mercredi 19 septembre 2012

57e jour - 18 septembre - JTI-Macdonald en défense

Mardi, un nouveau témoin est comparu au procès des trois grands cigarettiers devant la Cour supérieure du Québec.

Il s'agit de Michel Poirier, président depuis 2005 de la région des Amériques chez Japan Tobacco International, en plus d'être depuis 2000 président et chef de la direction de la filiale canadienne du groupe, JTI-Macdonald. M. Poirier est entré en 1998 au service de cette compagnie, quand elle était possédée et contrôlée par R. J. Reynolds et s'appelait RJR-Macdonald.

(R. J. Reynolds, le numéro 2 du tabac sur le marché américain, a vendu en 1999 à Japan Tobacco de Tokyo ses filiales hors des États-Unis, incluant Macdonald Tobacco, dont le siège social est situé à Toronto. JTI-Macdonald produit notamment les marques de cigarettes Export A et Macdonald Spéciale, bien connues des fumeurs québécois. La compagnie opère une usine de cigarettes et son service juridique interne à Montréal.)

Michel Poirier
 (photo visible à www.jti.com)


Avant de s'occuper des ventes de tabac, Michel Poirier, qui est âgé de 54 ans, a fait son chemin dans le monde de ces grandes entreprises si apparemment inoffensives, que l'on connaît surtout par leurs marques : Alberto Culver (Alberto VO5, Noxzema, etc), Procter & Gamble (Crest, Tide, Pampers, Clairol, Braun, etc), Johnson & Johnson (Listerine, Band-Aid, Tylenol, Nicorette, etc) et Revlon. Côté scolarité, M. Poirier a notamment fait des études collégiales en sciences au Collège Brébeuf, au pied du mont Royal.

Depuis les débuts du procès des compagnies de tabac en mars, le tribunal a surtout accueilli des retraités comme témoins.

Quand un haut dirigeant en exercice est de passage au palais de justice, comme pour Marie Polet d'Imperial Tobacco Canada en juin, on se demande si le pouvoir du grand capital a un parfum particulier, un parfum plus subtil que celui des détergents, mais peut-être plus enivrant.

Pour l'occasion, la grande presse s'était amenée, y compris avec ses appareils photographiques et une caméra, devant la porte de la salle d'audience 17.09. Il était aussi moins facile que d'habitude pour les blogueurs de se délasser les jambes dans les corridors lors des pauses, sans tomber sur des conciliabules d'avocats et de cadres ou sur des gardes du corps méfiants. D'ordinaire, le public est clairsemé dans la salle d'audience, au-delà des deux blogueurs du SIPT et de la toute menue et très discrète observatrice d'un cabinet juridique qui représente des compagnies d'assurance-vie.

Contrairement aux travaux de la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction, présidée par la juge France Charbonneau, ceux du tribunal présidé par le juge Brian Riordan ne sont pas filmés. Le public peut cependant y assister sans invitation. Cette semaine, comme durant les deux prochaines semaines, le tribunal siègera chaque jour du lundi au jeudi, à partir de 9h30, dans la grande salle du 17e étage du palais de justice de Montréal.

Relève de la garde et interrogatoire

Au cours des prochaines semaines, les avocats des recours collectifs vont surtout faire comparaître des personnes qui vont témoigner des agissements de JTI-Macdonald, puis de Rothmans, Benson & Hedges.

Deux des avocats d'Imperial Tobacco Canada ont donc cédé leur siège près de la barre des témoins à une partie de l'équipe de défense de JTI-Macdonald, soient Me Guy Pratte et Me François Grondin.

Ce bref jeu de chaises musicales n'a pas empêché l'interrogatoire de Michel Poirier par Me Philippe Trudel et les interventions des défenseurs des compagnies, qui sont tous bilingues à l'exception de deux avocats d'Imperial Tobacco, de se dérouler en anglais, cette fois-ci à la demande du témoin.

On a vu Me Pratte demander lui-même l'exclusion du témoin de la salle durant quelques minutes, avant de justifier une de ses objections. Depuis mars, Me Deborah Glendinning n'a jamais fait aux procureurs des recours collectifs cette grâce, ce qui lui a valu de se faire parfois reprocher par Me Trudel ou Me Johnston de pratiquement souffler des réponses commodes au témoin.

Il est vrai que Michel Poirier n'a pas besoin d'aide. Il a répondu aux questions avec une remarquable apparence d'assurance et de modestie. Il a aussi donné l'impression d'être un fin lecteur des études de Santé Canada. Au surplus, il ne saurait pas vous définir ce qu'est la dépendance, mais il n'a pas manqué de rappeler que la définition a évolué au fil des décennies, et il s'abstient de recourir aux comparaisons fantaisistes d'un Jean-Louis Mercier ou d'un Michel Descôteaux.

Me Trudel a commencé par examiner avec le témoin les positions actuelles de sa compagnie sur différents sujets, notamment en vue de mesurer ultérieurement, surtout avec d'autres témoins, les changements survenus chez Macdonald Tobacco depuis 1950. Il a été notamment question du tabagisme et de la santé (pièce 564 et pièce 565), d'une réduction des méfaits (pièce 560), du code d'honneur de la compagnie et de son personnel (pièce 561 et pièce 566), des indications de la teneur en goudron et en nicotine sur les paquets (pièce 562), et de la dépendance (pièce 567 et pièce 568). Il a été aussi question du phénomène de la compensation avec les cigarettes « légères » et des campagnes de marketing visant les jeunes.

M. Poirier a expliqué que dans l'empire de Japan Tobacco, les recherches sur le développement de nouveaux produits relèvent de JTI, dont le siège social est à Genève, alors que la recherche sur les effets sanitaires du tabac se fait surtout au Japon. Le but de la recherche est de pouvoir un jour offrir aux consommateurs un produit « plus sûr » qu'ils vont accepter et même demander. Le témoin a parlé de « saint graal », que d'autres appelleraient la quadrature du cercle.

Nous reviendrons dans notre prochaine édition sur d'autres aspects du témoignage de Michel Poirier, dont la comparution continue aujourd'hui.

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Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès en recours collectif contre les trois grands cigarettiers, il faut commencer par
1) aller sur le site de la partie demanderesse
https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm
2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information,
3) et revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens à volonté.

Il y a aussi un moteur de recherche qui permet d'entrer un mot-clef ou un nombre-clef et d'aboutir à un document ou à une sélection de documents.