jeudi 12 avril 2012

14e jour – 11 avril – Connaître, rassurer et fidéliser le fumeur (un aperçu)

Le procès des cigarettiers canadiens s’est poursuivi hier en Cour supérieure du Québec, avec la continuation de l’interrogatoire d’un ancien vice-président au marketing d’Imperial Tobacco dans les années 1970, Anthony Kalhok.

La présence de ce dernier à la barre des témoins a permis au procureur André Lespérance de faire examiner et de faire verser au dossier de la preuve une ample documentation qui montre ce que savait à l’époque le département du marketing d’une compagnie de tabac de l’évolution des croyances et habitudes de ses clients.

Ainsi par exemple, dans un document daté de 1974, (pièce 127) les intentions de continuer de fumer sont mises en parallèle avec des événements qui ont pu influencer l’attitude des fumeurs. 

Pour un expert en marketing comme le témoin Anthony Kalhok, il appert que les mauvaises nouvelles faisaient graduellement perdre au fumeur sa confiance de pouvoir continuer à fumer, d’où l’attention que son département portait à ce qui pouvait au contraire rassurer le fumeur.

L’étude des croyances et des attitudes du fumeur a permis le « design » de marques de cigarettes avec les caractéristiques appropriées.  

M. Kalhok a assuré le procureur André Lespérance qu’un cigarettier, ou du moins Imperial Tobacco, n’a jamais dit en toutes lettres qu’une marque est moins dommageable qu’une autre pour la santé.  Mais le fumeur s’en convainc  par des associations d’idées venant de la présentation faite du produit au public, ce qui inclut le design de l’emballage, reconnait le spécialiste du marketing.

Dans le contexte des « pressions » sociales en faveur de produits moins nocifs, le marketing réalisait son but quand un fumeur achetait une cigarette avec une teneur amoindrie en goudron et nicotine, qu’il percevait comme plus légère, mais qu’il lui procurait une « satisfaction ».

Les documents examinés n’emploient pas le mot soulagement.

À l’époque où il a pris la direction du département de marketing, Anthony Kalhok a fait faire des études qui ont permis à sa compagnie de savoir, au bout de quelques années,  à quel âge les jeunes se mettaient à fumer et dans quel contexte.


Une réserve de moins

Dès la première semaine d’audiences, les procureurs des recours collectifs avaient tenté de faire verser comme pièce au dossier de la preuve un enregistrement (ou sa retranscription) d’une interview radiophonique, une interview réalisée à Vancouver à l’hiver 1970, de Paul Paré, à l’époque le président d’Imperial Tobacco et du Conseil canadien des fabricants de produits du tabac, et plus tard intronisé au Temple de la renommée du tennis canadien, pour sa contribution à la prospérité de ce sport. 

M. Paré, qui est aujourd’hui décédé, y déclarait alors consommer un paquet et demi de cigarettes par jour et ne jamais avoir songé à cesser de fumer, en plus de prétendre, par exemple, qu’une étude par un médecin de Winnipeg avait montré que des bébés de petit poids [plus fréquents chez des femmes ayant fumé durant leur grossesse que chez des non fumeuses] avaient de meilleures chances de vivre, de vivre en santé, et de croître normalement.

Maintenant que le juge Riordan a levé la réserve originalement apposée sur le document à la suite d’objections des défendeurs en mars, une retranscription de l’interview de Paré est maintenant disponible comme pièce au dossier de la preuve (pièces appelées « exhibits », en latin et en anglais) sous le numéro 25.

Le procureur Bruce Johnston prendra le relais de son confrère Lespérance pour poursuivre aujourd’hui l’interrogatoire du témoin Kalhok.