jeudi 22 août 2013

159e jour - Cachotteries et façades pour gagner du temps

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces au dossier de la preuve, voyez les instructions à la fin du présent message.

(RPa)
Nourrir le doute pour gagner du temps, multiplier les mesures de diversion tout en mettant des bâtons dans les roues du gouvernement fédéral pour contrer l'adoption de mesures contraignantes pour l'industrie du tabac. Cette triple stratégie est apparue clairement, mercredi, au 159e jour du procès au civil intenté par des groupes de personnes qui se disent victimes des pratiques d'Imperial Tobacco Canada, JTI-Macdonald et Rothmans, Benson & Hedges.

À la barre des témoins se trouvait pour une troisième journée d'affilée le professeur d'histoire Robert John Perrins de l'Université Acadia, en Nouvelle-Écosse. Puisque c'était au tour des avocats de la poursuite de poser des questions à l'expert dont les services avaient été retenus par JTI-Macdonald, les échanges ont été juteux.

Surtout que Me Philippe Trudel et Me Bruce Johnston avaient en main des documents internes des compagnies de tabac où les auteurs s'exprimaient librement, sans langue de bois, rassurés par le sceau « confidentiel » écrit en grosses lettres.

Ainsi, Me Trudel a sorti de sa manche un document expédié en juin 1977 par le directeur scientifique Derick Crawford à son patron chez Macdonald Tobacco. Il y ridiculisait le projet de recherche mené par le ministère de la Santé et du Bien-être social quant à la production d'une cigarette moins dommageable pour la santé en plus de qualifier de « fanatiques » la majorité des chercheurs du groupe.

M. Crawford estimait en outre qu'au terme de deux ans d'efforts les progrès réalisés étaient tout simplement nuls. Il attribuait ce manque de résultat au fait que leur champ de recherche était mal défini.

Déplorant que cette rencontre à Guelph (Ontario) lui avait fait perdre son temps pendant deux jours, il en ressortait davantage optimiste. L'industrie du tabac ne risquait rien, avançait-il, compte tenu du haut degré de chaos et d'incertitude qui transpirait du plan scientifique. « Ils ne sont parvenus à aucune preuve scientifique susceptible de nous inquiéter. » (pièce 1564-r) (le même document sur Legacy)

Me Trudel a aussi montré un rapport de recherche d'Imperial sur les effets mutagènes de la fumée émise lors de la combustion de tabac provenant de la ferme expérimentale gouvernementale à Delhi (pièce 166). Il est bien fait mention que les résultats des tests n'ont pas été divulgués à l'extérieur du groupe. Tant pis pour le gouvernement.

Dans une autre correspondance entre fabricants, alors que le gouvernement d'Ottawa étudiait la possibilité de modifier les règles du jeu en ce qui a trait à la publicité des produits du tabac, il était suggéré d'adopter une attitude défensive tout en se montrant prêt à donner du lest, in extremis. Question d'éviter que le gouvernement fixe ou contrôle l'importance de sommes dépensées en publicité.

En outre, au moment où le gouvernement fédéral jonglait avec l'idée d'abaisser la teneur en goudron et en nicotine dans les cigarettes, à la fin des années 1970, encore là le Conseil canadien des fabricants des produits du tabac adoptait la stratégie de ne pas déchirer sa chemise. On estimait qu'il ne s'agissait pas d'une contrainte importante pour l'industrie canadienne qui jouissait d'une latitude bien meilleure que dans bien des endroits dans le monde (pièce 1563.1, pas encore acccessible en ligne).

Autre épisode intéressant, celui-là s'étant déroulé aux États-Unis et mettant en cause l'American Medical Association (AMA). Ce regroupement n'avait pas endossé le consensus établi en 1964 par le chef des services de santé des États-Unis (Surgeon General) voulant que le tabac cause le cancer du poumon. (voir le rapport d'expertise Proctor, pièce 1238).

C'est vers l'AMA que s'est tournée l'industrie américaine du tabac, en 1968, pour fournir 8 millions $ à une poignée de chercheurs. Dans le communiqué de presse émis à cette occasion, l'AMA soutient que la dangerosité du tabac quant à la santé humaine n'a pas été démontrée et qu'il y a place pour diverses études. À propos des diverses réactions dans l'organisme du fumeur après inhalation, par exemple.

Le témoin-expert Perrins a avancé qu'il s'agissait là d'une piste de recherche valable, notamment pour les physiologistes.

Au pays, cet épisode a eu un écho. Dans le quotidien The Gazette de Montréal du 19 juin 1968, on pouvait lire ce titre: « Un groupe (en l'occurrence l'AMA) considère que les dangers de la cigarette n'ont pas été prouvés ».

Achat de temps, création de diversion avant que « tout le monde sache » ?

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Il n'y a pas eu d'audition aujourd'hui (jeudi). Le procès se continue lundi.


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