Un président des États-Unis (F. D. Roosevelt) au temps des fume-cigarettes (avril 1939) |
Lors de son témoignage en novembre dernier au procès des compagnies de tabac canadiennes, l'historien de la cigarette Robert Proctor faisait comprendre que c'est du marketing réussi et une fraude monumentale de faire appeler communément filtre quelque chose qui ne filtre pratiquement rien. (Ou dont l'industrie n'a jamais prouvé l'efficacité à diminuer la toxicité de la fumée.)
Les fumeurs ont eu et ont peut-être encore une croyance différente de celle du professeur Proctor sur le sujet. Imperial Tobacco, le chef de file du marché canadien de la cigarette, est depuis longtemps au courant des croyances des fumeurs, et cette connaissance fine pourrait en partie expliquer la part de marché de l'entreprise.
Voici un exemple.
En juin 1977, selon des données préparées par Market Facts of Canada pour Imperial Tobacco (pièce 987.15) (161 pages), 75 % des fumeurs anglophones et 72 % des fumeurs francophones au Canada se déclaraient d'accord avec l'idée que les « cigarettes à bout filtre sont meilleures pour la santé que les cigarettes sans filtre ». À cette époque, tant RJR-Macdonald, Benson & Hedges et Rothmans qu'Imperial ont des marques de cigarettes avec le mot filtre ou filter dans le nom, l'écrasante majorité des cigarettes vendues sont dotées des soi-disant filtres, peu importe le nom de la marque.
À ce même moment au Canada, qui est une époque de croissance « météorique » de la Player's « légère », 45 % des fumeurs anglophones et 48 % des fumeurs francophones croyaient que leur probabilité de mourir dans un accident de la route était plus grande que de mourir d'avoir fumé. Ces fumeurs étaient peut-être au courant des méfaits sanitaires du tabagisme, mais mesuraient-ils correctement le risque d'être touché ? Un internaute doit-il s'étonner que certains de ces fumeurs aient pu continuer de fumer sans suffisamment d'inquiétude, quand on sait par la Société de l'assurance-automobile du Québec que seulement 53 % des passagers avant bouclaient leur ceinture de sécurité en 1985, neuf ans après que le port de la ceinture ait été rendu obligatoire ?
La même étude de juin 1977 examinée par le tribunal révèle que seulement 37 % des fumeurs anglophones et rien que 24 % des fumeurs francophones déclaraient que le niveau de goudron « qui ne représente pas de danger » (pour la santé) est zéro. Les autres fumeurs fixaient la barre plus haute.
Qu'elles aient été fondées ou non, les diverses croyances des fumeurs étaient étudiées et connues par les cigarettiers, avec une bonne longueur d'avance sur les autorités de la santé publique, que l'industrie semble s'être bien gardée d'informer. (Si elle l'a fait, la preuve en défense des cigarettiers, qui est censée de commencer en mars prochain, ne manquera pas de le souligner au tribunal.)
Le rapport de 1977 de Market Facts fait partie de la douzaine de documents que Me Philippe Trudel et Me André Lespérance ont examinés lundi et mardi avec le témoin Philip Cadieux, un analyste de marché qui a travaillé pour Imperial Tobacco, en particulier de 1982 à 1989.
Ces documents font à leur tour partie d'un ensemble beaucoup plus vaste de données brutes et de rapports d'analyse que le procès actuel permet d'exhumer. (Voir notre édition relative au 82e jour.)
La deuxième journée de témoignage judiciaire de M. Cadieux a permis de mieux comprendre les hypothèses de construction de certains tableaux, les calculs de pondération effectués pour croiser l'information de Statistique Canada avec celle de certains sondages de l'industrie, de même que l'existence d'une zone grise entre les notions de croyance et de connaissance. Bien des réponses attendus lors des sondages sont difficiles à classer avec certitude dans une catégorie ou dans l'autre.
Les interrogateurs ont paru plus détendus mardi que lundi et le témoin a paru se prêter plus volontiers à l'interrogatoire. Pas assez pour confirmer que la compagnie a étudié pourquoi les fumeurs abandonnent de fumer, mais assez pour répondre « J'en suis sûr » quand on lui a demandé si certains fumeurs arrêtent par la pression sociale. Le défenseur d'Imperial, Me Craig Lockwood, a soulevé peu d'objections durant les deux jours et mis de côté le ton continuellement offensé des avocates de la même compagnie. Au dîner, le juge Riordan avait déjà souhaité de joyeuses Fêtes au témoin.
Aujourd'hui, mercredi, le tribunal enregistrera le dernier témoignage oral de l'année 2012.
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Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par
1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm
2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information
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