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mercredi 2 mai 2012

21e jour- 1er mai - Michel et Michel

Pour accéder aux pièces au dossier de la preuve, lisez les instructions à la fin du message d'aujourd'hui.

Lundi et hier devant la Cour supérieure du Québec, Michel Bédard, comme d’autres témoins avant lui, a fait valoir que la connaissance des méfaits sanitaires du tabac dans le peuple est répandue, et que cela aurait dû suffire pour empêcher les gens de commencer à fumer, sinon de continuer à fumer. 

D’où la conviction exprimée dans les années 1980 par la défunte Société pour la liberté des fumeurs que des mises en garde substantielles et une interdiction de la publicité des produits du tabac ne sont pas nécessaires.

Pour illustrer son fait, Michel Bédard a notamment parlé des cigarettes que son grand-père fumeur lui envoyait chercher et qu’il qualifiait lui-même de « clous de cercueil ».  (…ce qui n’est pourtant pas une preuve que le grand-père accordait de la valeur à la croyance populaire derrière cette expression).

Mais le témoin Bédard, un homme d’une diction parfaite et qui adore les mots précis, se rebiffe encore quand le gouvernement affirme que fumer est une cause majeure de cancer du poumon ou que le tabac cause une dépendance.

Et pour se justifier en fin de compte, le philosophe finit par parler d’une connaissance à lui qui a fumé toute sa vie sans subir de dommages sanitaires, ou de personnes qui ont réussi à arrêter de fumer, comme si ce genre de faits anecdotiques ou mal interprétés ne pouvait pas servir de connaissance rassurante à quantité de fumeurs, en particulier en l’absence d’un discours scientifique clair.

Plus encore que chez Michel Descôteaux lors de sa comparution en mars, le scepticisme à l’égard de la science est à géométrie variable chez le militant de la liberté des fumeurs, un peu comme chez les dénégateurs du changement climatique enrôlés par le cabinet de relations publiques Burson-Marsteller.  (M. Bédard est le premier témoin qui ait admis avoir déjà entendu parler de cette firme.)

Le procureur des recours collectifs Bruce Johnston a mentionné que le rapport de 1988 du Surgeon General des États-Unis, que Michel Bédard prétend avoir lu au moins partiellement avant de chercher à contredire un rapport postérieur du même type de la Société royale du Canada, contient des références à une centaine d’articles par presque autant de chercheurs scientifiques qui ont affirmé dans des revues savantes que la nicotine ou le tabac engendre une dépendance.  Me Johnston a voulu savoir pourquoi le militant de la liberté des fumeurs n’avait pas cherché l’avis d’un de ces chercheurs en matière de dépendance.

Michel Bédard a répondu qu’il voulait un chercheur neutre ou sans parti pris, comme si le fait d’aboutir à une vérité déplaisante pour lui était en soi une source de discrédit.

En fin de compte, Michel Bédard a pu obtenir l’opinion, publiée nulle part dans une revue avec révision par des pairs, du psychologue Dollard Cormier de l’Université de Montréal, renommé pour ses études sur l’alcoolisme et le jeu.  Et c’est avec cette opinion que le président de la Société pour la liberté des fumeurs a voulu influencer le jugement du ministre de la Santé Perrin Beatty sur la valeur de l’avis de la Société royale sur la dépendance.

Alors que Michel Bédard s’est prétendu étonné par les conclusions du professeur Cormier, sa correspondance, examinée au tribunal, montre qu’il savait à quoi s’attendre en allant chercher cette opinion. pièce 209 au dossier

L’ancien président de la défunte Société pour la liberté des fumeurs s’est montré désolé que son organisme ait été perçu comme la voix de l’industrie, et croit que cela aurait été le cas, même si la SLF n’avait pas effectivement reçu l’écrasante majorité de ses fonds de l’industrie.  pièce 198 au dossier


Plusieurs documents examinés ces deux derniers jours ont montré l'alignement de la Société pour la liberté des fumeurs sur les positions de l'industrie.  Voir notamment les pièces relatives à la dépendance (218 et 219), aux interdictions de fumer (pièce 217) à l'interdiction de la publicité (pièce 225), aux mises en garde sanitaires (pièce 216). (Voir aussi les pièces 214 et 214a)

Pour les dirigeants du Conseil canadien des fabricants de produits du tabac, le « recrutement » de Michel Bédard paraissait une bonne affaire.  pièce au dossier
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L'ancien directeur des relations publiques et des affaires publiques d'Imperial Tobacco, Michel Descôteaux, a aussi comparu, une fois de plus, devant le tribunal mardi.  Il revient aujourd'hui (mercredi), et nous traiterons de son témoignage dans la prochaine édition.

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Pour accéder aux pièces au dossier de la preuve et autres documents relatifs au procès des cigarettiers devant la Cour supérieure du Québec, il vous faut

1- d'abord aller sur le site des avocats des recours collectifs à https://tobacco.asp.visard.ca ;
2- cliquer alors sur la barre bleue intitulée « Accès direct à l'information »;
3- retourner lire le blogue et cliquer sur les liens à volonté.
Il y a aussi un moteur de recherche pour accéder à toutes les autres pièces.

mardi 1 mai 2012

20e jour - 30 avril - La Société pour la liberté des fumeurs

Pour accéder aux pièces au dossier de la preuve, lisez la note à la fin du message d'aujourd'hui.

La vingtième journée du procès des cigarettiers a commencé par une discussion entre les avocats André Lespérance et Philippe Trudel pour les plaignants, Suzanne Côté et Simon Potter pour la défense, et Me Maurice Régnier pour le gouvernement du Canada, à propos du calendrier des comparutions de témoins devant le tribunal et du calendrier de production de documents.

Durant le restant de la matinée et tout l’après-midi, le procureur des recours collectifs André Lespérance a ensuite interrogé Michel Bédard, qui fut le président de la Société pour la liberté des fumeurs (SLF) de sa fondation au printemps 1986 jusqu’à l’hiver 1990.

Président, et aussi secrétaire et trésorier, la plupart du temps.

La SLF a fini en 1994 par être dissoute par les autorités canadiennes qui enregistrent les entreprises, parce qu’elle ne remettait pas son rapport annuel.

Philosophe et politologue de formation, ancien professeur de cégep, M. Bédard fêtera d’ici la fin de la semaine son 66e anniversaire de naissance, et s’est présenté lui-même comme un recherchiste et rédacteur, notamment de discours, et l’ancien patron d’une petite firme de consultant, et de la maison d’édition Varia.

Origine et développement d’un groupe de façade

Lors de sa comparution au procès des cigarettiers, en mars dernier, l’ancien chef des relations publiques d’Imperial Tobacco, Michel Descôteaux, avait fait état du rôle de Michel Bédard et de sa Société pour la liberté des fumeurs (SLF).

Hier, Michel Bédard a raconté que l’idée de fonder son organisme lui est venue d’une rencontre avec l’écrivain libertaire et économiste de formation Pierre Lemieux.

(«Chercheur associé » à l’Institut économique de Montréal, dont il est l’un des fondateurs, Pierre Lemieux a publié en 1997, aux éditions Varia de Michel Bédard, un livre intitulé Tabac et liberté.  L’État comme problème de santé publique.)

En mars ou en avril 1986, Lemieux et Bédard ont rencontré Michel Descôteaux, qui était à l’époque membre du comité des affaires publiques du Conseil canadien de fabricants des produits du tabac (CTMC).

Une proposition formelle de parrainage financier de la SLF par les cigarettiers a alors été préparée par Jacques Larivière du CTMC pour être présentée en mai 1986 aux patrons des quatre compagnies membres.  pièce 197 au dossier  L’animateur de la SLF a parallèlement précisé ses attentes budgétaires. 

Lors de l’interrogatoire d’hier de Michel Bédard par Me Lespérance, il est devenu clair que l’organisme ne soumettait à l’industrie que des projets qui faisaient l’affaire de cette dernière (pièce 202), après que Michel Bédard ait rapidement constaté à l’époque des désaccords entre les avocats des compagnies d’une part, et des avocats proches de la SLF d’autre part.

C’est ainsi que l’idée de la promotion de l’arrêt tabagique, brièvement entrevue comme une orientation accessoire de la SLF, fut rapidement mise au rancart, faute d’être bien accueillie.

Le calcul des demandes budgétaires à l’industrie était notamment basé sur l’estimation des capacités de recrutement par l’association de membres parmi les fumeurs, une estimation peu encourageante pour les promoteurs.

Dans un des rapports annuels de la SLF au CTMC, Michel Bédard fait valoir que son association peut dire ou peut faire des choses que l’industrie ne peut pas se permettre de faire.

En novembre 1988, quelques mois après le vote d’une loi fédérale (loi Epp) qui visait à bannir la publicité du tabac et à en interdire l’usage dans certains lieux publics, le deuxième rapport annuel de la SLF fait état des efforts de cette organisation pour prévenir ou ralentir ces tendances défavorables au tabagisme.

La SLF s’est entre autres opposée à la loi Epp lors d’audiences parlementaires à la Chambre des communes en 1988.  Michel Bédard a donné plusieurs entrevues à la radio et à la télévision, dans diverses provinces.

Au fil des ans, la SLF a commandé et payé des études, notamment à l’économiste André Raynauld, pour pouvoir publiciser le bénéfice socio-économique net de l’industrie du tabac, ou au psychologue Dollard Cormier, pour pouvoir contester la réalité toxicomanogène du tabac après la sortie d’un rapport de la Société royale du Canada en 1988.

La SLF a aussi cherché à remettre en question la nocivité du tabagisme passif après la sortie du rapport de 1988 du Surgeon General des États-Unis, et elle a soutenu des groupes « spontanés » de fumeurs qui contestaient des règlements municipaux visant la protection des non-fumeurs, entre autres à Toronto.

Michel Bédard a déclaré que le concept de la liberté de fumer aurait été remis en question s’il s’était avéré que la nicotine causait la dépendance, ou du moins une dépendance comparable à l’héroïne, une comparaison qu’a pourtant faite en toutes lettres le Dr Everett Koop, Surgeon General des États-Unis, dans son rapport de mai 1988.

Me Lespérance a causé un petit embarras au très disert Michel Bédard en lui mettant sous le nez un communiqué de presse émis en 1988 par son organisation, un communiqué où celle-ci est allée jusqu’à prétendre qu’il n’y avait à date aucune étude qui prouvait que le tabagisme causait la dépendance.

Dans un autre communiqué, M. Bédard accuse le gouvernement du Québec de mentir aux fumeurs en prétendant que le tabagisme est une cause majeure du cancer du poumon (pièce 216), reconnaissant seulement qu’il pouvait être un co-facteur.

Calendrier

M. Bédard revient aujourd’hui, pour être interrogé par Me Bruce Johnston, et sera suivi de l’ancien vice-président aux relations publiques d’Imperial Tobacco, Michel Descôteaux, qui a témoigné en mars, et qui sera de retour.

Demain, mercredi, l’ancien président de la compagnie, Jean-Louis Mercier, viendra terminer son témoignage.  Jeudi, l’ancien vice-président au marketing d’Imperial, Anthony Kalhok, reviendra devant la Cour, cette fois-ci pour y être interrogé par les représentants du Procureur général du Canada, défenseur en garantie dans cette affaire.  Le mois de mai verra ensuite défiler à la barre d’autres anciens cadres d’Imperial Tobacco.

Hier, le juge Brian Riordan a fait comprendre l’intérêt qu’il accorde à ce que les témoins relatifs aux activités d’une compagnie soient entendus d’un bloc avant que commencent les séries d’interrogatoires de témoins relatifs aux deux autres compagnies : il croit que cela aidera à démêler la responsabilité éventuelle d’un cigarettier de celle d’un autre.

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Pour accéder aux pièces au dossier de la preuve et autres documents relatifs au procès des cigarettiers devant la Cour supérieure du Québec, il vous faut

1- d'abord aller sur le site des avocats des recours collectifs à https://tobacco.asp.visard.ca ;
2- cliquer alors sur la barre bleue intitulée « Accès direct à l'information »;
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