, le tout de manière à ce que la fin du procès ne soit pas retardée par une affaire en suspens devant la Cour d'appel.

Le moment du débat sur cette requête, c'était hier.

Pour l'essentiel, Me André Lespérance a plaidé qu'il y avait chose jugée en la matière. La compagnie Imperial Tobacco Canada, représentée par Me Suzanne Côté, estime encore qu'elle a besoin pour se défendre d'interroger des membres des recours collectifs sur leurs dossiers médicaux, avant la fin du procès.

Les défenseurs de Rothmans, Benson & Hedges, Simon Potter, et de JTI-Macdonald, Catherine McKenzie et François Grondin, ont ajouté leurs grains de sel en appui aux arguments de Me Côté, bien qu'Imperial soit la seule compagnie à se battre pour cet enjeu.

Le juge va rendre souhaite rendre une (autre) décision dans les prochaines semaines.


Des critères d'inclusion plus précis

Lors de la journée d'audition de lundi, il a aussi été question d'un avis qui sera publié dans des quotidiens québécois afin de prévenir le public d'un changement dans les critères d'inclusion ou non d'un fumeur ou d'un ancien fumeur au sein des groupes de personnes concernées par des dédommagements compensatoires, dans l'éventualité où le jugement final serait favorable aux recours collectifs.

Cette émission d'avis publics donnera sa suite à un jugement interlocutoire rendu le 5 juillet dernier par Brian Riordan rendu le 5 juillet.

Ce jugement faisait suite à un débat tenu principalement le 11 avril. (Voir la deuxième partie de notre édition relative à la 136e journée d'audition.)


Pas de fumée sans chimie

Un ancien chercheur d'Imperial Tobacco Canada (ITC), le docteur en chimie Andrew Porter, sera de retour aujourd'hui (161e jour) à la barre des témoins.

En cliquant les hyperliens, vous pourrez relire les précédents témoignages de M. Porter devant la Cour supérieure du Québec, en mai et juin 2012:

33e jour - Une industrie méfiante de sa propre science
34e jour - Fumée toxique, mais si savoureuse
35e jour - Dépendance à la nicotine, compensation et mirages
46e jour - Retour des témoins Woods, Porter et LaRivière

Au printemps 2012, le chimiste était comparu à l'appel de la partie demanderesse. Il avait été longuement interrogé par le procureur Pierre Boivin des recours collectifs, et contre-interrogé gentiment par les avocats d'ITC, Deborah Glendinning, et de Rothmans, Benson & Hedges, Simon Potter.

Cette fois-ci, M. Porter revient à l'appel de la partie défenderesse.

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jeudi 22 août 2013

159e jour - Cachotteries et façades pour gagner du temps

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(RPa)
Nourrir le doute pour gagner du temps, multiplier les mesures de diversion tout en mettant des bâtons dans les roues du gouvernement fédéral pour contrer l'adoption de mesures contraignantes pour l'industrie du tabac. Cette triple stratégie est apparue clairement, mercredi, au 159e jour du procès au civil intenté par des groupes de personnes qui se disent victimes des pratiques d'Imperial Tobacco Canada, JTI-Macdonald et Rothmans, Benson & Hedges.

À la barre des témoins se trouvait pour une troisième journée d'affilée le professeur d'histoire Robert John Perrins de l'Université Acadia, en Nouvelle-Écosse. Puisque c'était au tour des avocats de la poursuite de poser des questions à l'expert dont les services avaient été retenus par JTI-Macdonald, les échanges ont été juteux.

Surtout que Me Philippe Trudel et Me Bruce Johnston avaient en main des documents internes des compagnies de tabac où les auteurs s'exprimaient librement, sans langue de bois, rassurés par le sceau « confidentiel » écrit en grosses lettres.

Ainsi, Me Trudel a sorti de sa manche un document expédié en juin 1977 par le directeur scientifique Derick Crawford à son patron chez Macdonald Tobacco. Il y ridiculisait le projet de recherche mené par le ministère de la Santé et du Bien-être social quant à la production d'une cigarette moins dommageable pour la santé en plus de qualifier de « fanatiques » la majorité des chercheurs du groupe.

M. Crawford estimait en outre qu'au terme de deux ans d'efforts les progrès réalisés étaient tout simplement nuls. Il attribuait ce manque de résultat au fait que leur champ de recherche était mal défini.

Déplorant que cette rencontre à Guelph (Ontario) lui avait fait perdre son temps pendant deux jours, il en ressortait davantage optimiste. L'industrie du tabac ne risquait rien, avançait-il, compte tenu du haut degré de chaos et d'incertitude qui transpirait du plan scientifique. « Ils ne sont parvenus à aucune preuve scientifique susceptible de nous inquiéter. » (pièce 1564-r) (le même document sur Legacy)

Me Trudel a aussi montré un rapport de recherche d'Imperial sur les effets mutagènes de la fumée émise lors de la combustion de tabac provenant de la ferme expérimentale gouvernementale à Delhi (pièce 166). Il est bien fait mention que les résultats des tests n'ont pas été divulgués à l'extérieur du groupe. Tant pis pour le gouvernement.

Dans une autre correspondance entre fabricants, alors que le gouvernement d'Ottawa étudiait la possibilité de modifier les règles du jeu en ce qui a trait à la publicité des produits du tabac, il était suggéré d'adopter une attitude défensive tout en se montrant prêt à donner du lest, in extremis. Question d'éviter que le gouvernement fixe ou contrôle l'importance de sommes dépensées en publicité.

En outre, au moment où le gouvernement fédéral jonglait avec l'idée d'abaisser la teneur en goudron et en nicotine dans les cigarettes, à la fin des années 1970, encore là le Conseil canadien des fabricants des produits du tabac adoptait la stratégie de ne pas déchirer sa chemise. On estimait qu'il ne s'agissait pas d'une contrainte importante pour l'industrie canadienne qui jouissait d'une latitude bien meilleure que dans bien des endroits dans le monde (pièce 1563.1, pas encore acccessible en ligne).

Autre épisode intéressant, celui-là s'étant déroulé aux États-Unis et mettant en cause l'American Medical Association (AMA). Ce regroupement n'avait pas endossé le consensus établi en 1964 par le chef des services de santé des États-Unis (Surgeon General) voulant que le tabac cause le cancer du poumon. (voir le rapport d'expertise Proctor, pièce 1238).

C'est vers l'AMA que s'est tournée l'industrie américaine du tabac, en 1968, pour fournir 8 millions $ à une poignée de chercheurs. Dans le communiqué de presse émis à cette occasion, l'AMA soutient que la dangerosité du tabac quant à la santé humaine n'a pas été démontrée et qu'il y a place pour diverses études. À propos des diverses réactions dans l'organisme du fumeur après inhalation, par exemple.

Le témoin-expert Perrins a avancé qu'il s'agissait là d'une piste de recherche valable, notamment pour les physiologistes.

Au pays, cet épisode a eu un écho. Dans le quotidien The Gazette de Montréal du 19 juin 1968, on pouvait lire ce titre: « Un groupe (en l'occurrence l'AMA) considère que les dangers de la cigarette n'ont pas été prouvés ».

Achat de temps, création de diversion avant que « tout le monde sache » ?

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Il n'y a pas eu d'audition aujourd'hui (jeudi). Le procès se continue lundi.


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mercredi 21 août 2013

158e jour - Promenade dans le champ

(PCr)
Lundi après-midi, l'examen de certains sujets traités dans le rapport d'expertise de l'historien Robert J. Perrins avait permis d'apprendre ce que le « gouvernement » pensait, et qui semble avoir pesé plus lourd dans l'orientation des compagnies que ce que le gouvernement disait publiquement.

C'est quoi ça, le gouvernement ?

Le premier ministre, le ministre de la Santé, le sous-ministre de la Santé, un autre puissant mandarin ?

Dans ce cas, il s'agissait du Dr Harold Colburn, un consultant médical à l'oeuvre au sein de Santé Canada dans les années 1960 et 1970. Le professeur Perrins a multiplié les occasions de citer les mémorandums internes dudit docteur, et son nom apparaît dans plusieurs pages du rapport d'expertise. C'est impossible de le manquer. Le Dr Colburn défendait la thèse d'une réduction des méfaits par des produits du tabac moins dangereux pour la santé.

Le rapport Perrins permet aussi de comprendre d'où vient la croyance qu'ont déclaré avoir eu certains témoins de faits issus dans l'industrie, Anthony Kalhok par exemple, la croyance que le gouvernement fédéral disait à une certaine époque aux fumeurs qui n'écoutaient pas son message principal (Cessez de fumer.) d'opter pour des cigarettes à teneur réduite en goudron.

Dès le milieu de la matinée de mardi, c'est sur le ministère fédéral de l'Agriculture et sa ferme expérimentale de Delhi en Ontario que le procureur Guy Pratte de JTI-Macdonald a fait diriger le projecteur par son témoin-expert de l'Université Acadia.

Le gouvernement, c'était alors, entre autres, le directeur adjoint de la recherche à Agriculture Canada, l'agronome D. G. Hamilton, un autre « docteur » (mais personne n'a précisé au tribunal que ce n'était pas en médecine). (Quelques recherches en ligne ont permis à votre serviteur de découvrir que M. Hamilton a étudié au Collège Macdonald, qui est la faculté d'agronomie de l'Université McGill, puis à l'Université du Wisconsin, qui ne décerne pas de doctorat en médecine.)

Est-ce que les recherches agronomiques du gouvernement ont été un succès, de demander Me Pratte à son expert. Mais oui, de répondre l'historien Perrins, les variétés de tabac développées à la ferme de Delhi ont supplanté la variété virginienne utilisée à l'origine dans les mélanges. Et de montrer un chronogramme de son rapport qui illustre cette évolution.

Exit le souvenir de la démonstration faite l'an dernier devant le tribunal par Me Maurice Régnier, qui représentait les intérêts de la Couronne fédérale, la démonstration que peu importe la teneur en nicotine et goudron des feuilles de tabac utilisées dans les mélanges entubés, l'industrie est capable de modifier à sa guise la teneur en nicotine et goudron du produit final, les cigarettes, et ce qu'elle a fait allègrement.

Exit le souvenir des critiques de l'historien Robert Proctor à l'encontre de l'approche des historiens mandatés par l'industrie du tabac. Proctor croit qu'un examen de la documentation interne des cigarettiers aurait permis à Perrins de constater que ces derniers ont été bien plus vite que la fonction publique fédérale à savoir à quoi s'en tenir avec le phénomène de la compensation, lequel phénomène réduit en cendres l'espérance de réduire les méfaits du tabagisme avec des cigarettes à teneur réduite en goudron.

Exit aussi le souvenir d'une opinion émise par le juge Riordan à l'effet qu'il peut être utile de savoir ce que pensaient les dirigeants des compagnies, notamment sur la question des méfaits sanitaires du tabagisme, parce qu'une compagnie en elle-même ne parle pas, mais inutile de savoir ce que pensaient des officiers subalternes et sous-fifres des compagnies passés à la barre des témoins ou cités dans des pièces.

Reste que pour le « gouvernement », qui est certainement quelque chose d'encore plus gros qu'une compagnie canadienne de tabac, la précaution souhaitée par le juge Riordan semble avoir été mise de côté.

Mais peu importe ce que des journalistes peuvent en penser, c'est l'opinion de l'honorable Brian Riordan qui compte, et le juge a semblé favorablement impressionné par le travail de l'historien, à qui il a servi des remerciements appuyés, à la fin de l'interrogatoire par Me Pratte.

Les avocats des recours collectifs ont silencieusement passé la journée à ronger leur frein.

Peut-être que c'est aujourd'hui, jour de contre-interrogatoire, que l'expert historien de l'industrie va avoir davantage l'impression de gagner sa paie.

mardi 20 août 2013

157e jour - Premier jour de témoignage de l'historien Robert J. Perrins

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(PCr)
À 45 ans, l'historien Robert John Perrins est le plus jeune expert à témoigner au procès des cigarettiers au palais de justice. Cela ne l'empêche pas d'avoir un long curriculum vitae typique des universitaires au 21e siècle (et déjà au 20e).

Le professeur Perrins
lors d'une session
de cours à Pékin
Le professeur Perrins est particulièrement versé en histoire de la Chine et du Japon, bien qu'il lui arrive aussi de donner des cours d'histoire de la médecine (occidentale, comme il a été précisé lors du contre-interrogatoire de qualification).

Chez certains, le mandat donné par un cabinet d'avocats découle d'une expertise reconnue. Avec le témoin de cette semaine, l'expertise a découlé du mandat confié. M. Perrins n'a pas exagérément cherché à le dissimuler.

Bien que le témoin-expert soit un solide gaillard, c'est moins sa carrure que sa capacité de travail qui impressionne.

Depuis l'été 2009, tout en cumulant plusieurs fonctions comme administrateur, chercheur et enseignant dans des universités canadiennes et chinoise, il a, pour pondre les 750 pages de ses rapports d'expertise remis aux parties en 2010 et 2013 (pièces 4034640347 et 40348 au dossier de la preuve), visité des archives à Ottawa, Londres et Washington, pris en photos environ 12 000 pages, avec un petit appareil portatif, et lu et digéré tout cela. Et pratiquement sans aide, puisqu'il n'a pas d'étudiants-chercheurs à sa disposition à l'Université Acadia, laquelle offre seulement des programmes d'études de premier cycle.

Armé de cette connaissance, l'expert a pu tranquillement répondre à une question sur ce que pensait un cadre du ministère canadien de la Santé vers 1960. Il n'est pas dit que l'historien se trompe, mais l'originalité de la situation est que Me Guy Pratte, défenseur de JTI-Macdonald, ait été autorisé à poser une question de ce genre sans objection.

En l'absence d'objection, le juge Riordan a laissé faire, ce qui ne veut pas dire qu'il ait trouvé beaucoup de matière à jugement final dans le témoignage du professeur Perrins sur l'évolution des positions et pensées gouvernementales en matière de méfaits sanitaires du tabagisme.

D'une certaine manière, le rapport d'expertise de l'historien Perrins paraît avoir été préparé pour une affaire qui est maintenant close, à la suite d'un jugement incontesté de la Cour d'appel du Québec.

Face aux réclamations présentées devant la justice par les collectifs de victimes du tabac, l'industrie a cherché d'une part à rejeter le blâme sur ces personnes elles-mêmes, qui auraient dû être au courant des risques et n'avaient qu'à arrêter de fumer ou à ne pas commencer, et d'autre part à rejeter le blâme sur le gouvernement fédéral canadien, dont la politique n'aurait pas été claire et dont les cigarettiers sont les obéissants serviteurs ...

Les expertises des historiens Lacoursière et Flaherty concernaient la première ligne de défense, toujours d'actualité. L'expertise de l'historien Perrins concerne la deuxième, même si la Cour d'appel a mis la Couronne fédérale canadienne hors de cause.

En fouillant les archives à Ottawa, l'expert Perrins a pu découvrir que le ministère fédéral de la Santé a eu de grandes ambitions dès 1963 dans sa lutte contre le tabac, et que la ministre Judy LaMarsh aurait peut-être été plus loin qu'elle n'a été, sans une certaine résistance rencontrée au cabinet.

Pourtant, si l'examen par les historiens de la correspondance interne du gouvernement laissait encore entrevoir des vues flottantes ou de l'indécision en diverses époques, l'industrie pourrait-elle invoquer cela à sa décharge devant l'évidence parallèle de la constance de l'essentiel du message public du gouvernement ?

En fouillant les archives, l'historien Perrins a pris connaissance des positions de l'industrie, telles qu'elles étaient perçues ou enregistrées par la fonction publique.

Le procureur Philippe Trudel des recours collectifs a voulu savoir pourquoi le chercheur n'avait pas consulté les archives en ligne des compagnies de tabac elles-mêmes pour connaître leurs positions.

M. Perrins n'a pas eu le temps pour cela. Et tant pis si une source primaire est négligée au profit d'une source secondaire.


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Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès en recours collectifs contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs  https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm


2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information
3) puis revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens au besoin,
ou
utiliser le moteur de recherche sur place, lequel permet d'entrer un mot-clef ou un nombre-clef et d'aboutir à un document 


lundi 19 août 2013

Les cigarettiers reprennent la présentation de leur défense

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces au dossier de la preuve, voyez les instructions à la fin du présent message.

(PCr)
Imperial Tobacco Canada, Rothmans, Benson & Hedges et JTI-Macdonald, les trois principaux fournisseurs de cigarettes du marché québécois, reprennent aujourd'hui la présentation de leur défense dans le procès qui les oppose à deux collectifs de fumeurs et ex-fumeurs qui attribuent aux pratiques de l'industrie du tabac entre 1950 et 1998 leur cancer du poumon, leur cancer du larynx ou d'une autre partie de la gorge, leur emphysème, ou leur dépendance au tabac.

L'action est instruite au palais de justice de Montréal devant le juge Brian Riordan de la Cour supérieure du Québec; le procès public a débuté en mars 2012, et la journée d'aujourd'hui sera le 157e jour d'audition.

C'est à partir d'aujourd'hui que Robert John Perrins, professeur d'histoire à l'Université Acadia de Wolfville en Nouvelle-Écosse, sera interrogé par les avocats de la partie défenderesse, puis contre-interrogé par les avocats des recours collectifs, au sujet de son rapport d'expertise de 436 pages (flanquées de deux documents complémentaires, un et deux) (Une première version du rapport avait été remise aux parties en décembre 2010. Le nouvel ensemble de documents a été reçu par les recours collectifs en mai dernier.)

Le témoignage de l'historien Perrins, que la défense espère faire verser au dossier de la preuve, raconte l'évolution des positions du gouvernement fédéral canadien et des autorités en matière de santé publique, essentiellement en ce qui concerne les risques sanitaires du tabagisme, et en particulier le risque d'être frappé par certaines maladies. La question de la dangerosité des cigarettes « légères » et « douces » est aussi abordée.


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Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès en recours collectifs contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs  https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm


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