mardi 5 novembre 2013

179e jour - Un chimiste de Macdonald Tobacco soumis à un barrage de questions

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces au dossier de la preuve, voyez les instructions à la fin du présent message.

(SGa)
Lundi, au procès en responsabilité civile des trois principaux cigarettiers, le témoin Raymond Howie n'a pas chômé. Il a dû répondre à des centaines de questions provenant autant de la défense que de la poursuite.

Rappelons que Raymond Howie, qui est chimiste de formation, a commencé à travailler dans l'industrie du tabac en 1967, au Royaume-Uni. Il est entré en 1974 chez le cigarettier RJR-Macdonald, à Montréal, comme gérant des services d'analyse (chimique). En 1989, M. Howie est devenu chef du département de la recherche et du développement chez RJR-Macdonald. Neuf ans plus tard, en 1998, il est promu chef de la recherche à la maison-mère de RJR-Macdonald, RJR Tobacco International, à Genève. Il a pris sa retraite en 2001, à 54 ans.

Il s'agissait de sa cinquième comparution devant le tribunal. Il avait déjà été appelé à témoigner lors de la 59e journée, 60e, 61e et 62e. Lors de ses audiences, M. Howie avait beaucoup été questionné sur les recherches qu'ils faisaient ou dirigeaient dans les labos du cigarettier. On lui avait aussi demandé de commenter les résultats de certaines études.

M. Howie a été invité à nouveau à comparaître lors de cette 179e journée pour qu'il poursuive son témoignage et qu'il fasse part au tribunal de certains nouveaux faits. Parmi ces faits nouveaux, en voici un croustillant. Allons à la source.


L'impact des petits trous

En 1983, une étude réalisée à la maison-mère RJR de Caroline du Nord montrait que les petits trous que RJR-Macdonald fait dans certaines de ses cigarettes vendues au Canada étaient en bonne partie bouchés par les lèvres des fumeurs, ce qui diminuait alors la dilution de la fumée et augmentait l'inhalation de goudron et de nicotine au-delà de ce qui est indiqué sur les paquets. Cette étude mentionnait qu'environ 75% des perforations étaient obstruées par les lèvres des fumeurs. Chez RJR-Mac, on décida de ne rien faire, à moins que la question vienne un jour sur le tapis, auquel cas la compagnie canadienne plaiderait l'ignorance.

Or, lors de la 61e journée d'audience, M. Howie avait prétendu que cette étude souffrait de graves lacunes méthodologiques. Il concluait alors que c'était seulement entre 40 et 50 % des perforations qui étaient bouchées, pas 75 %. Hier, M. Howie a encore revu à la baisse le pourcentage des perforations bouchées par les lèvres des fumeurs. Il parle maintenant de 5 à 10% !


De la recherche, quelle recherche?

En matinée de cette journée d'audience, M. Howie a beaucoup été questionné par l'avocat de JTI-Macdonald, Me Kevin LaRoche, sur la recherche qui s'effectuait chez RJR-Macdonald. S'il faut en croire ses réponses, son employeur s'intéressait peu aux comportements des fumeurs et aux mécanismes qui permettent d'accroître leur dépendance à la cigarette.

Ainsi, son employeur n'aurait jamais fait de recherche pour savoir ce qui motive les gens à commencer à fumer. Pas de recherche non plus pour savoir quelles sont les motivations des fumeurs à vouloir à mettre fin à cette habitude.

Autre chose plutôt surprenante. À la question: Y a-t-il déjà eu des recherches visant à développer une cigarette permettant de délivrer une plus grande quantité de nicotine aux fumeurs, M. Howie a répondu non. Selon lui, son employeur n'a pas cherché non plus à savoir quelle quantité de nicotine était absorbée par les fumeurs. Pourtant, une étude, réalisée par Santé Canada, présentée hier, affirmait que le niveau de nicotine présent dans le tabac des cigarettes avait augmenté de 53% entre 1968 et 1995. Cette hausse importante serait-elle survenue par magie?

La même étude révélait également que la quantité de tabac servant à la fabrication des cigarettes avait diminué de 14 % durant la même période. Selon M. Howie, cela serait dû à une combinaison de facteurs: meilleure méthode de remplissage des cigarettes, réduction de leur circonférence et de leur longueur. Avec cette réduction de tabac dans chaque cigarette et l'augmentation en parallèle de la nicotine, il semble que RJR-Macdonald savait comment réduire ses coûts tout en accroissant la dépendance des fumeurs à ses produits.


Une dépendance? Quelle dépendance?

Cette question de la dépendance à la cigarette est d'ailleurs venue sur le tapis lors de l'audience. Bien que la dépendance à la cigarette soit établie scientifiquement depuis des années, M. Howie nie qu'il y en ait une! Selon le chimiste, les statistiques sont là pour le démontrer. Dans les années 1960, environ 60% de la population fumait. Trente plus tard, dans les années 1990, ce pourcentage avait chuté à 18%. Un grand nombre de ces gens ont cessé de fumer sans difficultés, affirme M. Howie qui s'inclut dans cette catégorie, lui qui a cessé de fumer il y a huit ans.


Un contre-interrogatoire serré

En après-midi, l'avocat de la poursuite, André Lespérance, a soumis M. Howie à un interrogatoire serré. Parmi ses questions, l'avocat a voulu savoir si le tabagisme représentait un risque de maladies. Dans sa réponse, M. Howie a fait preuve d'une grande prudence et d'un flou artistique. Il a mentionné que des études épidémiologiques faites à grande échelle montrent qu'il y a des probabilités que le tabagisme soit la cause de maladies mais il n'a pas voulu préciser si ce risque était faible, moyen ou élevé. « Cela dépend de ce qu'on entend par risques faibles, moyens ou élevés », a-t-il dit. M. Howie a aussi ajouté qu'à sa connaissance, RJR-Macdonald n'a jamais tenté de savoir combien de gens développaient des maladies associées à l'exposition de la fumée de tabac.

Un peu plus tard, maître Lespérance a posé plusieurs questions sur les additifs ajoutés au tabac lors du processus de fabrication des cigarettes. Entre autres choses, il a voulu savoir, document à l'appui, pourquoi RJR avait caché au public la présence de fréon dans le tabac. Dans ce document il est dit: « si on accepte la position selon laquelle le fréon n'est pas un additif mais plutôt un résidu présent à un niveau extrêmement faible, je crois qu'il est préférable de ne pas en parler du tout » (traduction libre).

M. Howie a minimisé cet apparent camouflage. Sa réponse semble démontrer cependant que le fréon était bel et bien un additif. Selon lui, on l'utilisait pour accroître la densité du tabac dans les cigarettes. « Le produit est toutefois sans aucun danger puisqu'il est très volatil et n'apparaît même pas dans la fumée de cigarette », a-t-il dit (traduction libre).

Les questions de maître Lespérance ont porté aussi sur d'autres additifs. Par exemple, le sorbitol et la glycérine. Selon une étude, ces produits étaient suspectés de dégager des agents toxiques lors de la combustion du tabac. M. Howie a réfuté cette affirmation. « Ces deux agents chimiques étaient inoffensifs puisqu'ils était ajoutés à de très faibles quantités dans le tabac », a-t-il dit (traduction libre).

La formation de benzopyrène, un produit cancérigène, lors de la combustion du sorbitol, n'inquiète pas non plus outre mesure M. Howie. « Le toxicologue Suber a déjà mentionné que l'usage de sorbitol n'entraînait aucun effet indésirable sur la santé des fumeurs », dit-il (traduction libre).

Quand on sait que 4 000 sous-produits identifiés résultent de la combustion du tabac, il doit bien y en avoir quelques uns qui sont toxiques.

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Lors de la comparution du témoin Steve Chapman en octobre, il avait été question du séchage des feuilles de tabac directement avec les gaz d'échappement de moteurs à combustion.

Mais combustion de quoi ? Réponse : combustion de gaz propane. Ce petit complément d'information provient de ce que le sujet a de nouveau été abordé, vers la fin du contre-interrogatoire de Raymond Howie par les recours collectifs.

M. Howie devait comparaître devant le tribunal durant deux jours. Tout a été bouclé en une journée.


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Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès en recours collectifs contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm


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