lundi 8 avril 2013

133e jour - Des documents additionnels sur les manigances du CTMC

Le Conseil canadien des fabricants de produits du tabac ou Canadian Tobacco Manufacturers Council (CTMC) donnait aux pouvoirs publics et à la presse le point de vue de l'industrie; c'était le lobby des cigarettiers. C'était aussi, de façon plus générale, un lieu d'échanges entre eux concernant des matières ou des situations où les compagnies-membres (quatre au départ, trois après la fusion de Benson & Hedges et de Rothmans en 1986) avaient davantage d'intérêts à coopérer qu'à rivaliser.

On notera comment l'industrie avait choisi d'appeler son regroupement en français : Conseil canadien..., et non pas Conseil des fabricants canadiens..., comme si on n'avait pas osé entretenir d’ambiguïté sur ce qui était vraiment canadien là-dedans.

Il y avait au CTMC un conseil d'administration, formé des présidents des compagnies, et différents comités, où chaque compagnie-membre envoyait quelqu'un, généralement un cadre supérieur. Le CTMC avait aussi un personnel à lui.
 
Selon certains documents enregistres comme pièces au dossier l'été dernier, le CTMC a vu officiellement le jour en 1963. L'organisme a eu ses bureaux à Montréal, puis a migré à Ottawa. En 2001, les trois compagnies-membres ont décidé de laisser aller le personnel et de fermer boutique.

Les procureurs des recours collectifs ont accès depuis cet hiver aux abondantes archives du CTMC et aimeraient bien faire enregistrer dans le dossier de la preuve plusieurs documents qu'ils ont découvert récemment, en recourant le moins souvent possible aux procédures permises par les jugements du 2 mai 2012 et du 10 janvier 2013 de l'honorable Brian Riordan. L'idéal serait d'avoir un témoin de faits pour éclairer un peu le tribunal sur le contexte des divers documents. Cela ne court pas les rues.

Parmi la quarantaine de témoins au procès des cigarettiers depuis 13 mois, trois sont d'anciens employés du CTMC : William Neville, qui en fut le président de 1985 à 1997, Jacques LaRivière, qui en a supervisé les relations publiques, de 1979 à 1994, et Diane Takacs, qui fut l'assistante de ce dernier et a occupé diverses fonctions non stratégiques, avant de finir par être l'unique employée de l'organisme et la gardienne des archives restées à Ottawa. Elle avait également confirmé qu'il y en avait aussi un lot chez un cabinet juridique en Colombie-Britannique. Rien de tout ce qui était dans un entrepôt d'Ottawa n'avait été numérisé.

Me André Lespérance, Me Philippe Trudel et leurs coéquipiers de la partie demanderesse ont envisagé depuis octobre de faire venir un quatrième ancien employé de l'organisme, Jean Clavel, ou d'aller interroger chez lui, étant donné son âge avancé et sa mauvaise condition physique. Il y avait toujours un empêchement ou un contretemps, de la part du bonhomme ou des avocats des compagnies. Finalement, M. Clavel est mort le 23 mars dernier. M. Neville était mort dix jours plus tôt. Mme Takacs a donné tout ce qu'elle pouvait.

Et Jacques LaRivière ? Eh bien, il est revenu jeudi dernier. Jusqu'à un certain point, les avocats des deux parties et le public de la salle d'audience pourraient avoir l'impression que le témoin de 78 ans était joyeux d'être sorti de sa retraite ottavienne et de faire entendre sa belle voix radio-canadienne, même si c'est dans un palais de justice. M. LaRivière a avoué qu'il savait qu'il n'en aurait pas pour longtemps devant la barre des témoins, au vu de la relativement petite pile de documents qu'on lui avait envoyé.

Au sujet de correspondances vieilles de plus vingt ans, et parfois trente, ce serait faire offense à M. LaRivière de rapporter que sa mémoire était défaillante, et peut-être indélicat de dire qu'elle était sélective. Disons, d'une manière que ne dédaignerait pas le vétéran des relations publiques, qu'elle était capricieuse.

un des exemplaires du
bulletin de liaison du CTMC
qui a été versé en preuve
Entre autres, M. LaRivière pouvait se souvenir d'avoir écrit une certaine lettre pour le compte du président du CTMC, que celui-ci avait signé allègrement, mais le témoin du jour avait oublié complètement d'autres lettres instructives que lui-même avait signées et jusqu'au bulletin interne de nouvelles du CTMC, dont il avait l'ultime responsabilité éditoriale.

Me François Grondin, qui représente JTI-Macdonald, a eu plus de chance que Me André Lespérance pour faire parler l'ancien relationniste du CTMC, mais il n'a vraiment pas étiré le plaisir, et le témoin a été libéré avant l'heure du dîner.

Le tribunal n'a pas siégé durant l'après-midi. Les avocats ont été renvoyés à leurs études.

Une trentaine de nouveaux documents ont tout de même été versées dans le dossier de la preuve. Ces pièces ne sont pas encore ce matin accessibles dans la banque de documents des avocats des recours collectifs, mais nous reparlerons de certaines d'entre elles dans les prochaines semaines.

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C'est cette semaine que la défense des compagnies intimées dans ce procès, si elle ne veut pas faire perdre patience au juge Brian Riordan, va faire enfin connaître le calendrier de la comparution des témoins appelés à contribuer à la preuve en défense, laquelle devrait commencer en mai.