samedi 19 décembre 2015

Front législatif et front judiciaire: courte mise à jour avant Noël

VERS UNE UNIFORMISATION DE L'EMBALLAGE AU QUÉBEC

campanile de l'Hôtel du Parlement à Québec
L'événement pourrait être passé inaperçu auprès des lecteurs de ce blogue qui vivent loin du Canada, mais il se trouve que l'Assemblée nationale du Québec a, le 25 novembre dernier, adopté à l'unanimité la version finale d'une loi qui vise à renforcer la lutte contre le tabagisme. La contresignature du représentant de la Reine du Canada au Parlement du Québec est survenue le même jour. (texte intégral de la loi).

Pour les organisations pro-santé publique, c'est une manière de repas du Temps des fêtes à québécoise.

Commençons par les amuse-gueule.

La Loi concernant la lutte contre le tabagisme, qui remplace maintenant la Loi sur le tabac de 2005 (qui était elle-même une refonte de la Loi sur le tabac de 1998), interdira désormais de fumer dans un véhicule automobile où est présent un mineur de moins de 16 ans, dans les aires extérieures de jeu destinées aux enfants, sur les terrains des camps de vacances et patinoires fréquentés par des mineurs, ainsi que sur les terrasses des lieux publics comme les restaurants.

La nouvelle loi assimile la cigarette électronique à un produit du tabac pour faciliter l'application des interdictions de fumer. Cependant, l'exploitant d'un point de vente de cigarettes électroniques pourra les exposer à la vue du public, en autant qu'elles ne soient pas visibles de l'extérieur dudit point de vente.

Précisons pour le lecteur de l'extérieur du Canada que l'interdiction de fumer à bord de véhicules privés où un mineur prend place figurait déjà dans de nombreuses législations de provinces canadiennes. D'autre part, la loi québécoise de 2005 et les lois en vigueur dans les neuf autres provinces du Canada obligeaient déjà, depuis la fin des années 2000, les détaillants à soustraire de la vue du public dans les points de vente les emballages de produits du tabac. Quant à l'intervention des gouvernements provinciaux dans la réglementation de la cigarette électronique, qui est beaucoup plus récente, elle a été rendu nécessaire par l'inaction du gouvernement conservateur de Stephen Harper à Ottawa. (Lors des élections générales d'octobre dernier, le Parti conservateur au pouvoir depuis février 2006 a été renvoyé dans l'opposition, ce qui pourrait changer la donne.)

Et voici le plat de résistance et l'accompagnement, tels qu'on peut les voir en préambule de la nouvelle loi québécoise.

La loi resserre les normes applicables au commerce du tabac, entre autres en interdisant la vente au détail ou la distribution de produits du tabac comportant une saveur ou un arôme autres que ceux du tabac, en interdisant aux adultes d’acheter du tabac pour les mineurs et en interdisant à un fabricant ou à un distributeur de produits du tabac d’offrir à l’exploitant d’un point de vente de tabac des ristournes liées à la vente d’un produit du tabac.
 Et le dessert:
La loi prévoit des normes relatives à l’emballage des produits du tabac en lien avec la mise en garde qui doit y figurer, notamment en imposant une superficie minimale et en exigeant une quantité maximale de produits du tabac dans l’emballage.

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LA COURONNE PASSERA AVANT LES AUTRES CRÉANCIERS

Notre édition du 3 novembre 2015 rapportait la tenue la veille d'une audition devant la Cour supérieure de l'Ontario au sujet de la validité d'une entente à l'amiable survenue entre Rothmans, Benson & Hedges et Imperial Tobacco Canada, d'une part, et d'autre part le liquidateur d'une société d'assurance, la Reliance Insurance Company.

Cour supérieure de l'Ontario
Il est temps de mettre fin au suspense et de raconter ce que le juge ontarien a décidé.

Dans une décision rendue le 2 décembre dernier, l'honorable Frank Newbould a donné raison aux procureurs des gouvernements provinciaux canadiens et a refusé d'avaliser l'entente.

Le juge Newbould estime que le liquidateur de la compagnie en faillite ne peut pas frustrer les pouvoirs publics de montants d'argent qui pourraient leur être dus et régler à rabais des créances de la compagnie d'assurance vis-à-vis des compagnies de tabac. Lors une faillite au Canada, la Couronne est la première à être servie et le juge n'a pas trouvé une exception qui s'appliquait au cas qui lui était soumis.

Dans cette histoire, les personnes malades que la Cour supérieure du Québec a reconnu en juin dernier victimes de longue date des pratiques commerciales des cigarettiers canadiens ne gagnent rien hormis une petite satisfaction: celle de savoir que les dollars qui traînent dans les fonds de tiroir des compagnies en faillite doivent aller aux pouvoirs publics, pour financer notamment les soins de santé des malades du tabac, au lieu d'aller aux actionnaires des compagnies de tabac, sous forme de bénéfices inattendus de l'année 2015.

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CANBERRA GAGNE UNE AUTRE MANCHE CONTRE L'INDUSTRIE

Nicola Roxon, ancienne ministre australienne de la Santé, montrant les paquets de cigarettes de son pays.
L'ancienne ministre australienne de
la Santé en visite à Québec en 2013.
(photo Le Devoir)
En Australie, il y a maintenant trois ans que les produits du tabac doivent obligatoirement être vendus dans des emballages neutres et uniformes. Dans sa première année, la législation du Parlement de l'Australie a survécu à sa contestation devant les tribunaux du pays. La contestation de l'industrie multinationale du tabac se poursuivait néanmoins devant des instances internationales en charge de faire respecter les traités internationaux de commerce.

Or, sur ce front-là aussi, l'industrie n'arrive pas à convaincre de la valeur de ses arguments, et la santé publique prévaut contre l'argument fallacieux de la liberté du commerce, comme le rapportait récemment le Guardian de Londres.