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Au procès intenté contre les trois principaux cigarettiers canadiens par des fumeurs ou anciens fumeurs qui leur reprochent notamment leurs cachotteries et discours trompeurs, le témoignage de Michael Dixon, qui s'est terminé le jeudi 19 septembre dernier, a permis d'illustrer à quel point les thèses défendues devant la justice par certains experts de l'industrie du tabac, à force d'être recyclées dans plusieurs procès, retardent parfois, non seulement par rapport au consensus des scientifiques indépendants, mais par rapport aux admissions de dirigeants de cette industrie.
L'ancien chercheur de British American Tobacco (BAT) en Angleterre et expert en physiologie respiratoire mandaté par la défense d'Imperial Tobacco Canada (ITCL) a soutenu que les cigarettes à basse teneur en goudron avaient permis une réduction du risque d'être atteint par une des maladies associées au tabagisme, en particulier le cancer du poumon. M. Dixon a même avancé qu'une trentaine d'études épidémiologiques le montraient.
Le procureur des recours collectifs Bruce W. Johnston a profité du contre-interrogatoire de l'expert pour étaler la contradiction entre ce dernier et l'actuelle présidente et chef de la direction d'ITCL, Marie Polet.
Marie Polet, la patronne actuelle d'Imperial Tobacco Canada |
Me Bruce Johnston: ... Sur la question particulière de savoir si des cigarettes à basse teneur en goudron sont plus sûres (pour la santé que les autres cigarettes), qui la Cour devrait-elle croire: vous ou madame Polet ?
Michael Dixon: Ce n'est pas à moi de répondre à cela. ... C'est à monsieur le juge de répondre à la question.
(traduction de l'auteur du blogue)
Il faut peut-être faire mention d'une qualité remarquable de Michael Dixon comme témoin: jamais il n'a paru près de perdre son calme.L'art de choisir ses sources
Dès avant cet échange, l'ensemble du contre-interrogatoire, mené successivement par Me Pierre Boivin et par Me Johnston, avait peut-être préparé le terrain pour que le juge Riordan, quand il rédigera son jugement final, n'ait pas de difficulté excessive à trancher entre la version Dixon et la version Polet.
Plus tôt, Me Boivin avait fait reconnaître par le témoin-expert le sérieux de plusieurs chercheurs dont les études n'ont pas eu l'honneur d'aboutir dans les références de son rapport d'expertise de janvier 2011 (pièce 20256.1), comme si leur conclusion sur l'absence d'effet bénéfique des cigarettes à basse teneur en goudron ne faisait pas l'affaire (voir les études parues en 2005 et en 2004, contenues dans les pièces 1592 et 1593)
M. Dixon semble avoir plus volontiers consulté des articles (exemple de la pièce 1599) signés par le statisticien de formation Peter N. Lee, un consultant dont British American Tobacco a été un client très régulier (voir la pièce 1598r qui montre que BAT a financé une centaine d'études du bonhomme). Lee a excellé à manier le déni savant, quand il s'agissait entre autres de contrer les prises de position de l'Organisation mondiale de la santé, concernant notamment la nocivité de la fumée secondaire.
Me Johnston a aussi jeté sous les yeux du témoin-expert et du juge des documents qui montrent la différence remarquable entre les vues exprimées par Peter Lee en privé, y compris à son admirateur Michael Dixon, et celles qu'ils exprimaient publiquement. (pièces 1273 et 15C)
(Le tribunal s'est aussi vu rappeler qu'au printemps 2012, le nom de Peter Lee était apparu dans une liste de lectures rassurantes que l'ancien chef des affaires publiques d'Imperial Michel Descôteaux avait suggérées à une personne préoccupée par les méfaits sanitaires du tabagisme.)
Un excès d'aplomb ?
Lors d'un complément d'interrogatoire principal par l'avocate d'Imperial Tobacco Deborah Glendinning, le témoin Michael Dixon a pu s'en prendre de nouveau à la méthodologie de diverses recherches aux conclusions déplaisantes pour son client. Il a fait cela sans prendre le ton indigné qu'ont eu d'autres experts de la défense qu'on a vu témoigner devant le juge Riordan.
Il est également possible qu'il ait été un peu trop sûr de lui.
Me Glendinning a cité un texte de l'Association pour les droits des non-fumeurs où il était fait mention que l'Enquête de surveillance de l'usage du tabac au Canada (ESUTC-CTUMS) de Santé Canada en 2001 rapportait le fait suivant : 16,7 % des fumeurs considéraient alors les cigarettes « douces » et « légères » comme moins nocives pour la santé.
L'avocate a ensuite demandé à son expert s'il estimait qu'un tel pourcentage représente un nombre substantiel et Michael Dixon a répondu: « Non, certainement pas. 16 % n'est pas un nombre substantiel ».
L'ahurissement s'est lu sur plus d'un visage. 16,7% des fumeurs canadiens, cela fait des millions de personnes...
Avant de donner son congé au témoin-expert en « compensation », le juge Riordan l'a brièvement interrogé.
Michael Dixon a reconnu facilement que même avec une compensation qui ne serait pas totale, et donc une diminution de leur exposition aux substances toxiques contenues dans la fumée du tabac, les fumeurs de cigarettes à basse teneur en goudron n'éliminent certainement pas le risque du tabagisme pour leur santé.
***
Le procès reprend le lundi 7 octobre. Un ancien as du marketing d'Imperial Tobacco, Anthony Kalhok, fera de nouveau une apparition devant la Cour. Ce sera maintenant comme témoin de la défense.
D'ici cette reprise de l'instruction, une édition spéciale de ce blogue portera sur les autres procès du tabac qui ont lieu à Montréal.
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