mardi 27 août 2013

160e jour - Faut-il examiner des biographies médicales de fumeurs, quand et combien ?

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces au dossier de la preuve, voyez les instructions à la fin du présent message.

(PCr)
Dans un procès au civil « ordinaire », un individu, le demandeur, vient expliquer à un juge les torts que lui a causés le comportement de quelqu'un d'autre, qui est intimé de se défendre. Parfois, au surplus, les parties font appel à des témoignages d'experts pour éclairer le tribunal.

Dans un recours collectif, à plus forte raison si le règlement concerne potentiellement, comme celui des personnes dépendantes au tabac, environ un million et demi de personnes, il est hors de question de faire défiler à la barre des témoins tout le monde.

Dans la présente affaire, à première vue, un quidam pourrait penser que le système de justice québécois a déterminé, une fois pour toutes, par la décision du juge Pierre Jasmin de la Cour supérieure du Québec, en février 2005, que la preuve à faire par la partie demanderesse ou à défaire par la partie défenderesse le serait plutôt par un usage massif d'experts, quitte à ce qu'après le procès, chaque fumeur ou ancien fumeur présentant une réclamation de dédommagement compensatoire doive tout de même se qualifier comme ayant droit, en regard d'un ensemble de critères pratiques fixés par le jugement final.

Les trois défendeurs, c'est-à-dire les trois principaux cigarettiers du marché canadien, ont paru jouer le jeu. Depuis avril dernier, ils ont commencé à faire une preuve en défense qui a fait et va continuer de faire appel à des expertises, lesquelles servent souvent à contrer les expertises des recours collectifs.

Les compagnies de tabac jouent tellement la carte d'une preuve valant-pour-l'ensemble, plutôt que pour le détail, qu'elles ont fait comparaître des historiens, messieurs Lacoursière et Flaherty, qui sont venus dire au juge qu'il existait depuis longtemps une « connaissance populaire » ou une « connaissance commune » des méfaits sanitaires du tabac dans la population. « Tout le monde savait », et tant pis pour les détails, tant pis si une masse de petits gars et de petites filles qui commençaient à fumer à 12 ans, prenaient une soi-disant « décision d'adulte » sans savoir grand chose de ces méfaits et des réalités du monde en général, et devenaient dépendants, avant d'être plus tard touchés par une maladie des voies respiratoires.

Avant même que le procès public commence en mars 2012, l'honorable Brian Riordan de la Cour supérieure du Québec avait exclu que son tribunal examine des biographies médicales des membres des recours collectifs. Il l'a fait trois fois. En 2009, en 2010 et en 2011. La Cour d'appel du Québec l'a soutenu à chaque fois (appel 2009, appel 2010, appel 2012). Le juge Riordan a toutefois pris soin de toujours laisser la porte légèrement entrouverte, dans la veine « le moins possible et pas maintenant, mais peut-être plus tard ».

Le calendrier de témoins de faits et de témoins-experts que les compagnies veulent faire comparaître pour bâtir leur preuve en défense a connu, depuis sa présentation originale en décembre, des modifications, dont un raccourcissement majeur imposé par le juge, et risque encore de connaître d'autres modifications d'ici l'automne 2014, à l'instar du calendrier de la preuve en demande, preuve close en avril dernier. Même la crème des avocats ne peut pas prévoir dans le menu détail le déroulement des événements, surtout dans une action judiciaire d'une telle ampleur.

Reste que l'actuel calendrier de la défense des cigarettiers continue de prévoir, pour septembre 2014, des interrogatoires d'un certain nombre de fumeurs ou anciens fumeurs, membres des recours collectifs, sur leurs antécédents de consommation de tabac et leur biographie médicale.

En juin dernier, puisque le juge Riordan s'attendait à ce qu'une prochaine décision additionnelle de sa part sur le sujet soit contestée devant la Cour d'appel s'il renouvelait ses préventions, il fut convenu qu'Imperial Tobacco Canada expédierait à la fin de l'été à un certain nombre membres des recours collectifs une citation à comparaître ou subpoena, flanquée d'une assignation à produire (subpoena duces tecum) un dossier médical.

Il fut aussi convenu que les avocats des recours collectifs déposeraient une requête en cassation de cette procédure.

Le but de la manœuvre était qu'un éventuel appel de la décision demandé par la partie défenderesse et entendu par la Cour d'appel débouche sur un jugement (ou un refus de s'en mêler) avant l'an prochain, au moment d'interroger les fumeurs et anciens fumeurs, le tout de manière à ce que la fin du procès ne soit pas retardée par une affaire en suspens devant la Cour d'appel.

Le moment du débat sur cette requête, c'était hier.

Pour l'essentiel, Me André Lespérance a plaidé qu'il y avait chose jugée en la matière. La compagnie Imperial Tobacco Canada, représentée par Me Suzanne Côté, estime encore qu'elle a besoin pour se défendre d'interroger des membres des recours collectifs sur leurs dossiers médicaux, avant la fin du procès.

Les défenseurs de Rothmans, Benson & Hedges, Simon Potter, et de JTI-Macdonald, Catherine McKenzie et François Grondin, ont ajouté leurs grains de sel en appui aux arguments de Me Côté, bien qu'Imperial soit la seule compagnie à se battre pour cet enjeu.

Le juge va rendre souhaite rendre une (autre) décision dans les prochaines semaines.


Des critères d'inclusion plus précis

Lors de la journée d'audition de lundi, il a aussi été question d'un avis qui sera publié dans des quotidiens québécois afin de prévenir le public d'un changement dans les critères d'inclusion ou non d'un fumeur ou d'un ancien fumeur au sein des groupes de personnes concernées par des dédommagements compensatoires, dans l'éventualité où le jugement final serait favorable aux recours collectifs.

Cette émission d'avis publics donnera sa suite à un jugement interlocutoire rendu le 5 juillet dernier par Brian Riordan rendu le 5 juillet.

Ce jugement faisait suite à un débat tenu principalement le 11 avril. (Voir la deuxième partie de notre édition relative à la 136e journée d'audition.)


Pas de fumée sans chimie

Un ancien chercheur d'Imperial Tobacco Canada (ITC), le docteur en chimie Andrew Porter, sera de retour aujourd'hui (161e jour) à la barre des témoins.

En cliquant les hyperliens, vous pourrez relire les précédents témoignages de M. Porter devant la Cour supérieure du Québec, en mai et juin 2012:

33e jour - Une industrie méfiante de sa propre science
34e jour - Fumée toxique, mais si savoureuse
35e jour - Dépendance à la nicotine, compensation et mirages
46e jour - Retour des témoins Woods, Porter et LaRivière

Au printemps 2012, le chimiste était comparu à l'appel de la partie demanderesse. Il avait été longuement interrogé par le procureur Pierre Boivin des recours collectifs, et contre-interrogé gentiment par les avocats d'ITC, Deborah Glendinning, et de Rothmans, Benson & Hedges, Simon Potter.

Cette fois-ci, M. Porter revient à l'appel de la partie défenderesse.

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Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès en recours collectifs contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm


2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information
3) puis revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens au besoin,
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