samedi 23 mars 2013

130e jour - Début du contre-interrogatoire du Dr Juan C. Negrete

1  Le contre-interrogatoire de l'expert médical Negrete a commencé

Jeudi, au procès en responsabilité civile des trois principaux cigarettiers du marché canadien, l'avocat Simon Potter, qui représente Rothmans, Benson & Hedges, la filiale canadienne de Philip Morris International, a contre-interrogé, en français, l'expert médical en dépendances des recours collectifs, le Dr Juan Negrete, psychiatre de son état.

Imperial Tobacco Canada prévoit aussi de contre-interroger le témoin-expert, lors d'un jour d'audition du procès qui aura lieu en avril, vraisemblablement le 3.

Une prochaine édition du blogue reviendra sur les difficultés (pas nécessairement insurmontables) que représente la mesure du phénomène de la dépendance et que Me Potter a examiné avec le Dr Negrete.

Les auditions sont maintenant suspendues jusqu'au 2 avril.

Outre le retour à la barre des témoins du Dr Negrete, on attend durant cette semaine celui de Jacques LaRivière, le grand manitou des relations publiques au Conseil des fabricants de produits du tabac (CTMC).


2  Enfin en ligne

L'édition de ce blogue relative à la 129e journée du procès est enfin en ligne.

Pour les internautes qui l'auraient déjà lu, il peut être important de prendre connaissance d'un oubli, maintenant corrigé, que l'auteur du blogue a commis. Le bref moment le plus intense de la prise de becs relaté dans cette édition-là est survenu À UN MOMENT OÙ LE JUGE N'ÉTAIT PAS ENCORE DE RETOUR DANS LA SALLE D'AUDIENCE, lors d'une petite pause qu'il avait accordée. On ne le trouvera donc pas dans la transcription des auditions du tribunal.


3  Les avis du juge Riordan au sujet de la langue des interrogatoires
 
Mercredi, voici ce que le juge Brian Riordan de la Cour supérieure du Québec a déclaré pour clore le court mais vif débat sur la possibilité que le témoin du jour doive légalement être interrogé en anglais pour accommoder les plans de la partie défenderesse et une avocate:


C’est une situation qui n’est pas censé arriver. La Charte de la langue française oblige les avocats à être à l’aise en français. Je suis tout à fait sensible à l’idée d’être respectueux et accueillant pour nos amis d’Ontario, ils sont toujours les bienvenus ici, aussi longtemps qu’ils sont proprement qualifiés suivant les règles en vigueur ici, et l’une de ces qualifications est qu’ils soient capables de parler français. Ce n’est pas un reproche pour quelqu’un qui ne peut pas parler français, mais c’est une des règles du Québec qu’un avocat doit être capable de se débrouiller suffisamment en français. Il y a des tests qui sont administrés quand vous sortez de l’École du Barreau pour s’assurer que la personne peut parler français


C’est une situation qui est singulière, pour dire le moins, qu’un témoin qui souhaite témoigner en français au Québec se fasse demander de ne pas le faire. 

Je vais autoriser le témoin à témoigner en français, mais je vais suspendre, si vous le désirez, durant le temps pour vous de trouver un interprète pour venir ici.

(traduction de l'auteur du blogue à partir de la transcription du 20 mars 2013)

Jeudi, le magistrat en a remis une couche.

C’est la dernière fois que je vais tolérer d’accommoder un avocat qui ne peut pas parler français. Je dis cela sans reproche, mais c’est le Québec et nous avons des lois ici et nous avons des coutumes ici, et je ne vais pas tolérer cela encore. Je l’ai fait hier in extremis, mais je ne vais pas le refaire.

(traduction de l'auteur du blogue à partir de la transcription du 21 mars 2013)

*

Avant d'applaudir à la fermeté des principes, il faut cependant s'attarder à quelque chose d'autre que le juge a dit jeudi, en s'adressant au procureur Philippe Trudel des recours collectifs, mais en présence du témoin:

Le problème que j’ai est le suivant. Je suis en train de regarder le curriculum vitae du Dr Negrete et je vois Université de Toronto et McGill, partout. Maintenant, je respecte pleinement le désir de quiconque de témoigner en français ou en anglais et je vais protéger cela, mais là où il semble que … 
ce qui apparaît, à tout le moins en surface, c’est qu’il serait indifférent au témoin,  je penserais qu’il serait utile que peut-être, si vous êtes en train de poser des questions en français, il puisse y répondre en anglais et en français, mais là où … par exemple, Me Potter peut l’interroger en anglais. Je suis en train de regarder ses publications (celle du Dr Negrete), et il y en a quelques unes en espagnol et en français, mais il y en vraiment plusieurs en anglais et je … il me semble que ce témoin est polyglotte et que ce ne serait pas difficile… Je peux comprendre qu’une réponse soit dans une langue différente de celle de la question, mais si la question est en anglais, comme cela l’était lors du contre-interrogatoire de qualification comme expert, cela aiderait s’il pouvait répondre en anglais.

(traduction de l'auteur du blogue à partir de la transcription du 21 mars 2013)

Il n'est peut-être pas sans intérêt de souligner que le public de la salle d'audience a généralement vu l'honorable Brian Riordan plus à l'aise et finir plus facilement ses phrases.

vendredi 22 mars 2013

129e jour - L'expert médical Juan Negrete commence son témoignage par temps d'orage (20 mars 2013)

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces au dossier de la preuve, voyez les instructions à la fin du présent message.

Mercredi, au palais de justice de Montréal, il y a eu une bruyante prise de becs entre des avocats lors du procès de l'industrie du tabac présidé par le juge Brian Riordan de la Cour supérieure du Québec.

Le désir d'un témoin-expert, le psychiatre québécois Juan C. Negrete, de témoigner en français a contrarié les plans de la défense d'Imperial Tobacco Canada (ITCL), qui avait fait appel pour le contre-interroger à une jeune avocate ontarienne, Sonia Bjorkquist, qui ne pouvait pas comprendre en direct ce qui allait émaner d'un interrogatoire principal en français, ou réaliser un contre-interrogatoire dans cette langue.

Me Suzanne Côté a reproché aux avocats des recours collectifs de ne pas avoir correctement avisé la partie défenderesse que l'interrogatoire serait en français, et a dénoncé le mauvais tour.  Elle a aussi, sûrement trop hâtivement, dit qu'elle avait avec elle des autorités (c'est-à-dire de la jurisprudence) pour montrer que la partie demanderesse était tenu d'honorer une convention qui a été arrêtée entre les parties (à une époque non précisée). C'était avouer que l'intention du témoin ne l'avait pas complètement surprise, comme l'a remarqué le procureur Pierre Boivin des recours collectifs.

Les procureurs Philippe Trudel, André Lespérance et Bruce Johnston ont marqué un vif étonnement d'avoir causé une surprise à Imperial et ont protesté vigoureusement contre le comportement général de la défense de cette compagnie.

Au retour d'une pause, avant le retour du juge, le ton a monté, en particulier entre Me Johnston et Me Côté. Jamais on avait entendu de pareils éclats de voix depuis le début du procès il y a un an. (Comme le juge n'était pas encore dans la salle, la transcription des débats était donc suspendue, comme c'est la coutume.)

Après le bref orage, Me Simon Potter, le défenseur de Rothmans, Benson & Hedges, a dit qu'il s'attendait à un interrogatoire en anglais du témoin-expert, mais a presque d'un même souffle fait valoir que son équipe à lui saurait s'ajuster. Me Guy Pratte, qui représente JTI-Macdonald, a préféré rester coi, ce que le juge Riordan a noté avec amusement.

En fin de compte, le Dr Negrete, à l'invitation du juge, a quand même commencé son témoignage d'expert, et cela dans la même langue que celle dans laquelle il avait rédigé son rapport d'expertise, c'est-à-dire en français. Pendant ce temps, Me Suzanne Côté a fait la traduction pour sa consoeur, puis a été relayée dans l'après-midi par une interprète professionnelle.

Au fil de l'interrogatoire, Me Potter et Me Pratte ont vraisemblablement soulevé toutes les objections que l'infortunée Sonia Bjorkquist aurait pu soulever dans des circonstances plus propices pour elle.

L'expert médical a donc pu découvrir ou redécouvrir avec un agacement évident la différence entre une preuve scientifique et une preuve judiciaire.

En science, l'argument d'autorité n'a pas de valeur, et une connaissance est d'autant mieux acceptée qu'on sait précisément comment cette connaissance a été produite, de sorte que le chemin de la corrobaration peut être rapidement emprunté par d'autres curieux, d'où l'habitude de référer à telle ou telle étude, ne serait-ce que pour donner un exemple d'une source et d'une méthodologie.

Devant une cour de justice, les études citées mais non annoncées par un préavis à toutes les parties ne sont pas admises en preuve, alors qu'un témoin, dès lors qu'il a été reconnu expert, peut justifier ses affirmations en les disant « basées sur son expérience », et les avocats ne disent plus rien.

Quelques faits saillants du témoignage du psychiatre sont rapportés dans les premières sections, alors qu'on trouvera dans la quatrième un examen du contexte général de l'accrochage qui est survenu mercredi matin.


1  Un médecin spécialiste des toxicomanies

Juan C. Negrete
Le Dr Juan Carlos Negrete est originaire d'Argentine, où il a terminé sa formation originale de médecin en 1961, avant de se spécialiser en psychiatrie lors d'études à l'Université McGill (diplômé en 1967).

Sa carrière s'est ensuite partagée entre l'enseignement de la médecine dans cette université québécoise, la recherche scientifique, le traitement clinique des toxicomanies à l'Hôpital général de Montréal, et des mandats de consultant, notamment pour le compte de l'Organisation mondiale de la santé, ainsi que des mandats d'expert médical devant des tribunaux. Le Dr Negrete parle le portugais, en plus de l'espagnol, du français et de l'anglais.

Dans une interview-portrait publiée en 2013 dans la prestigieuse revue scientifique Addiction, Juan Negrete raconte que c'est l'approche pharmacologique de la psychiatrie à McGill, par opposition à l'approche psycho-analytique dominante en beaucoup d'endroits du monde au début des années 1960, qui l'a attiré dans cette université.

Officiellement, le professeur de 75 ans est à la retraite depuis 2009, mais il a été accidentellement question en Cour d'un séminaire très prochain où il apportera sa contribution. Il n'est pas exclu que l'expert en dépendances soit lui-même un « workholic » imparfaitement sevré.

Son rapport d'expertise daté de 2006 (pièce 1470.1) est habilement conçu comme une sorte de réponse didactique aux procureurs Philippe Trudel et Michel Bélanger. C'est un bijou synthétique de 27 pages dont il faut espérer que le juge Brian Riordan et les avocats des deux parties adverses impliqués dans la cause ne seront pas les seuls lecteurs.

Juan Negrete y explique simplement le rôle de la nicotine dans la dépendance au tabac, passe en revue les facteurs de risque dans le développement de cette toxicomanie, aborde la question des « définitions » de la dépendance tabagique et décrit les critères du diagnostic clinique, avant de parler des méthodes d'évaluation de cette toxicomanie et du taux de dépendance au tabac dans la population en général.

Une fois le psychiatre Negrete admis par le tribunal en tant qu'expert en dépendances, Me Trudel a aussi fait verser au dossier de la preuve en demande un complément au rapport d'expertise qui a été livré en 2009 (pièce 1470.2), ainsi que le curriculum vitae du savant (pièce 1470.3)


2  Une toxicomanie très répandue à ne pas prendre à la légère

Dans son rapport de 2006, le Dr Negrete souligne que 95 % des personnes qui fument quotidiennement présentent des symptômes de dépendance, mais que la dépendance est particulièrement sévère chez les fumeurs qui allument leur première cigarette de la journée dans la demi-heure qui suit leur réveil. (page 20).

Lors de l'interrogatoire, le médecin a précisé qu'au moins 92 % des fumeurs quotidiens (c'est l'estimation la plus optimiste) rempliraient les critères de la dépendance lors d'une hypothétique consultation médicale.

Juan Negrete affirme que plus du tiers de toutes les personnes qui ont fumé du tabac à un moment quelconque de leur vie en sont devenus dépendantes, généralement durant plusieurs années.

Dans son rapport, il conclut que le rapport du nombre de personnes dépendantes sur le nombre de celles qui en ont fait usage un jour est plus élevé dans le cas du tabac (1 sur 3) que dans les cas de la cocaïne (1 sur 5,5), de l'alcool (1 sur 6) ou du cannabis (1 sur 12).  Au surplus, le tabac fait basculer dans une réelle dépendance un nombre beaucoup plus grand de personnes que  les autres substances toxicomanogènes. 

Le public préoccupé de santé publique peut rêver du jour où les témoins issus de l'industrie arrêteront de jouer les Grand Jos connaisant et de surfer sur des préjugés répandus en suggérant que la dépendance au tabac n'est « pas une dépendance comme celle à l'héroïne ou la cocaïne ». Les hommes qui connaissent mieux le sujet, parce qu'ils sont plus occupés de recherche médicale qu'à faire des profits, ne prennent pas du tout la dépendance tabagique à la légère.


3  Dépendance: ce que l'industrie savait et ce qu'elle faisait croire

Lors de l'interrogatoire principal, Me Trudel a soumis au regard de l'expert quelques feuilles choisies des archives des cigarettiers déjà enregistrées au dossier de la preuve.

Grâce à une vaste étude sur les jeunes associée à son projet Plus/Minus (pièce 305), ITCL savait en 1982 que les adolescents qui commencent à fumer croient qu'ils ne deviendront pas dépendants, mais découvrent vite que la dépendance prend place et qu'ils ne réalisent pas leur désir de s'arrêter.

Le Dr Negrete a confirmé la validité de cette connaissance du phénomène en citant des résultats d'une vaste recherche effectuée par l'équipe de la professeure Jennifer O'Loughlin de l'Université de Montréal auprès d'élèves d'écoles secondaires de la région métropolitaine. Dans un article scientifique daté de 2007, on voit que les fumeurs débutants perdent très vite leur capacité d'arrêter (pièce 1471).

Au vu de la position officielle du cigarettier Philip Morris en 1997 (pièce 981 E) voulant que la nicotine a seulement de faibles (mild) effets pharmacologiques, l'expert Negrete a déclaré qu'il ne considère pas comme « mild » une drogue capable de générer une envie d'en consommer aussi fréquemment et durant autant d'années.
extrait d'un guide du cigaretier Philip Morris pour ses porte-parole
Dans un guide de Philip Morris International destiné aux porte-paroles de la maison-mère et de ses filiales, il est recommandé de mettre l'accent sur la différence entre habituation et dépendance, et de disqualifier l'usage du mot dépendance (pièce 846).  C'était en juin 1990.

En page 10 de son rapport d'expertise de 2006 et oralement, le Dr Negrete signale que les spécialistes médicaux de l'étude des toxicomanies ne font plus DEPUIS 1964 la distinction entre habituation et dépendance.

Mis devant d'autres documents, le témoin-expert en toxicomanies a dit que l'argument de certains hommes de l'industrie voulant que la nicotine contenue dans la fumée du tabac a des effets bénéfiques (meilleure concentration, meilleure mémoire, etc) pour le fumeur est fallacieux. Nous sommes plutôt en présence d'allostase, un phénomène qui fait en sorte que le cerveau d'une personne accoutumée à une substance fonctionne mieux quand la substance y est présente qu'en son absence.

Puisque nous sommes au procès des cigarettiers du marché canadien, et non de leur auxiliaire de jadis dans le monde de la science, personne n'a demandé au psychiatre ce qu'il pensait des idées du célèbre théoricien du stress Hans Selye, médecin et chercheur québécois dont la réputation mondiale était au zénith alors que le jeune médecin argentin s'installait à Montréal. (voir notre édition relative au 100e jour)

Me Trudel a aussi montré au Dr Negrete un mémorandum d'avril 1972 du chimiste Claude Teague destiné aux cadres du cigarettier R. J. Reynolds, un empire américain du tabac qui a absorbé la compagnie canadienne Macdonald Tobacco en 1974 (laquelle est devenue JTI-Macdonald en 1999).  Entre autres beaux constats sans fioritures, M. Teague écrivait que « le tabac comme produit est, essentiellement, un véhicule de livraison de nicotine ». (pièce 1407) La dernière fois qu'il a été question de ce document au procès de Montréal, les défenseurs de JTI-Macdonald ont fait valoir, grosso modo, que la circulation de ce mémo était hypothétique et qu'elle aurait de toutes manières précédé de plus d'un an l'acquisition de la compagnie canadienne par le géant américain, de sorte qu'il n'y a aucune raison de penser que RJR-Macdonald avait pris connaissance de cela...


La langue dominante et les accommodements raisonnables

Deux collectifs de victimes québécoises de la dépendance au tabac ou de maladies qu'ils attribuent à leur tabagisme ont obtenu en février 2005 l'autorisation d'un recours contre les trois principaux cigarettiers du marché canadien devant la Cour supérieure du Québec.

Le procès a commencé le 12 mars 2012, et le million et demi de personnes que cela concerne directement sont absentes de la salle d'audience. Heureusement pour des raisons évidentes d'espace et heureusement parce que ce procès, un procès historique, risquerait de leur paraître étrange et étranger, et dans une masse de cas, pratiquement incompréhensible.

Les cigarettiers Rothmans, Benson & Hedges, de Toronto, et JTI-Macdonald, de Toronto, ont trouvé au Québec abondance d'avocats compétents et bilingues pour assurer leur défense, puisant aux ressources de trois cabinets juridiques : McCarthy Tétrault, Borden Ladner Gervais et Irving Mitchell Kalichman.

Imperial Tobacco Canada, qui a son siège social à Montréal, a au contraire envoyés aux auditions du procès des juristes du Canada anglophone et unilingues anglais, ou pratiquement. Les exceptions notables sont Me Suzanne Côté, ainsi que de Me George Hendy et de Me Silvana Conte, tous trois du bureau de Montréal du cabinet juridique Osler, Hoskin & Harcourt. (Me Conte apparaît cependant rarement devant le juge Riordan et elle plaide en anglais.)

Le tout premier témoin appelé à la barre il y a un an, l'ancien relationniste d'ITCL Michel Descôteaux, a choisi de témoigner en anglais. Ce fut aussi le cas, entre autres, de Pierre-Francis Leblond, de Jacques Woods, d'Edmond Ricard, de Michel Poirier, de Jacques LaRivière et de la plupart des anciens cadres supérieurs ou subalternes de l'industrie du tabac qui ont témoigné. Un des motifs donnés est que la plus grande partie de la correspondance interne de l'industrie est en anglais, une réalité qui ne semble pas avoir changé sous l'empire des lois linguistiques et d'un rêve collectif « de français langue de travail au Québec ».

D'autres témoins ont déclaré ne pas comprendre le français ou ont vite été présumés ne pas le comprendre (présomption parfois mal fondée, comme le public le découvre parfois lors des pauses) (Knox, Fennell).

Dans tous les cas, un témoin n'a pas à se justifier et peut exercer son droit d'être interrogé en anglais. Pour les témoins étrangers, l'instruction de la cause profite du fait qu'ils viennent tous de pays anglophones.

Le processus des dépositions de témoins préliminaires au procès en tant que tel devant un juge semble avoir été une occasion pour les parties d'indiquer aux témoins leur préférence linguistique.

Au procès des cigarettiers depuis mars 2012, apparemment du seul fait de la présence habituelle d'au moins un juriste unilingue anglophone dans la salle d'audience, et parfois même, parce que le pli était pris, durant certains après-midis où la totalité du personnel juridique présent aurait pu fonctionner en français avec autant ou plus d'efficacité, la langue anglaise a été d'usage. Les échanges entre parties en présence d'un témoin (parfois francophone) qui témoignait en anglais ont généralement été en anglais; une partie croissante des travaux d'enregistrement de pièces au dossier est en anglais; et les avocats francophones des recours collectifs n'osent plus toujours s'adresser au juge en français, sauf quand ils plaident une requête en bonnes et dues formes.

Il y a plusieurs mois de cela, votre serviteur avait été témoin d'au moins une fois où Me Glendinning elle-même a demandé qu'on utilise l'anglais, sur son ton outré habituel, et il y a eu au moins une fois où le juge Riordan a exigé des commentaires en anglais de la part de Me Trudel ou de Me Lespérance, bien que ce n'était pas pour ses besoins à lui. Le juge maîtrise le français d'une manière tout à fait exemplaire et son sens de la diplomatie est rarement pris en défaut.

Le seul juriste à s'être systématiquement soustrait à cet accommodement envers l'anglais-dès-qu'il-y-a-un-anglophone-unilingue (avocat ou témoin) dans la salle est l'avocat du gouvernement fédéral canadien, Maurice Régnier, dont le client n'est désormais plus partie prenante au procès, depuis le jugement de la Cour d'appel du Québec en novembre dernier. Maurice Régnier ne fréquente plus la salle d'audience 17.09 depuis des mois.

Dans ce contexte d'anglais-langue-tranquillement-dominante, des expressions françaises surgissent régulièrement dans le procès, comme autant de raccourcis, et les accents toniques en anglais sont parfois malmenés.

N'empêche que dans une action en justice où des masses de documents sont écrits en anglais, et où la plupart des témoins issus de l'industrie, ainsi que deux experts jusqu'à présent, ont témoigné en anglais, aucun avocat francophone n'oserait dire publiquement qu'il comprend moins bien ce qui est prononcé lors des interrogatoires, ou qu'il n'arrive pas à s'exprimer oralement avec autant d'éloquence. Il est commode, trop commode, d'imaginer que la situation actuelle fait l'affaire de tout le monde.

(Dans cette histoire, le public qui prend place ou qui pourrait prendre place dans la salle ne pèse d'aucun poids, et ce public a toutes les chances de rester peu nombreux et d'être présent pour des raisons professionnelles, comme les avocats.)


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Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm


2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information
3) puis revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens au besoin,
ou
utiliser le moteur de recherche sur place, lequel permet d'entrer un mot-clef ou un nombre-clef et d'aboutir à un document ou à une sélection de documents.


mercredi 20 mars 2013

128e jour - Fin du séminaire d'épidémiologie (19 mars)

Alors que le printemps semblait en voie de s'installer la semaine dernière dans la vallée du St-Laurent, une épaisse couche de neige fraîche est venue recouvrir les campagnes et les villes du Québec depuis le début de la semaine.

Le contraste météorologique est cependant moins remarquable que celui qui pouvait s'observer lorsqu'on assistait aux journées du lundi 18 mars et du mardi 19 au procès en responsabilité civile des cigarettiers canadiens au palais de justice de Montréal.

Autant la journée de lundi était du genre à décourager les gens de venir dire ou entendre toute la vérité et rien que la vérité dans un procès, autant la journée de mardi a offert l'image rassurante d'avocats de la défense de l'industrie qui arrivent à concilier la recherche des possibles failles ou faiblesses dans un rapport d'expertise de la partie demanderesse avec un procédé interrogatoire qui a aussi pour effet d'éclairer le juge, les parties et le public sur une matière compliquée. Les avocats de JTI-Macdonald Guy Pratte et Kevin Laroche étaient remarquablement préparés.

La 128e journée (mardi 20 mars) a donc été la digne et agréable suite de la 118e journée et des autres journées de comparution du professeur Jack Semiatycki de l'Université de Montréal devant le juge Brian Riordan.

Au terme de tout ce long exercice, l'épidémiologue québécois n'a cependant pas admis qu'il fallait réviser les conclusions de son rapport d'expertise (voir notre édition relative aux 115e et 116e journées).

Il concède que ses estimations d'un nombre de cigarettes fumées au-delà duquel un fumeur a plus de 50 % de probabilité que le tabagisme soit la cause de sa maladie (une des quatre maladies nommées dans le jugement autorisant les recours collectifs) pourraient être légèrement relevée en fonction de quelques paramètres changés.

(Les quatre maladies sont, souvenons-nous : le cancer du poumon, le cancer du larynx, l'emphysème et le cancer de la gorge, défini parcimonieusement comme l'oropharynx et l'hypopharynx seulement.)

Cependant, étant donné l'exposition totale à la fumée de tabac observée dans les réponses données par les patients aux questions posées par les cliniciens qui ont établi le diagnostic, très peu de ces fumeurs victimes d'une de ces maladies ont consommé une quantité cumulative de fumée de tabac (mesurée en paquets-années) assez basse pour que le léger relèvement du seuil de consommation minimal estimé disqualifie un grand nombre d'entre eux pour d'éventuelles indemnités. Plus de 90 % de ces fumeurs malades (ou leurs héritiers) recevraient un dédommagement compensatoire si les cigarettiers sont jugées coupables.


Pour le professeur Siemiatycki, le tabagisme augmente tellement plus le risque d'être touché par une des quatre maladies que d'autres facteurs de risque comme la consommation d'alcool ou l'exposition à l'amiante, par exemple, que c'est comme de comparer la hauteur du mont Everest à celle du mont Royal, en se demandant « lequel ferait le plus d'ombre à l'autre ». Il n'est pas nécessaire d'utiliser un instrument de mesure finement gradué pour tirer une conclusion pratique, selon l'expert.

*
Aujourd'hui, mercredi, le tribunal a commencé d'entendre le témoignage du Dr Juan Carlos Negrete, un psychiatre expert du domaine de la dépendance, qui a enseigné à l'Université McGill durant plus de 40 ans et fait de la clinique à l'Hôpital général de Montréal, pas loin de là sur les flancs du mont ...

Royal. Bonne réponse.

Notre prochaine édition racontera les faits saillants de cette 129e journée.




127e jour - Imperial Tobacco a tenté de faire le procès du témoin Jeffrey Wigand (18 mars 2013)

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces au dossier de la preuve, voyez les instructions à la fin du présent message.

Au procès des trois principaux cigarettiers du marché canadien devant la Cour supérieure du Québec, la défense d'Imperial Tobacco Canada (ITCL) a procédé au contre-interrogatoire final du témoin de faits Jeffrey Wigand. Le bonhomme a une formation en chimie organique et en biochimie et est l'ancien vice-président à la recherche et au développement de 1989 à 1993 de Brown & Williamson, une défunte compagnie-soeur d'ITCL aux États-Unis, au sein de l'empire multinational British American Tobacco (BAT). (BAT est encore présente dans l'industrie du tabac aux États-Unis, mais à travers le groupe R. J. Reynolds.)

Jeffrey Wigand en 2007
Le témoin Wigand était comparu en décembre dernier (92e jour et 93e jour) devant le juge Brian Riordan, et la défense d'ITCL avait exigé de lui qu'il produise une flopée de documents, principalement sur ses finances personnelles et celles de la fondation charitable qu'il a créée et qui l'a souvent employé comme conférencier, Smoke-free Kids. Après moins de deux jours de témoignage et de débats entre avocats, le juge Riordan avait alors demandé à M. Wigand de revenir en février avec un certain nombre de ces documents. Entre temps, les parties ont convenu de plutôt faire revenir ce témoin en mars.

Au vu de la nature des documents demandés, il était vraisemblable que le contre-interrogatoire par la défense de la compagnie de la rue St-Antoine à Montréal serait une sorte de procès d'un messager de nouvelles dérangeantes, et c'est bien à une tentative de ce genre qu'on a assisté lundi.

Globalement, l'examen des finances récentes de Jeffrey Wigand porte à déduire que le bonhomme de 70 ans a survécu ces dernières années grâce la sécurité de la vieillesse (social security). C'est une situation différente de celle de William Farone, un autre chimiste qui a lui aussi dirigé des recherches au sein de l'industrie, qui a été déçu par cette dernière, et qui a témoigné la semaine dernière au procès de Montréal après bien d'autres procès, mais qui touche sa pension de Philip Morris USA, et que la filiale de Philip Morris International au Canada, autrement dit Rothmans, Benson & Hedges, a semblé vouloir garder le moins longtemps possible devant le juge Riordan.


Le passé du témoin

Me Deborah Glendinning d'ITCL a notamment posé des questions au témoin sur l'emploi qu'il occupait juste avant d'entrer chez le cigarettier Brown & Williamson: président et chef des opérations de Biosonics, un fabricant de matériel médical. (Le passage plus ancien de Wigand dans l'industrie pharmaceutique n'a intéressé personne.)

L'avocate a fait verser au dossier de la preuve en défense le compte-rendu d'une réunion de la direction de Biosonics en 1988 ainsi qu'une très longue lettre ouverte parue dans un magazine le 8 février 1996 et signée par le président du conseil d'administration et chef de la direction de l'entreprise à l'époque où Wigand y était, Jack Paller.  La lettre présente la démission de M. Wigand de Biosonics comme un congédiement. M. Paller parlait aussi de ce que Jeffrey Wigand avait mis dans son curriculum vitae à une époque postérieure à son passage chez Biosonics. (Ces documents seront bientôt disponibles comme les autres dans la banque de documents relatifs au procès.)

Comme lors d'autres de ses témoignages lors de procès de l'industrie du tabac aux États-Unis, M. Wigand a contesté la véracité et l'honnêteté du compte-rendu et a aussi affirmé qu'il avait voulu quitter Biosonics après avoir compris que cette compagnie, dont il n'approuvait pas la qualité des relations avec la Food and Drug Administration, ne respectait pas non plus les règlements de l'autorité américaine des valeurs mobilières (la Securities and Exchange Commission ou SEC) quant à la divulgation de l'information financière au public. M. Wigand s'est aussi demandé comment M. Paller avait lu son curriculum vitae mis à jour, sinon parce que Brown & Williamson le lui avait transmis (Cet épisode se passe il y a 17 ans, quand ni Wigand ni personne ne mettait son curriculum vitae en ligne. Internet était une curiosité à peine connue hors de cercles restreints.)

Lorsque le contre-interrogatoire de Me Glendinning a été fini, le procureur Bruce Johnston des recours collectifs a fait verser au dossier la lettre de démission de M. Wigand de Biosonics et son explication écrite antérieures à la réunion précitée et un article du Wall Street Journal du 1er février 1996, c'est-à-dire trois mois après une entrevue que Jeffrey Wigand avait accordé à l'animateur Mike Wallace de l'émission 60 minutes de CBS et que la chaîne de télévision hésitait alors encore à diffuser. L'article du WSJ fait état d'une campagne de salissage de Jeffrey Wigand financée par Brown & Williamson, campagne dont l'initiative de M. Paller semble avoir été une manifestation tardive.

(Quelques recherches en ligne effectuée lundi permettent de voir qu'en 2001, la SEC a déposé une plainte devant la justice en rapport avec le défaut qu'avait fait Biosonics de déposer un rapport financier annuel en bonnes et dues formes pour 1999.  En 2004, la SEC a suspendu les transactions boursières sur les actions de Biosonics. On voit parfois de la fumée sans feu, mais les soupçons de M. Wigand sur les pratiques irrégulières de l'entreprise paraissent rétrospectivement fondées sur une certaine réalité que le persiflant M. Paller se gardait bien de signaler.)


Le boomerang mal contrôlé

En 2006, une juge d'un tribunal de première instance dans le district de Columbia, l'honorable Gladys Kessler, a rendu un jugement sur une affaire opposant le Procureur général des États-Unis à l'industrie de la cigarette, qui avait commencé en 1999. (L'ensemble des documents relatifs à cette cause est accessible sur le site du ministère de la Justice des États-Unis.)

La sentence, une dizaine de milliards de dollars, a été reçue comme un petit coup de règle sur les doigts par l'industrie américaine, mais le verdict était accablant, et l'industrie n'est jamais parvenu à le faire renverser.  Ce verdict de la juge Kessler, comme s'en souvenait avec justesse le témoin Wigand, c'est que l'industrie américaine du tabac s'est comporté durant plusieurs décennies comme une organisation criminelle, ou pour le dire dans les termes de la loi américaine, comme un « racket ».

Dans son volumineux jugement, la magistrate américaine a aussi varlopé la profession juridique et plusieurs témoins.  Elle n'a pas trouvé Jeffrey Wigand très convaincant quant à sa version de ce qui s'est passé chez Brown & Williamson et dans d'autres filiales du groupe BAT à la suite de la réunion de responsables scientifiques de l'empire multinational à Vancouver en septembre 1989.

En vertu de la théorie qui veut que rien ne parle plus éloquemment à un juge qu'un autre juge, Me Glendinning a cru bon d'attirer l'attention du juge Riordan sur l'opinion de la juge Kessler.

Mais quand Me Johnston, en interrogatoire complémentaire, a repris un à un plusieurs passages du jugement Kessler, il est apparu que la juge a considéré comme avéré plusieurs faits que le témoignage de l'ancien vice-président à la recherche et au développement de B & W avait permis aux procureurs du ministère de la Justice d'exposer au tribunal. Bref, le jugement Kessler a peut-être aidé à crédibiliser le témoignage de Jeffrey Wigand dans le présent procès au Québec, au lieu de lui nuire. 


Le ton du contre-interrogatoire

Il est au-delà des ambitions de ce blogue d'enquêter pour savoir qui répartit les rôles entre avocats dans la défense de chaque cigarettier. On peut cependant observer que deux avocates ont été le plus souvent en première ligne de la défense d'ITCL depuis un an: Suzanne Côté et Deborah Glendinning.

Pour plaider les requêtes comme pour contre-interroger un témoin ou argumenter avec ses confrères de la partie demanderesse, Me Côté est comme un poisson dans l'eau et ne semble pas refuser non plus de jouer un rôle déplaisant à l'occasion, s'il le faut.

Handicapée par sa mauvaise compréhension du français, Me Glendinning s'est vu attribuer ou s'est attribué elle-même le rôle de la méchante qui mitraille les objections lors d'une bonne portion des témoignages en langue anglaise (seuls 15 % des témoignages sont en français jusqu'à présent), ou qui explique à l'autre partie et au juge pourquoi ITCL veut ceci ou ne veut pas cela.

En contre-interrogatoire, peut-être est-il de bonne guerre pour un avocat de faire semblant d'être bête en faisant mine de ne pas comprendre les réponses d'un témoin, dès qu'elles ne commencent pas par un oui ou un non, ou même quand elles commencent par un oui ou un non mais ajoutent quelques détails.

Me Glendinning a cependant joué lundi son rôle d'avocate bête avec un tel degré de conviction qu'on peut se demander si elle joue.  Ce n'était pas la première fois lundi que l'avocate donnait l'impression de ne pas toujours comprendre les commentaires et avis du juge Riordan, qui prend pourtant soin de s'adresser à elle en anglais.

Le juge a aussi averti à plus d'une reprise le témoin Wigand de répondre aux questions de Me Glendinning et d'attendre un complément d'interrogatoire par les avocats des recours collectifs s'il voulait donner des explications dont l'avocate d'ITCL ne voulait pas. De fait, Me Glendinning n'acceptait pas facilement les réponses qui ne cadraient pas avec son formulaire implicite. L'avocat Bruce Johnston des recours collectifs, et plus souvent encore le juge Riordan lui-même ont à quelques reprises fait remarquer à l'avocate d'ITCL que le témoin avait répondu à sa question.


Trois documents enfin accessibles

Depuis des mois, il a été question au procès de Montréal de certains mémorandas de l'avocat J. Kendrick Wells III de Brown & Williamson et de l'avocat Nick Cannar de BAT à Londres. Le juge Riordan a annoncé lundi sa décision d'autoriser leur versement dans le dossier de la preuve en demande.

Dans l'un de ces documents (pîèce 1467.1), daté de janvier 1985, l'avocat américain parle de purger les archives de la compagnie du Kentucky du « bois mort » et identifie ledit bois mort comme des études scientifiques effectuées chez ITCL au Canada, lesquelles concernaient notamment les méfaits sanitaires du tabagisme.

Dans un second document (pièce 1467.2), celui-là daté de novembre 1989 (et donc contemporain de la présence de Jeffrey Wigand chez B &W), Me Wells s’inquiétait de ce que des documents qui sortiraient dans des litiges au Canada aboutissent devant les tribunaux aux États-Unis. (Ironiquement, ce fut plutôt le contraire, grâce à la décision du juge Jean-Jude Chabot de la Cour supérieure du Québec, décision qui fut saluée comme une victoire par les défenseurs d'ITCL dans leur correspondance avec leurs homologues de l'empire BAT.)

Le troisième document (pièce 1467.3), signé par Nick Cannar et daté de janvier 1990, montre la ligne de conduite que BAT entend suivre pour éviter que les recherches de BAT conservées à Montréal aboutissent dans le domaine public à la suite d'un accident judiciaire.

Avant le jugement de l'honorable Brian Riordan, ces documents étaient déjà accessibles aux internautes par le truchement de la bibliothèque Legacy, mise sur pied à la suite d'ententes à l'amiable intervenues en 1998 aux États-Unis et concernant la divulgation de documents internes des compagnies de tabac. Le 20e siècle semble s'achever enfin au Canada.


* *  * *  * *

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jeudi 14 mars 2013

125e et 126e jours - Un autre chimiste qui rêvait de rendre les cigarettes inoffensives (13 et 14 mars)

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces au dossier de la preuve, voyez les instructions à la fin du présent message.

Avant Jeffrey Wigand et comme bien d'autres hommes pourvus d'un doctorat en chimie, William Anthony Farone croyait que le cigarettier qui l'embauchait, -- pour lui c'était Philip Morris USA en 1976, -- pouvait et voulait mettre sur le marché des produits qui ne fassent pas de dommages à la santé. Le défi professionnel était des plus excitants.

(Les chimistes ne sont pas les seuls scientifiques à avoir rêvé que l'industrie du tabac puisse et veuille mettre en marché des produits inoffensifs. Un documentaire sorti à la fin de janvier 2012, Addiction Incorporated, raconte notamment le rêve (et la déception) de Victor DeNoble, un docteur en psychologie expérimentale engagé en 1979 par Philip Morris, à l'époque où William Farone y oeuvrait (extrait de l'interview de Farone visible dans ce même film). Grâce entre autres à ses expériences avec des rats, Victor DeNoble a tiré beaucoup de choses au clair quant à la puissance et aux mécanismes d'action de la nicotine. En témoignant devant le Congrès des États-Unis en 1994, M. DeNoble a ouvert la voie de la sortie publique au cas plus célèbre, grâce à Hollywood, du chimiste Jeffrey Wigand.)

William A. Farone
Le rêve de ces scientifiques a vécu. Et maintenant, ils conseillent les pouvoirs publics, sensibilisent les écoliers aux ruses de l'industrie et témoignent en justice contre leurs anciens employeurs. Wigand viendra la semaine prochaine terminer son témoignage commencé en décembre devant le juge Brian Riordan de la Cour supérieure du Québec. Farone est comparu plus de 120 fois devant des tribunaux au cours du dernier quart de siècle, parfois comme expert, parfois comme témoin de faits, comme maintenant dans le procès des trois principaux cigarettiers du marché canadien.

Le chimiste et ancien directeur de recherches chez Philip Morris, qui a plus tard fondé en Californie une entreprise qui en aide parfois d'autres à mettre au point des produits plus sûrs pour les consommateurs, était présent mercredi au palais de justice de Montréal sans même avoir demandé d'argent aux avocats, sauf pour ses frais de déplacement.

(curriculum vitae de W. A. Farone)

M. Farone a répondu avec une assurance tranquille aux questions du procureur Philippe H. Trudel des recours collectifs de victimes des pratiques de l'industrie, puis de Simon V. Potter, avocat de Rothmans, Benson & Hedges (RBH), la filiale canadienne de Philip Morris International.

Me Nancy Roberts, qui défend Imperial Tobacco Canada (ITCL), a rapidement terminé jeudi matin le contre-interrogatoire avancé la veille par son collègue de RBH. La défense de JTI-Macdonald n'a pas eu de questions à poser. Au bout de moins de vingt-cinq minutes, le juge Riordan a pu donner son congé au témoin Farone. Deux jours avaient été prévus pour sa comparution, et la moitié de ce temps aura suffi.

(Petit rappel: Quand Benson & Hedges et Rothmans ont fusionné leurs activités au Canada en 1986, et engendré RBH, l'empire Philip Morris, qui possédait déjà B & H au Canada, a fait un pas dans le sens d'une absorption graduelle de Rothmans dans le monde. Les derniers morceaux de cette défunte multinationale du tabac furent avalés en 2008. Entre temps, tous les actifs de Philip Morris Inc en dehors des États-Unis furent réunis sous la coupe de Philip Morris International (PMI) de Lausanne en Suisse, alors que les actifs dans le monde du tabac aux États-Unis demeuraient sous le contrôle d'Altria, un holding dont la principale filiale est Philip Morris USA, basée à Richmond en Virginie. PMI et Altria sont toutes deux cotées à la Bourse de New York, et ont les mêmes actionnaires, mais sont juridiquement distinctes, un cloisonnement qui met théoriquement PMI à l'abri de litiges aux États-Unis. PMI dans l'ensemble du monde hors des États-Unis, et Philip Morris USA au pays de l'oncle Sam sont toutes deux premières sur leur marché respectif, notamment grâce à la célèbre marque Marlboro. Au Canada, par contre, RBH arrive au second rang pour la part du marché. C'est le numéro 2 mondial, British American Tobacco, qui domine par sa filiale ITCL.)


Un autre initié

En 1965, au sortir d'un doctorat en chimie (Ph. D.) de l'Université Clarkson, située dans l'État de New York à 170 km de Montréal, William Farone s'est joint durant une dizaines d'années aux chimistes de chez Lever Brothers, filiale d'Unilever, une multinationale active dans l'univers de l'alimentation et des produits d'hygiène personnelle avec notamment des marques comme Becel, Breyers, Hellmann's, Knorr, Lipton, Red Rose, Dove, Lever, Noxzema, Pepsodent, Q-Tips et Vaseline.

M. Farone a témoigné que du temps où il travaillait chez le cigarettier Philip Morris (1976-1984) et au-delà de la période, les connaissances scientifiques développées par la maison-mère aux États-Unis (organigramme détaillé de la vice-présidence à la recherche et au développement dans la pièce 1451), ou par une filiale à l'étranger, parvenaient aux autres entités de l'empire notamment par une structure appelée Philip Morris Tobacco Technology Group. (organigramme détaillé dans la pièce 1452)

Malgré la faiblesse relative de leurs ressources consacrées à la recherche et au développement, comparée aux ressources d'ITCL, Benson & Hedges (Canada), puis RBH, n'étaient donc pas condamnées à l'ignorance et à l'obsolescence face à la concurrence, car les équipes scientifiques en Virginie étaient abondantes et capables, ce que M. Farone n'a eu aucune hésitation à reconnaître lors du contre-interrogatoire.

(Lors d'une pause, M. Farone a dit à votre serviteur que de son temps, il parvenait à publier dans des revues savantes des résultats de recherche de l'industrie sans s'attirer les foudres des avocats de la compagnie.  (...mais peut-être pas sans que la chose soit remarquée, pourriez-vous penser).

William Farone n'a jamais donné de directives aux chimistes canadiens mais il diffusait l'information et répondaient aux appels des confrères ou aux commandes des hauts dirigeants. Cela incluait les renseignements concernant la toxicité des additifs ou le caractère toxicomanogène de la nicotine.

Depuis le début du procès il y a un an, plusieurs défenseurs des cigarettiers ont invoqué l'absence de pertinence, dans un procès de l'industrie canadienne du tabac, de témoignages et de documents concernant des phénomènes et événements survenus dans l'industrie américaine du tabac. Mercredi, le juge Riordan a de nouveau écarté ce genre d'objections, et trouve pertinent d'en savoir davantage.

William Farone a témoigné devant le juge qu'il n'y avait pas de controverse chez les scientifiques du groupe Philip Morris au sujet de la dépendance et des maladies engendrées par l'usage du tabac. Tout le monde avait les yeux bien en face des trous.

Pour les chimistes, a fait valoir le témoin, la distinction entre habituation (habituation) et dépendance (addiction) ne fait aucune différence pratique: on parle à chaque fois d'une molécule de nicotine et de récepteurs au cerveau.

L'ancien cadre de Philip Morris a parlé des recherches de sa compagnie qui montraient que l'acétaldéhyde avait pour effet de renforcer l'effet de la nicotine sur le cerveau, et que l'ajout de sucre aux mélanges de tabac permettait d'augmenter la quantité d'acétaldéhyde dans la fumée. De l'acétaldéhyde qui se retrouverait dans le tube digestif serait converti en vinaigre par l'action du foie, ce qui limite l'intoxication. Inhalé et introduit dans le sang au niveau des poumons, l'acétaldéhyde s'ajoute sans frein aux autres substances toxiques contenues dans la fumée du tabac, mais arrive aussi rapidement au cerveau que la nicotine elle-même. (voir les pièces 1455145714581459)

William Farone a aussi brièvement parlé de recherche sur les effets de la nicotine avec des sujets humains. (pièce 1461r) Il en ressortait que la nicotine aidait à accomplir certaines tâches humaines, ou que la privation de nicotine chez des fumeurs les rendait moins capables d'accomplir les mêmes tâches. Si la première interprétation avait été la bonne, l'industrie tenait là un argument favorable à l'usage du tabac. L'industrie semble avoir manqué de conviction...


Un monde scientifique à part

Même si William Farone a eu, durant son passage dans l'industrie, l'occasion de faire avancer des recherches scientifiques dont il est encore fier, son travail ne s'effectuait pas pour autant dans des conditions auxquelles sont habitués les chimistes universitaires, et même des chercheurs de l'industrie tenus de protéger des secrets de fabrication.

L'ancien cadre de Philip Morris a raconté qu'il obtenait de consulter certaines études sur la toxicité de certaines substances en les demandant à son supérieur, qui les conservait et les lui livrait en dehors du bureau, ce qui aurait permis à la compagnie de dire, lors d'une éventuelle collection judiciaire de documents, de dire qu'elle n'avait pas en sa possession lesdites études. Au secours Kafka, Soljenitsyne et Le Carré !

*

La journée de travail des avocats ne s'est pas terminée jeudi avec le départ hâtif du témoin californien. Par les soins des juristes Gabrielle Gagné, Pierre Boivin et André Lespérance, surveillés de près par les avocats de la partie défenderesse, d'autres documents ont été versés au dossier de la preuve en vertu de l'interprétation du juge Riordan de l'article 2870 du Code civil du Québec. Certains étaient déjà dans le dossier de la preuve, mais en vertu d'un jugement par Brian Riordan le 2 mai. D'autres sont de nouvelles briques à l'édifice intellectuel.

Le public a désormais accès à plus de 2600 pièces au dossier de la preuve, et ce n'est qu'un début. ;-)

Nous en reparlerons dans une édition prochaine.


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mercredi 13 mars 2013

124e jour - La croyance qu'avait le public québécois dans les méfaits sanitaires du tabagisme (12 mars 2013)

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces au dossier de la preuve, voyez les instructions à la fin du présent message.

L'expert en sondage de populations Christian Bourque est revenu mardi devant le tribunal de Brian Riordan pour déposer un complément à son rapport d'expertise, conformément à ce qui avait été convenu lors de sa comparution écourtée en janvier.

Me Suzanne Côté, qui assure la défense de la compagnie Imperial Tobacco Canada, a procédé à un contre-interrogatoire en profondeur dont il est présentement difficile de discerner l'intérêt pour sa cliente. Presque toute la journée de mardi s'est écoulée à examiner la méthodologie utilisée par le vice-président à la recherche de Léger Marketing dans son analyse, et la méthodologie des firmes de sondages engagées par Imperial, et à passer en revue toutes les difficultés du métier et les précautions à prendre. Le témoin-expert de 46 ans est apparu en pleine possession de son art et a accueilli les questions sans exprimer la moindre impatience.

Il faut se rappeler que le rapport d'expertise de Christian Bourque, comme celui de l'historien Robert Proctor, ont été jugés utiles par les avocats des collectifs de victimes des pratiques de l'industrie pour contrer l'argument de fond de cette dernière que « tout le monde savait » les méfaits du tabac, sous prétexte que les journaux en ont souvent parlé depuis 1950. L'un et l'autre rapport ont comme effet de faire paraître singulièrement sommaires les rapports d'expertise des historiens sur les articles de journaux, des rapports que les cigarettiers ont commandés en vue de leur défense.

Le rapport Bourque montre que, dans les sondages qu'Imperial Tobacco faisait faire auprès des fumeurs, la perception du risque a augmenté au fil des décennies, ce qui suffirait déjà à prouver que tout le monde n'a pas toujours su le danger, ou cru au danger. C'est ainsi que, par exemple, la proportion des fumeurs au Canada qui déclaraient que fumer est dangereux pour n'importe qui est passée de 48 % en 1971 à 79 % en 1991.

Le rapport montre aussi que la perception ou la croyance souffrait d'un relativisme fort commode. Ainsi, plusieurs fumeurs qui déclaraient croire que fumer est dangereux pour tout le monde, et pas seulement pour les gros fumeurs ou les malades, croyaient aussi qu'ils pouvaient personnellement fumer quotidiennement un certain nombre de cigarettes supérieur à zéro, sans danger.

Le complément au rapport de M. Bourque qui vient d'être versé au dossier de la preuve (pièce 1380.2) confirme que les fumeurs québécois, dans leurs réponses aux sondeurs de l'industrie, en savaient moins long ou étaient moins convaincus des méfaits du tabac que les fumeurs du reste du Canada. Les écarts de perception au Québec et dans le ROC (reste du Canada) étaient statistiquement significatifs.

extrait du rapport d'expertise basé sur les sondages que faisait faire l'industrie

On peut notamment remarquer qu'environ un quart de siècle après les articles antitabac de Reader's Digest dont les anciens cadres et employés de l'industrie se souviennent si souvent à la barre des témoins, tout le monde ne savait pas encore, en particulier au Québec.

Les juristes Simon Potter, pour Rothmans, Benson & Hedges, puis Catherine McKenzie, pour Japan Tobacco InternationaI-Macdonald, ont aussi contre-interrogé l'expert Bourque.

Me Potter a semblé vouloir faire apparaître un certain manque de précision ou d'objectivité dans des déclarations faites par le vice-président de Léger Marketing lors du dévoilement des résultats de tel ou tel sondage, notamment sur la politique énergétique du Canada . Christian Bourque a bien concédé dans un cas une sur-simplification non justifiée, mais il a dans l'ensemble fait valoir la distinction entre ce que sa firme trouve et  l'usage plus ou moins tapageur que le client en fait.

L'expert Bourque a expliqué que dans un sondage sur un enjeu de politiques publiques, un résultat de 80 % d'approbation ou de désapprobation est rare et justifie des conclusions fortes, et qu'il est très rare de voir des chiffres approchant davantage le 100 %.

Quand Me Potter a voulu connaître un exemple d'une croyance où le score frôlerait le 100 %, M. Bourque a invoqué la possibilité d'une question sur la rotondité de la Terre.

Oups ! Me Potter a sorti de son chapeau un sondage réalisé aux États-Unis où on voyait qu'environ 20 % des répondants soutiennent que le Soleil tourne autour de la Terre, plutôt que l'inverse.

M. Bourque a ricané mais n'a pas manqué de remarquer que les réponses pourraient être différentes au Canada. Ironiquement, Me Potter est rarement le dernier à dénoncer l'absence de pertinence de tel ou tel document quand il ne concerne pas exclusivement des entités canadiennes ou des phénomènes au Canada.

Me McKenzie est monté au créneau pour mettre sous le nez de l'expert les résultats d'un sondage réalisé au Canada et qui montre que seulement 80 % des répondants savent qu'il y a dix provinces dans ce pays, ce qui n'empêche pas de dire que tout le monde sait cela.

Personne n'a remarqué que si cette ignorance avait une conséquence sur l'état de santé du répondant, il pourrait être utile de publier des mises en garde sanitaires illustrées.

La journée a été plus longue que de coutume. Le juge Riordan avait fermement exclu de faire revenir M. Bourque.

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Le procès en responsabilité civile des trois principaux cigarettiers du marché canadien dure depuis maintenant un an. Environ 27 milliards $C leur sont réclamés en dédommagements compensatoires et en pénalités. Les cigarettiers sont accusés notamment d'avoir dissimulé leur connaissance des risques de maladie dues à l'usage du tabac et d'avoir alimenté de fausses controverses scientifiques sur la réalité des méfaits sanitaires de leurs produits.

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Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par

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mardi 12 mars 2013

114e + 123e jours - Mr Knox out of the box (14 février et 11 mars)

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces au dossier de la preuve, voyez les instructions à la fin du présent message.

Les francophones disent qu'il faut garder l'esprit ouvert, voir plus loin que son nez, ne pas mettre d’œillères. Les anglophones disent qu'il faut « penser hors du cadre « (to think out of the box).

À 71 ans, Wayne Knox semble ne jamais avoir oublié cela, et tant pis si la grande corporation, typiquement, n'est pas un milieu idéalement accueillant pour les esprits libres et les préfère, occasionnellement, sous la forme de consultants.

Quand on entend Wayne Knox dire qu'Imperial Tobacco Canada, à l'époque où il y était cadre, ne cherchait pas à vendre à des non-fumeurs, on se dit : pas encore un autre pour tenter de nous faire accroire que le seul but du marketing chez un cigarettier était de voler de la clientèle aux concurrents, qui ne pensait pas à empêcher les fumeurs de décrocher ou qui ne pensait pas à recruter de nouveaux fumeurs chez les jeunes?

Eh bien, non, monsieur Knox dit cela parce qu'il sait et reconnaît facilement que plusieurs jeunes bien en-dessous de l'âge légal sont déjà des fumeurs, par le simple effet de l'imitation des adultes et des pairs. Parmi les documents examinés dont Knox est l'auteur, on en trouve un du milieu des années 1970 où il rapporte que 20 % des fumeurs commencent entre 15 et 18 ans, 50 % avant cela. 30 % le font après 18 ans. Il est difficile de croire que M. Knox était le seul à savoir cela dans l'univers des cigarettiers.

Knox ne fait pas seulement que reconnaître que les compagnies observent avec un vif intérêt les nouvelles recrues, on sent que le bonhomme n'aurait pas eu de remords à faire ouvertement des campagnes de marketing auprès des jeunes fumeurs, puisqu'ils étaient fumeurs de toutes façons.  En revanche, les patrons de l'expert en marketing craignaient de s'attirer les foudres du gouvernement, et ils n'ont rien voulu savoir. Knox s'est dit ou se dit qu'Imperial faisait assez de profit sans cela.

Les autres témoins issus de l'industrie, qui ont parfois des trous de mémoire fort commodes, se souviennent toujours par coeur d'une ritournelle du genre « nous faisions des cigarettes à basse teneur en goudron et le gouvernement avait fait accroire aux consommateurs que c'était plus sûr, nous nous n'avons jamais dit cela...  Le croyiez-vous ? Je ne sais pas ce qu'on croyait, ou (variante) on n'y pensait pas....».

Knox, lui, croyait que les cigarettes à basse teneur en goudron étaient effectivement plus sûres pour la santé. Pour lui, il n'y a pas de différence entre les deux. Pourtant, la compensation, il connaît cela aussi, des mémorandas en parlaient dès le début des années 1970 (exemple : pièce 1022), et les avocats n'ont pas besoin de détour pour lui faire admettre la réalité du phénomène. Pour lui, la compensation est un accident, un phénomène qui n'était pas prévu par l'industrie, et il ne croit pas que les fabricants aient machiné le phénomène. Il n'a pas dit non plus qu'ils ont fait quoi que ce soit pour empêcher le phénomène.

Désinvolte, chaleureux, taquin, curieux, passant la moitié de sa semi-retraite en Thaïlande, Wayne Knox est le premier témoin à avoir occupé un poste dans l'industrie canadienne du tabac et dont celle-ci n'a apparemment pas formaté du tout le cerveau, peut-être parce qu'il a quitté le monde des cigarettiers dès 1985 pour travailler ailleurs, d'abord dans le marketing de la restauration-minute.  Il est tout de même parfois revenu conseiller son ancien employeur, et même jusqu'à ces dernières années.

Knox croyait en son produit en général, il croyait qu'il était de moins en moins toxique, et pourtant il entrevoyait aussi le déclin de l'industrie de la cigarette, sous l'influence combinée d'une acceptabilité sociale en pleine chute et de taxes élevées.
extrait de la pièce 1448 (W. Knox est l'auteur)

Il y a trente ans, Knox remarquait que les fumeurs n'étaient déjà plus capables de trouver des bénéfices au tabagisme. Il ne fait pas la distinction subtile et artificieuse de plusieurs cadres du tabac entre une dépendance dite classique (addiction) et la dépendance de la « nouvelle définition ». (dependency) (« nouvelle » vieille d'un minimum de 25 ans dans les documents d'autorités comme le Surgeon General des États-Unis, mais vieille de 49 ans chez les spécialistes de la dépendance (voir le témoignage à venir de l'expert Juan Negrete).

Une bonne partie de la journée du 14 février a consisté à interroger le témoin Knox au sujet d'une brique de 500 pages relative à un colloque interne à l'empire British American Tobacco tenu au Québec en juillet 1984  (pièce 1366.2).  M. Knox était l'un des deux principaux organisateurs de ce colloque.

Me Bruce Johnston a mené l'interrogatoire. Il a terminé en début d'après-midi lundi 11 mars.
On parle d'interrogatoire, mais l'avocat avait parfois l'air d'un intervieweur de la télévision qui a bien préparé ses questions et reçoit des réponses intéressantes, mais qui a aussi le bonheur de voir son invité prendre occasionnellement les devants et proposer lui-même une explication supplémentaire ou verser dans la confidence.

(Du temps où il vivait à Montréal, M. Knox a déjà donné des cours à l'École des Hautes études commerciales. Ces jours-ci, sa démangeaison d'enseigner est si forte qu'avant le début de l'interrogatoire de lundi, il a discrètement remis à la blogueuse Cynthia Callard (Eye on the trials) des diagrammes manuscrits où sont comparés la structure organisationnelle d'un département de marketing classique à la Procter & Gamble et celui qu'avait ITCL durant la majeure partie du séjour de M. Knox dans l'entreprise. Le professeur Knox a brièvement expliqué que la structure inventée par le grand de la lessive (P&G) en 1938, et imitée sans discernement par toutes les grandes corporations du monde, mettait les gérants de marque en concurrence, une concurrence stérile, en particulier pour les budgets publicitaires, alors que l'autre modèle, forçait les acteurs de l'entreprise à planifier avec une vue d'ensemble. Knox a dit à Mme Callard et à votre serviteur que lorsque British American Tobacco a accru son contrôle direct sur ITCL, au milieu des années 1990, l'expérience d'une structure originale dans l'entreprise canadienne a pris fin, sans avoir été imitée dans d'autres grandes entreprises.)

Le contre-interrogatoire prévue par l'industrie a été d'une remarquable brièveté. Me Glendinning d'Imperial a fait dire au témoin Knox qu'il avait refusé de la rencontrer avant sa comparution, et puis s'est rassise. Me Potter de Rothmans, Benson & Hedges a fait dire à M. Knox qu'il n'avait jamais partagé ses analyses et découvertes avec la concurrence d'Imperial. Il faudrait apparemment en conclure que RBH ne savait rien. Bref, RBH serait moins coupable qu'Imperial du fait de l'incompétence de son département de marketing. Tous les brillants marketeurs du genre Kalhok, Bexon et Knox étaient chez Imperial. Ouf.

*

Knox n’a jamais su qu'on pouvait penser à détruire des documents et il n’aurait jamais jugé utile la destruction de la brique ci-haut mentionné « qui ne contenait rien de compromettant ».

L'expert en marketing a aussi rapporté sa difficulté d'obtempérer aux directives des bibliothécaires d'Imperial qui se plaignaient de ne pas revoir certaines études empruntées par Wayne Knox, et que celui-ci était le seul à pouvoir retrouver dans son bureau bien rempli et désordonné (pour autrui). Knox a mentionné le souci des bibliothécaires de faire de la place au centre de documentation. Étrangement, ce souci du manque d'espace aurait pu les rendre heureuses que M. Knox garde des documents dans son bureau...

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Quand il a commencé à travailler chez Imperial au début des années 1970, Knox a constaté avec étonnement que la compagnie n'avait jamais interrogé les fumeurs sur leurs raisons de fumer. Lui trouvait que c'était une bonne question à se poser. (pièce 1041)

***

Il y a plusieurs moyens de segmenter un marché, selon le témoin Knox.  Sous sa direction, les marketeurs d'Imperial se sont notamment mis à tenir compte du lieu où telle ou telle marque est vendue.  Vers 1985, grâce à un traitement avant-gardiste (informatisé) d'une masse de données, la compagnie savait que les Player's se vendaient bien dans telle sorte de magasin et les Matinée dans une autre sorte de points de vente, fréquentés par une clientèle différente. C'est ainsi qu'elle savait que l'endroit privilégié où rejoindre les jeunes hommes fumeurs est le dépanneur. Les arénas étaient aussi dans le collimateur de l'industrie, selon M. Knox

Depuis le début du procès, il y a maintenant un an, des témoins issus des entreprises concurrentes d'Imperial ont noté que cette compagnie occupait un maximum d'espace visuel dans les dépanneurs. Maintenant on sait que ce n'était pas par hasard.

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Comme son ancien patron Anthony Kalhok (témoignage d'avril), Wayne Knox croit que les recommandations sanitaires du gouvernement du Canada au début des années 1970 étaient les suivantes : ne commencez pas à fumer; si vous fumez, arrêtez de fumer; si vous ne pouvez pas arrêter, fumez moins; si vous ne pouvez pas fumer moins, fumez des cigarettes légères ou douces.

Peut-être que les défenseurs des cigarettiers feront un jour verser au dossier de la preuve un document confirmant que telle était la politique du gouvernement du Canada, mais pour le moment, cette croyance a la vie facile.


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Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm


2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information
3) puis revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens au besoin,
ou
utiliser le moteur de recherche sur place, lequel permet d'entrer un mot-clef ou un nombre-clef et d'aboutir à un document ou à une sélection de documents.

lundi 11 mars 2013

122e jour - 7 mars - La ceinture et les bretelles, et la présence annoncée de Neil Collishaw

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces au dossier de la preuve, voyez les instructions à la fin du présent message.

Jeudi, les procureurs des recours collectifs de victimes de l'industrie du tabac ont continué de faire verser des documents au dossier de la preuve lors du procès devant le juge Brian Riordan de la Cour supérieure du Québec .

Banal ? Non pas si on prend conscience que ces documents étaient DÉJÀ pour la plupart dans le dossier de la preuve, mais en vertu d'un jugement qu'a rendu l'honorable Brian Riordan le 2 mai dernier, et qu'ils y seront désormais en vertu de ce jugement ET de l'article 2870 du Code civil du Québec tel qu'interprété par ce même magistrat à l'occasion de deux autres jugements, ceux-là rendus en janvier dernier (voir le jugement du 10 janvier qui est rédigé en français).

Les trois jugements concernent principalement des documents dont l'auteur et tous les destinataires sont morts, un phénomène courant lorsqu'il s'agit d'examiner la conduite de quatre (maintenant trois) compagnies de tabac durant une période qui commence en 1950 et finit en 1998.

Les procureurs de la partie demanderesse ont pris depuis le début de l'année 2013 la précaution de réenregistrer un maximum de pièces dites 2-M du dossier, au cas où le jugement du 2 mai serait l'objet d'un appel victorieux devant d'autres tribunaux.

Dans son jugement du 2 mai, le juge Riordan rendait une décision en application de l'article 403 du Code de procédure civile et en invoquant des jugements, de la doctrine et du gros bon sens. D'une certaine manière, le juge a en janvier rattaché encore plus solidement l'esprit de son jugement de mai au droit positif pointu en centrant son analyse sur l'article 2870 du Code civil du Québec. Théoriquement, cette interprétation pourrait elle aussi être contestée. Les cigarettiers devraient cependant renverser ce jugement ET celui du 2 mai.

Le plus triste est que cette entreprise de réenregistrement concerne l'authenticité ou la véracité des pièces, et non pas leur exactitude ou leur valeur probante. Personne ne dit encore : voilà ce que cette pièce-là ou cette pièce-là prouve. Le temps est à l'accumulation des munitions, et non à leur utilisation.

Autrement dit, il y a désormais dans le dossier de la preuve des documents vrais, authentiques, qui disent, par exemple, que le vice-président Machin-Truc de la compagnie Tabaco au Canada a vraiment écrit en 1975 à M. Machin-Chouette de la compagnie Tabaco International en Absurdistan pour lui dire que les cigarettes Bidule sont aussi toxiques que les cigarettes Patente. La question de savoir si les cigarettes Bidule sont plus ou moins toxiques que les cigarettes Patente n'est pas tranchée et elle ne le sera probablement pas lors de ce procès. Par contre, si un collègue de Machin-Truc dans la haute direction de Tabaco a écrit en 1974 à Mme Chose de l'aluminerie Alcoco que les cigarettes Bidule étaient moins toxiques que les cigarettes Patente, et que cette lettre authentique est aussi dans le dossier, les procureurs de la partie demanderesse pourront dire que quelqu'un s'est fait f...dire un mensonge, et ce sera un élément de leur preuve que les compagnies n'ont pas agi avec honnêteté.

Quand les procureurs des recours collectifs vont-ils exposer le fil conducteur entre toutes ces masses de documents qui sont authentiques ? Réponse : lors de leur plaidoirie, après que la défense aura elle-aussi fait entrer tous les documents et les témoignages dont elle a besoin pour contrer cette preuve.

En attendant, on peut seulement anticiper sur le dommage que les documents en question causeront à la réputation des cigarettiers.

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Le processus du réenregistrement n'est pas sans danger pour la partie demanderesse et sans bénéfice possible pour les défenseurs des cigarettiers. De temps en temps, après avoir entendu les représentations de la partie défenderesse, le juge sort une pièce du dossier au lieu de lui donner une autorisation supplémentaire d'y figurer. Le juge ne manquera pas de lecture pour autant.

La pièce 917, par exemple, a été retirée du dossier de la preuve. Il s'agissait d'une lettre de 1958 où le grand patron de Rothmans au Canada à l'époque, Patrick O'Neil-Dunne, racontait à son homologue d'une filiale australienne de l'empire Rothmans (maintenant absorbé par Philip Morris International) :

« À Londres, j'ai assisté tant à la session ouverte qu'à la session secrète du 7e congrès international sur le cancer.  La vue officielle des services de santé publique des gouvernements britannique et américain (aussi soutenue par les Russes et l'Allemagne de l'Est, sans parler de plusieurs pays plus petits), c'est que 
a) les médecins dans ces pays ne vont plus argumenter à propos d'un lien ou de l'absence de lien (entre le tabagisme et le cancer du poumon). Ils fonctionnent sur l'idée qu'il y en a un.
b) Statistiquement, le lien est absolu.
c) Chimiquement et biologiquement, le lien a été prouvé hors de tout doute sur des animaux.
d) Concernant la présomption que personne ne peut arrêter l'espèce humaine de fumer, la question est simplement de savoir ce que la profession médicale et l'industrie du tabac font faire à ce sujet. »

Grosso modo, aux yeux de Simon Potter, défenseur de Rothmans, Benson & Hedges, la qualité d'Australien en Australie du destinataire de la lettre enlève à cette lettre sa pertinence dans le procès actuel. Le juge a conclu de même, bien qu'on ne sache pas si c'est l'argument « down under » de Me Potter qui a fait mouche.

Le document en question ne figure pas dans la collection de la bibliothèque en ligne Legacy Tobacco Documents.  Fort heureusement, le document est accessible dans les archives de Médecins pour un Canada sans fumée.

Parlant de Médecins pour un Canada sans fumée...


L'oeil de Neil Collishaw

Jeudi, le juge Brian Riordan a autorisé les procureurs des recours collectifs à garder auprès d'eux, pour les conseiller durant les auditions, une des nombreuses personnes issues du milieu gouvernemental qui se trouvent dans la liste de celles que les défenseurs de l'industrie du tabac disent souhaiter faire venir à la barre des témoins à un moment quelconque de la prochaine année, durant la preuve en défense.

(Ce genre de liste contient le nom de certaines personnes dont on ne verra jamais la face, et il y aura des personnes qui ne sont pas encore annoncées mais que la défense voudra interroger. C'était pareil avec la liste des témoins que voulaient originalement convoquer les recours collectifs.  Il est impossible aux avocats de tout prévoir, surtout dans un procès d'une telle longueur.)

Le juge Riordan a cependant fixé des conditions : que le témoignage de l'ancien fonctionnaire fédéral en question ait été enregistré avant d'accomplir son mandat de consultant auprès de la partie demanderesse. Le magistrat a demandé aux défenseurs des cigarettiers de planifier la comparution de Neil Collishaw dès le début de la partie de leur preuve en défense qui concerne les responsabilités de la Couronne fédérale, afin qu'il puisse répondre aux interrogations des avocats sans être influencé par ce qu'il aurait pu entendre des autres témoins convoqués par la partie défenderesse.

Après cinq ans dans le journalisme de santé publique, il est très difficile pour votre serviteur d'imaginer que les bribes de souvenirs et les couplets appris par cœur de la plupart des témoins issus de l'industrie canadienne du tabac puissent influencer un observateur systématique et de longue date de cette industrie comme Neil Collishaw. Cependant, les témoins issus du milieu gouvernemental, -- et il n'y en a eu aucun jusqu'à présent --, pourrait théoriquement avoir plus de mémoire et d'audace. Parmi la vingtaine de témoins issus du milieu gouvernemental que l'industrie annonce vouloir interroger, il pourrait s'en trouver un qui ait à la fois une vue d'ensemble et un souvenir des détails, et qui attend d'aboutir devant un tribunal pour disculper enfin l'industrie du tabac, et qui n'aurait jamais rien écrit ou dit. Trouver un pareil oiseau rare serait assurément un coup de théâtre dans un procès.

En fin de compte, les précautions imposées par le juge relèvent cependant des usages courants lors des procès. Les avocats des recours collectifs pouvaient demander plus au juge mais ne pouvaient pas raisonnablement espérer plus.

L'industrie, qui semble toujours souhaiter rejeter le blâme de sa conduite sur le gouvernement fédéral canadien, a tout intérêt à tenir loin des tribunaux les hommes qui en démêlent autant ou davantage que Collishaw, car ils peuvent être des témoins redoutables. Par contre, un témoin ne fait qu'une brève apparition alors qu'un conseiller des avocats, lui, reste dans les parages longtemps. Alors si un rôle exclut l'autre, on comprendra les deux parties adverses de voir les risques différemment.

Me Catherine McKenzie, pour le compte de JTI-Macdonald, a tenté de convaincre le juge qu'il ne fallait pas faire grâce aux demandeurs d'utiliser un des témoins « de l'industrie » (c'est-à-dire sur la liste de l'industrie).

Dans le monde de la lutte contre le tabagisme au Canada, grande est la renommée de Neil Collishaw, qui travaille depuis plus de vingt ans aux recherches sur l'industrie du tabac de l'organisme Médecins pour un Canada sans fumée, et qui a publié moult découvertes. Avant cela, sa carrière l'a fait travailler pour le ministère fédéral canadien de la Santé à Ottawa, et pour l'Organisation mondiale de la santé à Genève, à la même époque que celui qui allait concevoir et faire adopter en 1998 la première Loi sur le tabac au Québec, le Dr Jean Rochon. Tous ceux qui dans le monde des politiques publiques s'intéressent notamment aux rapports financiers des multinationales du tabac sont des héritiers de Collishaw, et cela n'est qu'un aspect de ses connaissances encyclopédiques.

Entre autres, M. Collishaw a reçu en 1992 un Certificat du mérite de l'Association canadienne pour la santé publique, puis en 2006 par le truchement de cette même organisation, un prix international Sanofi-Pasteur. Le prix Sanofi-Pasteur n'est allé depuis qu'à des médecins, genre laborantins avec microscope. Les vecteurs de maladies qu'étudie Neil Collishaw sont intelligents et ne se laissent pas facilement glisser sous les lentilles des chercheurs, mais des avocats peuvent leur faire un procès.

Celui que vous suivez se continue cette semaine.

On y verra notamment la suite du témoignage de Wayne Knox, un ancien du marketing d'Imperial Tobacco Canada. Il n'a pas encore été question de M. Knox sur ce blogue, bien que l'auteur ait assisté à la 114e journée du procès, quand le bonhomme a fait sa première apparition. Son retour à la barre permettra une plus ample présentation.


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Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm


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