mercredi 6 novembre 2013

180e jour - Le grand manitou des sciences chez R. J. Reynolds Tobacco s'amène au procès de Montréal

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces au dossier de la preuve, voyez les instructions à la fin du présent message.

(PCr)
Au procès en responsabilité civile des trois principaux cigarettiers du marché canadien, la compagnie JTI-Macdonald continue la présentation de sa défense.

La journée de mardi, complètement libérée par le passage plus bref que prévu du témoin de lundi, a pu servir à faire commencer plus tôt que planifié l'interrogatoire d'un nouveau venu au procès, Jeffery Scott Gentry, qui était heureusement disponible pour ce commencement hâtif hier après-midi.

Au début de l’interrogatoire d’un nouveau venu, il est de coutume de faire comprendre au tribunal qui est le témoin. Ce n’est pas le moment de la fausse modestie.

Par les premières questions qu’il a posées à M. Gentry, le défenseur de JTI-Mac Guy Pratte a clairement cherché à en donner l’image de ce que les Québécois appelaient une bolle dans les années 1970 et qu’ils ont aussi appelé un nerd par la suite. Un nerd ou une bolle dans sa variété ambitieuse et sans état d’âme apparent, quand on parle du témoin Jeff Gentry. (biographie dans la pièce 40353 au dossier)

On a compris que le mince bonhomme de 56 ans, à l'aise devant un tribunal comme il le serait sans doute à une réunion de travail avec quelques proches collègues, était un étudiant zélé en chimie (docteur en 1986) devenu depuis lors le vice-président exécutif et conseiller scientifique en chef du deuxième plus grand cigarettier au pays de l’oncle Sam, la compagnie R. J. Reynolds Tobacco, de Winston-Salem en Caroline du Nord.

annonce de 1930 faisant valoir
que fumer aide à rester mince
Aux États-Unis, la compagnie fondée en 1875 s’est illustrée dans l'offre de marques de cigarettes telles que Camel, Kool, Salem, Winston, Lucky Strike, Tareyton, Vantage, etc. Elle est aujourd'hui également très active dans la vente de produits de tabac sans combustion, qu'on peut priser, suçoter ou chiquer, ainsi que présente depuis peu dans l'univers de la cigarette électronique, c'est-à-dire de la cigarette sans tabac et sans combustion mais avec nicotine.

Aujourd’hui, R. J. Reynolds est contrôlée ultimement par British American Tobacco de Londres, et ses avoirs à l’extérieur des États-Unis sont passés sous le contrôle de Japan Tobacco de Tokyo et sont regroupés sous le nom de Japan Tobacco International (siège social à Genève).

De 1974 à 1999, R. J. Reynolds Tobacco possédait au Canada 100 % de Macdonald Tobacco, qui devint donc RJR-Macdonald, et s’appelle maintenant JTI-Macdonald.

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Du témoignage de Jeff Gentry, le juge Riordan pourra peut-être retenir que R. J. Reynolds a fait travailler une foule de chercheurs et de techniciens depuis une soixantaine d'années à mettre au point des cigarettes moins nocives pour la santé, soit par l'approche d'une réduction sélective de certaines composantes toxiques de la fumée, soit par l'approche générale de réduire le « goudron », c'est-à-dire l'ensemble de la cochonnerie sous forme de particules fines. 200 personnes travaillent aujourd'hui dans les laboratoires de RJR sous les ordres de M. Gentry. Sur ce lot, il s'en trouve qui publient occasionnellement des découvertes dans des vrais revues scientifiques.

Si le schéma classique se reproduit, le témoin sera probablement obligé, lors du contre-interrogatoire par les recours collectifs, de dire qu'aucun des « produits à risque réduit » de RJR n'a fait l'objet d'un effort de mise en marché au Canada, si même ils y ont été mis en marché.

Le juge Riordan n'a pas attendu que le témoignage soit bien avancé pour demander ce qu'il pourrait faire de détails sur les efforts de RJR Tobacco, notamment au 21e siècle.

Comme à Imperial Tobacco Canada avec Graham Read, ou à Rothmans, Benson & Hedges avec Steve Chapman, le juge Riordan a donné la permission à la défense de JTI-Macdonald d'utiliser un témoin de faits comme une sorte de grand expert général.

De son côté, le procureur des recours collectifs Philippe Trudel, avant que la première moitié de l'interrogatoire soit terminée, a formulé solennellement les « admissions » suivantes:
  • que tous les résultats des recherches réalisées par R. J. Reynolds étaient à la disposition de RJR-Macdonald;
  • que toutes les connaissances scientifiques amassées par RJR étaient à la disposition de RJR-Macdonald; et
  • que RJR-Macdonald a utilisé des rapports de recherche provenant de R. J. Reynolds.

Pour autant, Me Guy Pratte ne semble pas du genre à changer ses plans sans mûres réflexions. L'avocat a pris note avec le sourire de la déclaration de la partie adverse, il a écouté le juge Riordan présenter la déclaration de Me Trudel comme une occasion de raccourcir la tâche de la défense de JTI-Mac, mais il continué son interrogatoire.

À l'avant-poste et à la gauche du juge, Me Pratte était flanqué de Me Patrick Plante, l'avocat qui a sans doute le record d'assiduité aux auditions du procès avec Me Gabrielle Gagné, et l'un de ces efficaces navigateurs au sein d'un dossier de la preuve extrêmement volumineux et accessible en version électronique. Plante est l'un de ces avocats discrets et encore jeunes dont nous avons évoqué le travail essentiel au service du juge en parlant la semaine dernière de son collègue Bouchard de RBH ou en parlant l'an passé de Me Gabrielle Gagné (des recours collectifs) ou de Me Nathalie Grand'Pierre (Imperial).

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Entre autres, M. Gentry a brillamment résumé comment est fabriqué le tabac reconstitué et expliqué en peu de mots bien choisis comment l'usage de recon pouvait permettre de diminuer la teneur en nicotine ou en différentes substances dans le mélange des cigarettes. (Cela peut permettre aussi de faire le contraire...)

On ne peut que déplorer que dans un procès si moderne par bien des aspects, où il est déjà arrivé qu'on visionne des films d'animation en preuve, on n'en visionne pas sur des procédés industriels. Les internautes ont plus de chances que le juge. (extrait d'un reportage sur le canal D où la fabrication du recon est illustrée)
(Attention. Le contexte de la vidéo est américain, les chiffres ne sont pas forcément transposables au Canada, ni la variété des additifs mentionnés. Le lien n'est inséré ici que pour les images du procédé et ce bout de film ne serait sûrement pas utilisable dans une cour de justice, même aux États-Unis.)

Le témoignage de Jeff Gentry se poursuit aujourd'hui.

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Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès en recours collectifs contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm


2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information
3) puis revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens au besoin,
ou
utiliser le moteur de recherche sur place, lequel permet d'entrer un mot-clef ou un nombre-clef et d'aboutir à un document ou à une sélection de documents.