mardi 13 novembre 2012

81e jour - 12 novembre - Un procès en mutation

Pour savoir comment activer les hyperliens, voyez les instructions à la fin du présent message.

Au palais de justice de Montréal, lors de la 81e journée du procès en responsabilité civile des principaux cigarettiers canadiens, le public, toujours aussi raréfié, pouvait avoir l'impression que l'action prenait un tournant.

Il faut dire qu'il ne reste qu'une demi-douzaine de témoins de faits à faire comparaître ou recomparaître brièvement devant la Cour supérieure du Québec. C'est l'affaire de quelques jours d'auditions dispersés d'ici la fin de février, essentiellement avant Noël. Dès la dernière semaine de novembre commencera la comparution des experts, étape qui continuera jusqu'à la fin du mois de février.

Les témoignages de faits ont généralement été livrés par d'anciens cadres supérieurs ou cadres intermédiaires de l'industrie du tabac. Au nombre de la seconde catégorie de témoins figurent un historien, un professeur de marketing, un chimiste, un pneumologue, un épidémiologue, etc. Les témoins-experts sont autorisés à émettre des hypothèses sur des relations de cause à effet entre des faits amenés en preuve.

Dans ce contexte, les procureurs des recours collectifs voudraient notamment mettre à la disposition du juge Brian Riordan différents documents internes de l'industrie qui sont cités dans le témoignage écrit du professeur d'histoire Robert Proctor. (La semaine dernière, les procureurs des recours collectifs envisageaient encore de faire débuter le témoignage oral de ce dernier le 26 novembre.)

Il s'agit principalement de documents qui, à la suite de jugements judiciaires (par exemple dans la cause Cipollone contre Liggett en 1992) et d'ententes à l'amiable (dont la célèbre Tobacco Master Settlement Agreement en 1998), ont été divulgués par des cigarettiers américains (Philip Morris, Brown & Williamson, R. J. Reynolds Tobacco, etc) qui appartenaient et appartiennent encore ultimement aux mêmes actionnaires que ceux qui possédaient les cigarettiers canadiens à l'époque.

Figurent au menu : des énoncés de politiques des maisons-mères des compagnies canadiennes concernant les conséquences sanitaires du tabagisme, des écrits qui montrent quel était l'état de la connaissance scientifique dans les empires du tabac à certaines époques, des articles de journaux, etc.

Une version numérisée de ces documents est accessible au public, et donc aux chercheurs, grâce à la Legacy Tobacco Documents Library (LTDL) gérée par l'Université de Californie à San Francisco.

Mais les choses ne sont pas aussi simples devant une cour de justice.

Pour que des avocats au Québec puissent faire verser ces documents au dossier de la preuve dans un procès, ces pièces doivent être authentifiés. Or, puisque selon leurs défenseurs les trois compagnies canadiennes ne possèdent pas ces documents et ne veulent rien en dire, il faudrait pour s'assurer de leur authenticité, soit faire venir la bibliothécaire de la LTDL pour témoigner de la chaîne de possession des documents, ou alors obtenir des compagnies américaines qui les ont produites originalement, ou des compagnies qui ont pris ultérieurement le contrôle de ces compagnies américaines, de produire à nouveau ces documents.

La première option a été au moins temporairement mise de côté sous la menace d'une requête des avocats de Rothmans, Benson & Hedges ayant notamment pour but d'empêcher la comparution de la bibliothécaire de la LTDL, Kim Klausner.

La deuxième option est en marche depuis quelques semaines, avec la collaboration plus ou moins empressée des compagnies canadiennes. S'ils ne voient pas les choses avancer de manière satisfaisante, les avocats des recours collectifs se sont déclarés prêts à utiliser une troisième voie, qui est le mécanisme de la commission rogatoire, par lequel le tribunal canadien de Brian Riordan demanderait à un tribunal américain d'aller chercher les documents nécessaires à son instruction.

Les interventions de Me Simon Potter, pour RBH, et de Me Deborah Glendinning, pour Imperial Tobacco Canada, ont révélé l'inquiétude des compagnies devant la portée du témoignage de l'historien Robert Proctor. Selon eux, il ne suffisait pas que soit confirmée à un moment donné l'authenticité des documents sur lesquels les demandeurs lui ont demandé de se pencher.

Étant donné que le professeur Proctor a remis son témoignage d'expert en août 2011, le juge Riordan s'est étonné que les défenseurs des cigarettiers prétendent qu'ils ne savent pas sur quels documents vont porter les questions des demandeurs lors de l'interrogatoire.

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David Schechter était l'avocat interne principal de Brown & Williamson, la defunte filiale de British American Tobacco (BAT) aux États-Unis.  En février 2005, durant un procès intenté par le Procureur général des États-Unis contre l'industrie cigarettière de ce pays, en vertu de la loi contre les rackets, l'avocat du Kentucky a dû témoigner.  Dans son témoignage devant la juge Gladys Kessler, David Schechter a confirmé qu'il était au courant qu'une politique de destruction de documents compromettants avait été appliquée au début des années 1990 dans la filiale canadienne de BAT, Imperial Tobacco Canada.

Les procureurs des recours collectifs québécois voulaient faire témoigner de nouveau ce monsieur Schechter. Hélas, il est mort (de maladie) en 2011, à peine quelques jours après avoir reçu une citation à comparaître devant le tribunal de Brian Riordan. Me André Lespérance a expliqué hier pourquoi il voudrait maintenant faire verser comme pièce au dossier de la preuve le témoignage écrit et sous serment que faisait Me Schechter lors du procès présidé par Gladys Kessler.

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L'autre grand sujet discuté fut de nouveau l'immunité parlementaire.  Les avocats des cigarettiers ont exprimés leur inquiétude que la partie demanderesse au procès utilise les propos des dirigeants de compagnie dans des enceintes parlementaires pour incriminer les compagnies.

Le juge Riordan a répété son intention de procéder au cas par cas dans l'admission en preuve de pièces d'origine parlementaire, d'écouter les objections contre des usages injustes qui seraient faits de leur contenu, et de juger chaque cas au mérite.

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Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès contre les trois grands cigarettiers, il faut commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information, puis
2) revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens,

ou utiliser le moteur de recherche sur place, lequel permet d'entrer un mot-clef ou un nombre-clef et d'aboutir à un document ou à une sélection de documents.