samedi 24 mai 2014

233e jour - Le procès des fumeurs devant la justice a avorté

(PCr)

Vendredi, devant le juge J. Brian Riordan de la Cour supérieure du Québec, Me Suzanne Côté a annoncé qu'Imperial Tobacco Canada renonçait à faire défiler des fumeurs et anciens fumeurs à la barre des témoins, et cela en conséquence du jugement de la Cour d'appel du Québec de la semaine dernière, lequel a refusé à la défense de la compagnie la permission d'obliger ces personnes à apporter leur dossier médical. (Le tribunal d'appel n'a cependant pas interdit aux compagnies de faire comparaître des fumeurs membres des recours collectifs pour les interroger.)

Il n'y aura pas non plus de convocation au tribunal de Cécilia Létourneau et de quelqu'un pour parler au nom de feu Jean-Yves Blais.

(Mme Létourneau est la représentante du collectif des personnes devenues dépendantes de la nicotine du tabac qui réclament des dédommagements compensatoires et punitifs aux trois principaux cigarettiers du marché canadien. M. Blais était le représentant des personnes atteintes d'un cancer ou d'emphysème et il est décédé à l'été 2012 avant de voir la fin d'une saga judiciaire inaugurée en 1998. Les dossiers médicaux de M. Blais et de Mme Létourneau sont déjà connus de la défense de l'industrie. Au surplus, les deux ont déjà été interrogés par la défense des cigarettiers, mais avant le procès.)

La conséquence pratique et fondamentale de la décision d'Imperial, c'est que personne n'aura à subir devant le tribunal de Brian Riordan un interrogatoire qui aurait pu être une nouvelle tentative de l'industrie du tabac de rejeter sur les fumeurs eux-mêmes le blâme pour une dépendance au tabac, un cancer ou de l'emphysème. Le procès des fumeurs a bel et bien avorté.

Bien entendu, l'argument que les fumeurs méritent leur mauvais sort, parce que « tout le monde savait » que le tabagisme est néfaste pour la santé, a été partie intégrante du système de défense des compagnies de tabac depuis le début du procès en mars 2012, mais il est possible que même Imperial ait fini par se convaincre qu'il n'y avait pas grand profit à tirer à confronter publiquement des fumeurs devant le juge Riordan. Me Côté n'a pas dit pourquoi sa cliente s'est ravisée.

Un certain soulagement et des sourires se lisaient sur des visages dans les deux camps. Seul le juge Riordan avait la tête de quelqu'un qui est pressé de parler de l'avenir pour dissimuler une envie de demander pourquoi Imperial a entretenu si longtemps un suspense et fait perdre du temps à tout le monde.

Rappelons que les avocats d'Imperial, mal à l'aise, ont continuellement dit ces derniers mois que la compagnie n'excluait pas d'interroger des fumeurs et anciens fumeurs, même sans dossiers médicaux.

*

Le juge et les parties ont consacré plus de trois quarts d'heure à examiner le déroulement des activités au cours des prochains mois. C'était déjà ce qui devait être fait mercredi, mais l'audition de mercredi avait été annulée tard dans la journée de mardi.

Désormais, le procès dont vous suivez ici les péripéties depuis mars 2012 semble bien devoir se terminer avant Noël 2014, comme le juge Riordan l'avait souhaité expressément la semaine dernière.

Le mois de juin ne verra probablement pas autre chose que le versement en preuve de quelques affidavits. Il y aura forcément une journée d'audition pour que les avocats des cigarettiers annoncent qu'ils ont terminé de faire leur preuve en défense. Mais peut-être pas davantage qu'une journée ou deux d'auditions.

Les parties vont maintenant rédiger leur argumentation écrite et prononceront leur plaidoirie à partir de septembre.


Ordonnance de non publication et de non divulgation

Ce que votre serviteur a pu apprendre de nouveau vendredi sur la comptabilité créative de Japan Tobacco International ne pourra pas être étalé devant le grand public, jusqu'à nouvel ordre par le tribunal.

Le procureur des recours collectifs Gordon Kugler a interrogé Michel Poirier, le grand patron de JTI-Macdonald depuis janvier 2000, et cet interrogatoire a été suivi d'un contre-interrogatoire par le défendeur de JTI-Macdonald Guy Pratte.

Hélas, le témoignage oral de M. Poirier de même que les documents versés en preuve sont frappés d'une ordonnance de non publication et de non divulgation que les parties se sont entendues pour proposer au juge. Le juge Riordan a satisfait les parties avant de faire entrer le témoin.

Zut.

Encore une fois, c'est cependant l'occasion d'observer une différence d'approche entre JTI-Mac et Imperial dans le présent procès. Moins cool, la défense d'Imperial a déjà demandé à un Brian Riordan réticent un huis clos et rien de moins, pour que la concurrence ne voit pas en 2012 le détail de plans de marketing de ...1982.