jeudi 7 novembre 2013

181e jour - L'employé qui disait bravo à son patron pour sa performance devant des députés au Congrès

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces au dossier de la preuve, voyez les instructions à la fin du présent message.

(PCr)
Le 15 avril 1994, le témoin du jour au procès des cigarettiers canadiens devant la Cour supérieure du Québec, l'actuel conseiller scientifique en chef de R. J. Reynolds Tobacco, le chimiste de formation Jeff Gentry, qui n'était alors qu'un cadre subalterne dans l'entreprise, a envoyé une courte lettre de félicitation (pièce 1623) à celui qui était alors le président du conseil d'administration et chef de la direction, James Johnston.

C'était pour le féliciter d'avoir si magistralement défendu la vérité scientifique et l'intérêt de la compagnie.

Où cela ?

Devant  une sous-commission du Congrès à Washington, où les hauts dirigeants des sept principales compagnies de tabac aux États-Unis étaient comparus la veille.

Le 14 avril 1994 au Capitole.
Interrogés par le député Ron Wyden et sous serment, cinq d'entre eux avaient déclaré qu'ils croyaient que la nicotine n'est pas dépendogène, un des sept avait dit qu'il ne croyait pas que la nicotine est dépendogène, et un autre, le patron de R. J. Reynolds Tobacco, le plus pointilleux, avait dit que la cigarette et la nicotine ne satisfont pas les critères classiques de la dépendance (vidéo de 59 secondes sur YouTube).

Aucun n'a admis quelque chose approchant ce que le directeur national de la santé publique (Surgeon General) des États-Unis avait affirmé dans son rapport de mai 1988: « les cigarettes sont des dispositifs hautement efficaces d'administration de nicotine et sont aussi dépendogènes que des drogues telles que l'héroïne ou la cocaïne. »

Le moins qu'on puisse dire, c'est que M. Gentry n'était pas ce genre d'employé à crier que le roi est nu, comme le crie le petit garçon dans le conte d'Andersen.

En contre-interrogatoire par Me Pierre Boivin mercredi après-midi, Jeff Gentry a déclaré qu'il ne savait pas quand la compagnie a changé de point de vue. C'est quand même étonnant de la part d'un homme qui, en appui à son employeur, a déjà enregistré une déposition dans une vingtaine de procès et comparu devant un juge une douzaine de fois. (Jusqu'à présent, le seul témoin qui batte cette marque est le chimiste transfuge de l'industrie William Farone, appelé à la barre des témoins en mars dernier.)

L'aveu d'ignorance du témoin Gentry offrait un contraste frappant avec le ronron de l'interrogatoire du matin et certaines affirmations du témoin que les avocats des recours collectifs ont catégorisées comme du simple ouï-dire.

Depuis quelques semaines, avec les témoins Graham Read et Steve Chapman puis maintenant avec Jeff Gentry, le juge a laissé faire. Souvent, il complète cependant son rejet de l'objection des recours collectifs d'une remarque sur l'incertaine valeur probante de certaines parties de témoignages. C'est une remarque qui fait imaginer que dans son jugement final, on lira peut-être, peut-être, qu'il a écouté ces messieurs de l'industrie mais ne les a pas crus.


Nitrosamines et séchoirs à tabac: la chronologie se précise

Dans son édition du 23 octobre, ce blogue faisait état du changement graduel du procédé de séchage des feuilles de tabac chez les tabaculteurs canadiens, dans les années 2000.

Notre édition parue le 3 novembre, qui rapportait des éléments du témoignage de Steve Chapman de Rothmans, Benson & Hedges (RBH), et celle du 5 novembre, à propos du témoignage du retraité de RJR-Macdonald Raymond Howie, ont permis de comprendre que RBH a écoulé dans sa production de cigarettes son stock de tabac séché aux gaz d'échappement de moteurs au gaz propane, tabac qu'elle savait plus riche en nitrosamines cancérogènes, avant d'utiliser du tabac séché par un procédé utilisant un échangeur de chaleur, un procédé où l'air n'entre pas en contact avec les gaz d'échappement.

Il restait à savoir pourquoi et quand le gaz naturel est arrivé dans le portrait. C'est ce que l'interrogatoire du scientifique en chef de R. J. Reynolds Tobacco, Jeff Gentry, par l'avocat de JTI-Macdonald, Guy Pratte, a permis de comprendre mercredi matin.

M. Gentry a expliqué qu'antérieurement au séchage au gaz, on séchait le tabac en brûlant du charbon, du fioul pour diesel ou du kérosène. Mais comme la fumée issue de ces combustibles aurait donné un goût exécrable au tabac, on l'évacuait par des cheminées et on chauffait les feuilles indirectement avec la chaleur dégagée. C'est dans les années 1970 que les tabaculteurs ont cherché à diminuer leur coût énergétique en passant au gaz naturel et en envoyant les gaz d'échappement chauds directement sur les feuilles.

Jeff Gentry a souligné que l'industrie du tabac ne savait pas alors que le séchage direct accroissait la teneur en nitrosamines dans le tabac, par l'effet des oxydes d'azote contenus dans le gaz d'échappement.

(Cependant, la présence naturelle de nitrosamines dans le tabac et la fumée, indépendamment du procédé de séchage, était connue par les scientifiques dès le début des années 1960, un fait que d'autres témoignagnes ont établi. Les nitrosamines sont des substances cancérogènes.)


Incorporation d'additifs: la cour est déjà pleine

Une partie substantielle de l'interrogatoire a servi à montrer que l'ajout d'un glucide, par exemple du sorbitol, dans les mélanges de tabac, avec pour but de les garder humides ou pour une autre raison, n'augmente que marginalement la quantité de benzopyrène dans la fumée qui se dégage lors de la combustion de la cigarette. (Le benzopyrène est une substance cancérogène.)

M. Gentry s'était savamment préparé pour expliquer cela au juge Riordan et il a probablement réussi.

L'auteur du blogue n'est pas parvenu à comprendre cette sorte d'acharnement thérapeutique de la défense de l'industrie qui pourrait aussi avoir pour effet de renforcer chez le juge l'impression justifiée que le problème est dans le tabac lui-même, dès le départ.

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Des nouvelles de la Cour d'appel

Le juge Morissette de la Cour d'appel du Québec a accordé à Imperial Tobacco Canada la permission demandée d'en appeler, devant une formation de trois juges de cette Cour, de la décision rendue le 13 septembre dernier par le juge Brian Riordan de la Cour supérieure du Québec.

L'appel concerne un jugement interlocutoire qui annulait les assignations à comparaître avec un dossier médical qu'Imperial voulait envoyer à un certain nombre de fumeurs ou anciens fumeurs inscrits aux recours collectifs. La Cour d'appel entendra les parties le 28 février prochain.




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Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès en recours collectifs contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm


2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information
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