jeudi 29 octobre 2015

La Cour d'appel du Québec force deux cigarettiers à mettre 984 millions $C de côté en attendant l'audition de l'appel sur le fond du jugement Riordan

édition révisée et augmentée

Dans un arrêt rendu public mardi, l'honorable Mark Schrager de la Cour d'appel du Québec a ordonné à Imperial Tobacco Canada (ITCL) et à Rothmans, Benson & Hedges (RBH) de déposer un total de 984 millions $C en garantie dans des comptes en banque en prévision d'un jugement en appel qui pourrait leur être défavorable dans la longue et célèbre affaire qui les a opposées devant la Cour supérieure du Québec à deux groupes de fumeurs victimes des pratiques de l'industrie du tabac. ITCL doit donc maintenant réunir une somme de 758 millions $C d'ici juin 2017 et RBH a jusqu'à mars 2017 pour réunir 226 millions $C.

La Cour d'appel du Québec n'a pas encore entendu l'appel au mérite sur le jugement de l'honorable J. Brian Riordan de la Cour supérieure du Québec rendu public le 1er juin dernier.

Par contre, le 23 juillet, la Cour d'appel avait invalidé la partie du jugement Riordan qui prévoyait un versement dès l'été dernier d'une première tranche de 1131 millions $C aux victimes de l'industrie du tabac, sans attendre l'issue de l'appel sur le fond de l'affaire.

Devant cet arrêt du 23 juillet, les avocats des recours collectifs de fumeurs ont aussitôt demandé à la Cour d'appel d'intervenir quand même pour sauvegarder la somme prévue, parce qu'ils craignaient que les cigarettiers expédient tous leurs profits à leurs maisons-mères à l'extérieur du Canada et se déclarent insolvables le jour où elles auront épuisé tous les recours et perdu leur cause.

À cette demande, plaidée devant le juge Schrager le 6 octobre dernier, de forcer les compagnies à mettre fin à leur stratagème comptable connu du grand public, le tribunal d'appel vient donc d'acquiescer. Le juge Schrager trouve malhonnête ou de mauvaise foi l'exportation de profits dans la situation où se trouvent les compagnies condamnées. Les compagnies pourront facilement reprendre leur butin si elles ont finalement gain de cause.

984 millions, c'est exactement la part des 1131 millions de dommages envisagés par le juge Riordan qui devait être payée par ITCL et RBH en exécution provisoire, qu'elles perdent ou gagnent leur cause au final, en attendant de devoir payer des dommages totaux de plusieurs milliards si la condamnation est maintenue au terme de tous les appels possibles.

Mais qu'advient-il du troisième larron de la cigarette au Canada qu'est Japan Tobacco International - Macdonald ?

S'il y a une compagnie de tabac qui est familière avec les manipulations comptables profitables à l'actionnaire à l'étranger au détriment du fisc et des justiciables au Canada, c'est bien JTI-Macdonald. L'arrêt prononcé par le juge Schrager ne s'applique pourtant pas à elle, parce que les recours collectifs n'ont pas plaidé devant lui l'application d'une mesure identique à celle réclamée contre l'exportation de profits d'ITCL et de RBH.

Il semble que la compagnie ait été dans l'incapacité de se défendre le 6 octobre dernier, pour des raisons médicales. Notre consoeur blogueuse Cynthia Callard, présente dans la salle d'audience ce jour-là, a bien noté la présence de quelques uns des avocats habituels de JTI-Macdonald, mais ils sont restés coi, dans l'assistance.

Le mystère demeure quant à ce qui se passe. Chose certaine, JTI-Macdonald a toujours, comme les autres compagnies concernées par le jugement Riordan, une lourde condamnation suspendue au-dessus de sa tête. JTI-Macdonald a gagné du temps, mais on ne sait pas combien de temps de plus que les deux autres compagnies.


Première semaine de novembre 2015 chargée

Dans son jugement rendu public le 1er juin dernier, l'honorable J. Brian Riordan avait annoncé qu'il comptait réunir à nouveau les parties (dans un futur indéterminé) pour fixer les modalités précises du versement des dommages compensatoires et punitifs qu'il a décidé d'imposer aux cigarettiers.

L'automne dernier, peu de temps avant la fin des auditions, le juge Riordan s'était aussi fait soumettre par les avocats des recours collectifs une requête pour faire déclarer que les compagnies de tabac ont abusé de la procédure depuis 1998 (date du tout début des recours de victimes des pratiques commerciales desdites compagnies). Le débat sur l'abus de procédure n'a pas encore eu lieu, lui non plus.

Cependant, le « procès du jugement Riordan » est commencé depuis cet été devant la Cour d'appel du Québec, et le jeudi 5 novembre prochain, ce tribunal d'appel entendra une requête de Me Simon V. Potter, qui a été le procureur principal de RBH devant le juge Riordan, pour que ledit Riordan soit empêché légalement de prendre d'autres décisions sur l'affaire qui l'a occupé depuis tant années, jusqu'à ce que les appels sur le fond du jugement aient été entendus et jugés.

Dans sa dernière édition du blogue Eye on the trials, notre consoeur Cynthia Callard signale que c'est aussi durant la première semaine de novembre que les avocats des recours collectifs vont aller devant un tribunal à Toronto pour s'opposer à un règlement à l'amiable entre Imperial Tobacco Canada et RBH, d'une part, et d'autre part une compagnie d'assurances qui avait un vieux contentieux avec ces compagnies, la Reliance Insurance Company.

Les lecteurs assidus du blogue Lumière sur les procès du tabac savent que le public était généralement clairsemé dans la salle d'audience lors du procès présidé par Brian Riordan. Ils se souviennent peut-être aussi qu'hormis les deux blogueurs, la personne qui a le plus assidûment assisté aux interrogatoires, contre-interrogatoires et plaidoiries était une avocate extrêmement discrète, dont les relations ne sont (hélas pour nous) jamais parues sur Internet, ce qui ne veut pas dire qu'elles étaient sans lecteur.  :-)  La Reliance Insurance Company est peut-être simplement un des fournisseurs les mieux renseignés d'Imperial Tobacco Canada, un cigarettier qui a prétendu l'été dernier devant la Cour d'appel ne pas pouvoir payer les pots cassés du côté des fumeurs sans faire faillite...