mercredi 18 juin 2014

Faire de la santé un objectif majeur des poursuites gouvernementales

(PCr)
Si on parle des procès du tabac au pluriel, c'est qu'il y en a plusieurs.

Alors que deux collectifs québécois de victimes du tabagisme verront d'ici la fin de l'année 2014 la fin de leur action judiciaire lancée en 1998 contre les trois principaux cigarettiers du marché canadien, des gouvernements provinciaux du Canada, qui ont aussi intenté des poursuites en justice contre le même trio de compagnies de tabac (ainsi que contre leurs maisons-mères au fil des dernières décennies), semblent bien moins avancés, même si c'est avant 1998 que l'une de ces provinces, la Colombie-Britannique, a commencé sa démarche en vue de recouvrer le coût des soins de santé attribuables au tabagisme depuis l'entrée en vigueur de l'assurance-maladie publique.

Pour les personnes attachées aux idées de santé publique et de prévention, cette entreprise des gouvernements canadiens ne doit cependant pas être seulement une affaire de gros sous. Cette semaine, elles ont écrit aux ministres de la Justice et de la Santé des provinces pour exprimer leurs raisons d'appuyer les poursuites, de même que leurs soucis et leurs espérances.

Ci-dessous le riche communiqué émis hier sur le fil de presse.

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TORONTO, le 17 juin 2014 /CNW/ - Plus de 130 éminents Canadiens, dont des dirigeants d'associations professionnelles et d'agences spécialisées en santé publique ainsi que des doyens de facultés de santé et des professeurs de droit, ont diffusé aujourd'hui une lettre incitant les gouvernements provinciaux et territoriaux à considérer le rehaussement des mesures de santé comme des objectifs essentiels des poursuites intentées contre l'industrie du tabac pour le recouvrement des coûts en soins qui leur sont imputés.


« Toutes les provinces ont adopté des lois facilitant les poursuites contre les fabricants canadiens et leurs sociétés mères internationales », affirme Garfield Mahood, président de la Campagne pour obtenir justice face à la fraude du tabac. « Les gouvernements veulent recouvrer le coût des traitements découlant de cinq décennies de conspiration et de fraude de la part de l'industrie. Selon eux, cette dernière aurait menti quant aux problèmes liés au tabac tels que la dépendance, la fumée secondaire et la vente aux jeunes. Si ces allégations se voient corroborées en cour, cela constituerait la fraude la plus importante de l'histoire économique du Canada, et sans nul doute la plus néfaste de l'histoire de la santé publique au pays. Compte tenu des agissements de cette industrie délinquante, nous posons la question aux procureurs généraux et aux ministres de la Santé : "la santé publique sera-t-elle un objectif prioritaire de vos poursuites?" »
« Neuf provinces ont jusqu'ici déposé des demandes de recouvrement de plus de 110 milliards de dollars », ajouteRichard Schabas, ancien médecin hygiéniste en chef de l'Ontario. « Mais ces pertes financières, bien que massives, sont éclipsées par la dévastation que les comportements abusifs de cette industrie prédatrice ont engendrée sur la santé publique. »
« En nous appuyant sur le rapport du directeur du Service de santé publique des États-Unis en 2014, nous estimons que les fabricants de cigarettes ont causé, en tout ou en partie, deux millions de décès prématurés au Canada de 1964 à 2014 », précise Mary Jane Ashley, professeure émérite en santé publique à l'Université de Toronto.
« Ces poursuites doivent viser bien plus que de l'argent », dit l'avocat Rob Cunningham, analyste principal des politiques à la Société canadienne du cancer. « Nous applaudissons ces poursuites, mais désirons que les procureurs généraux et les ministres de la Santé concernés fassent de la justice et de la santé publique les enjeux les plus importants de leur revendication. »
« Les poursuites concernent les instances de santé », affirme Fernand Turcotte, professeur émérite en santé publique à l'Université Laval. « Les produits du tabac causent 30 % des décès par cancer, 30 % des décès par maladies du cœur et plus de 80 % des décès par obstruction respiratoire chronique. Pendant que la fraude présumée avait lieu, les gouvernements ont dépensé des millions en services de santé dispensés aux victimes du tabac, et elles ont intérêt à ce que les poursuites entraînent d'importantes réformes de l'industrie ainsi que d'autres retombées pour la santé. »
« La Campagne pour obtenir justice face à la fraude du tabac a été mise sur pied en réaction aux irresponsables ententes à l'amiable que le gouvernement fédéral a négociées avec les géants du tabac en 2008 et en 2010 », explique Robert Solomon, éminent professeur de droit à l'Université Western. « Dans le cadre de ces ententes, aucune considération ne semble avoir été accordée aux mesures de santé qui auraient combattu les maladies causées par la contrebande. 
« Contrairement aux ententes conclues aux États-Unis, où les fabricants ont comparu en cour, les enquêtes criminelles et les poursuites au civil n'ont abouti au Canada qu'à des ententes ne remboursant qu'une mince fraction des sommes réclamées, sans publication des documents corporatifs ni aucune mesure incitant les fabricants à amender leurs agissements », continue le professeur Solomon. « Et les dirigeants accusés au criminel ont ainsi échappé à la prison. Le but de la Campagne pour obtenir justice face à la fraude du tabac est d'éviter que ce genre d'entente ne survienne de nouveau dans le cadre des poursuites visant le recouvrement des coûts en soins de santé attribuables aux produits du tabac. »
« Les provinces et les territoires doivent établir un fonds public de fiducie pour combattre l'épidémie que l'industrie a créée », affirme Michael Perley, directeur de l'Ontario Campaign for Action on Tobacco. « Nous voulons que ce fonds d'intérêt public indépendant des gouvernements recueille les sommes perçues lors des procès ou des ententes afin de mettre sur pied les campagnes antitabac percutantes que les élus pourraient s'avérer hésitants à lancer. »
« Nous croyons que les procureurs généraux du pays doivent considérer comme crucial de rendre publics les documents internes de l'industrie, ce qui n'a pas eu lieu lors des ententes relatives à la contrebande », renchérit Flory Doucas, codirectrice de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. « Les intervenants en santé du monde entier considèrent la révélation aux États-Unis de 40 millions de pages de tels documents comme l'un des grands succès du dernier siècle au niveau du contrôle du tabac. Pour les gouvernements, ce genre de publication doit être une exigence non négociable. »
« Nous nous soucions également de l'ampleur des ressources que les gouvernements ont affectées à confronter le nombre élevé d'avocats chevronnés du secteur privé que l'industrie a recrutés pour tenir tête aux provinces », reprendGarfield Mahood. « Comme des avocats d'expérience nous l'ont dit à maintes reprises, les gouvernements ne feront de véritables gains dans ces poursuites que s'ils se montrent aussi tenaces que leurs équivalents américains, et que si chaque procureur général défend cette cause en traînant l'industrie en cour. »
« Dans le but d'affaiblir le soutien du public pour ces poursuites, l'industrie a mis sur pied une campagne de relations publiques présentant les gouvernements comme ses "principaux partenaires" au fil des 50 ans qu'a duré la fraude présumée », conclut Robert Evans, professeur Killam en économie à l'Université de la Colombie-Britannique. « Les gouvernements ont peut-être adopté des mesures trop faibles pour combattre l'épidémie, et même peut-être fait preuve de négligence. Mais ils n'ont jamais été les "partenaires" de l'industrie en termes de fraude ni de conspiration. »
(La lettre aux procureurs généraux et aux ministres de la Santé se trouve dans le dossier de la Campagne pour obtenir justice face à la fraude du tabac)

SOURCE: Campagne pour obtenir justice face à la fraude du tabac
 Renseignements : Garfield Mahood, 416 451-4285, 416 972-0707, gmahood@justiceontobaccofraud.ca; Rob Cunningham, 613 565-2522, poste 4981, rcunning@cancer.ca; Flory Doucas, 514 598-5533, fdoucas@cqct.qc.ca; Fernand Turcotte, jusqu'au 16 juin - 514 389-1240, À partir de 18h le 17 juin - 418 364-7395,Fernand.Turcotte@msp.ulaval.ca; Michael Perley, 416 340-2992, michael_perley@oma.org