lundi 28 janvier 2013

106e jour - 24 janvier - Longs contre-interrogatoires finaux de l'expert Pollay


Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces au dossier de la preuve, voyez les instructions à la fin du présent message.

Jeudi, Me Douglas Mitchell, pour le compte de JTI-Macdonald (JTI-Mac), puis Me Craig Lockwood, pour le compte d'Imperial Tobacco Canada (ITCL) ont pris le relais de Me Simon Potter, pour Rothmans, Benson & Hedges (RBH), afin de terminer le contre-interrogatoire commencé mercredi du professeur émérite de marketing Richard Pollay, témoin-expert appelé par la partie demanderesse dans le procès en recours collectifs contre les trois cigarettiers canadiens.


Pollay face à Me Mitchell et Me Lockwood

Comme lors du contre-interrogatoire de qualification de l'historien Robert Proctor en novembre, Me Mitchell a montré qu'il était extrêmement bien préparé et n'était pas d'humeur à faire de quartier.

Jeudi matin, pendant plus de trois heures et demie, à peine aérées d'une pause de 15 minutes, l'avocat a exposé le professeur Pollay à un feu nourri de questions, des questions qui appelaient comme réponse un oui ou un non.  À aucun moment, il n'a semblé que l'expert en marketing faisait l'affirmation ou la négation qui allait apaiser la déstabilisante colère froide du défenseur de JTI-Mac, qui était encore plus terrifiant quand il souriait, et n'a pas été avare de sourires carnassiers.

Bien entendu, chacun sait qu'il y a une part de théâtre dans le métier d'avocat, et le juge Brian Riordan le sait sûrement, mais personne n'a ri jeudi, pas même les co-défenseurs de Me Mitchell quand celui-ci a paru avoir marqué des points.

Qu'est-ce qui a permis à Richard Pollay de tenir le coup? L'habitude de quelqu'un qui a déjà témoigné dans un procès? Une petite séance de yoga à la pause?

Peut-être, mais sûrement aussi en partie, par moment, une certaine impression de déjà-vu.

Car il faut savoir que ce n'est pas la première fois que Rick Pollay fait face à Doug Mitchell. Le professeur de marketing britanno-colombien et l'as du Barreau québécois sont des vétérans de leur camp respectif. En 2002, devant le juge André Denis de la Cour supérieure du Québec, dans un procès intenté par les cigarettiers canadiens au sujet de la validité constitutionnelle de la législation fédérale sur le tabac de 1997, Mitchell avait contre-interrogé Pollay, alors témoin-expert de la Couronne.

À défaut d'avoir observé la cadence, le ton et la gestuelle de l'interrogatoire de l'époque, le lecteur pourra juger de la similarité des thèmes abordés en lisant la transcription du contre-interrogatoire de 2002 et celle de la journée de jeudi dernier au procès actuel.

Si Me Mitchell a pu servir de nouveau plusieurs de ses questions au professeur Pollay, c'est en bonne partie parce que ce dernier n'a pas assez rafraîchi sa contribution à l'édification des juges (Denis puis Riordan) pour s'éviter cette épreuve. (Voir son rapport d'expert de 2000 pour le procès de 2002, et son rapport d'expertise de 2006 dans le présent procès, pièce 1381)

Disons que les réponses de l'expert Pollay ont par moment donné l'impression que ce dernier avait été exagérément économe de certaines vérifications. À d'autres moments, on sentait que Me Mitchell était à la veille de reprocher à Richard Pollay d'avoir sauté trop vite aux conclusions en présumant que RJR-Mac (JTI-Mac avant 1999) croyait à la rotondité de la Terre alors qu'il n'avait pas vérifié que des documents de cette compagnie l'affirmait.

Après la fin des contre-interrogatoires de jeudi, l'avocat des recours collectifs Bruce Johnston a profité des tout derniers moments de Richard Pollay à la barre des témoins pour rafraîchir la mémoire du juge Riordan et montrer pourquoi l'expert n'avait pas trouvé de documents de RJR-Mac qui soient clairement à propos des adolescents comme cibles du marketing.  La raison est que le quartier général de RJR International en Caroline du Nord a donné dès 1978 l'ordre de faire disparaître de tels documents, et la filiale canadienne s'est pliée aux exigences (pièce 656).

Ce camouflage documentaire n'a pas empêché l'analyste Connie Ellis du concurrent RBH, en 1994, de remarquer que « RJR est à l'origine de plusieurs études et campagnes de publicité ciblant les starters, c'est-à-dire les 12 à 16 ans. » (pièce 762)

*

Avec le ton déférent qui convient à un juriste encore dans la trentaine, Me Craig Lockwood, s'est lui aussi essayé à griller le témoin-expert, en tentant notamment de faire valoir que Richard Pollay avait une tendance à la sélectivité des observations, et que certains mots-clefs relatifs au réconfort (« reassurance ») par l'industrie des fumeurs inquiets pour leur santé (« pre-quitters ») étaient rares dans les archives d'ITCL. Le professeur Pollay a alors expliqué que les mots-clefs en question n'étaient pas les seuls indicateurs des préoccupations et il a mentionné d'autres termes utiles, pour qui voudrait mettre la ceinture et les bretelles.

Me Lockwood a semblé marquer un point quand il a montré qu'un certain document à propos des rares fumeurs qui changent de marque (les « switchers ») avait été produit dans le procès de 2002 (et se trouve dans le dossier du procès actuel, pièce 989.32), alors que le rapport d'expertise de Richard Pollay prétend qu'Imperial Tobacco ne l'a pas produit.

L'éditrice du blogue Eye on the trials, Cynthia Callard, n'a pas manqué de signaler à ses lecteurs que le document avait été versé au dossier du procès de 2002 grâce à l'intervention de Me Maurice Régnier, qui représentait le gouvernement fédéral canadien.

Dans le procès présidé par le juge Brian Riordan, la Couronne fédérale n'est plus là pour rappeler ce qu'on lui doit dans la mise au jour des passes-passes judiciaires de l'industrie.


Pollay face à Me Potter

Dans la profession d'avocats comme dans toutes les professions, on trouve des hommes sur leur quant-à-soi qui ne rient pas volontiers les blagues, surtout quand ils ne les content pas eux-mêmes. Le bouillant Doug Mitchell n'est assurément pas de cette catégorie, et lorsqu'il n'est pas au milieu d'une « exécution », c'est un avocat d'un abord facile et volontiers rieur, avec qui il doit être aisé pour un coéquipier du jour ou même un adversaire d'hier de s'imaginer à un 5 à 7 festif après un événement sportif.

Dans le contre-interrogatoire de mercredi après-midi, son confrère Simon Potter de RBH, avec ses références aux Mercedès et au brandy, et avec ses questions ouvertes et un ton invitant à la confidence presque philosophique, a paru convier le témoin Pollay, non pas au pub pour une partie de tire-au-poignet, mais dans ce genre de clubs à fauteuils rembourrés, où le sort des empires s'est parfois réglé, entre deux bouffées de pipe ou de cigares, et deux gorgées d'eau de vie.

Le professeur de marketing a volontiers concédé à Me Potter que les compagnies de tabac, « pour faire des profits et satisfaire leurs actionnaires », devaient se livrer à de savantes études de marché et faire connaître leurs marques, y compris par la commandite d'événements.  Par contre, il n'a pas été d'accord que les mises en garde sanitaires écrites en petits caractères au pied des annonces de cigarettes, mises en garde découlant du code d'auto-réglementation de l'industrie du tabac en vigueur dans les années 1970 et 1980, constituaient une répétition valable de l'information sur les méfaits du tabagisme. D'abord parce que les messages n'étaient pas très explicites quant à la nature des méfaits ou leur probabilité, et parce que seulement 10 % des consommateurs lisent ce genre de petits caractères, selon les experts en marketing.

Le contre-interrogatoire étrangement feutré de Richard Pollay par Me Potter a paru jeter les avocats des recours collectifs dans un abîme de perplexité, ce qui n'a rien fait pour dissiper celle, immense, de votre serviteur. Le défenseur en chef de Rothmans, Benson & Hedges voulait-il, à un certain moment, amener l'expert Pollay sur le thème de la contrebande ?

Le procès présidé par Brian Riordan n'est pas encore, ne sera jamais, celui de la contestation en justice d'une législation forçant les fabricants de cigarettes à vendre leurs produits dans des emballages uniformes et neutres, comme la législation australienne.  On pouvait se demander par moment si Philip Morris International, via Simon Potter et sa façon d'« utiliser » le professeur de marketing Pollay, était déjà en train de positionner ses pièces en fonction de cette énorme bataille. Le mystère est resté entier.

Chose plus évidente, comme lors de plusieurs des interventions de Me Potter depuis mars, le véritable ennemi, le vrai coupable, à ses yeux, c'est encore et toujours le gouvernement, contre qui les victimes du tabagisme devraient exercer des recours, au lieu de le faire contre les compagnies de tabac. Malheureusement pour les cigarettiers, le professeur Pollay n'a pas semblé le témoin le plus apte ou le plus utile à détourner les blâmes sur le gouvernement.


La question finale du juge

Le juge Brian Riordan a demandé au professeur Pollay si selon son opinion d'expert en marketing, les stratégies de marketing conçues et appliquées par les cigarettiers induisaient (le public) en erreur.

Richard Pollay a répondu que oui, parce qu'elles ne procuraient pas les renseignements qui auraient vraiment informé les consommateurs et offraient plutôt du réconfort (reassurances).



*

Cette semaine, le tribunal ne siège pas.

Lundi et mardi prochains, 4 et 5 février, le pneumologue Alain Desjardins de l'Université de Montréal s'amènera à la barre. Il sera suivi mercredi et jeudi par le chimiste André Castonguay de la Faculté de pharmacie de l'Université Laval.



**

Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm


2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information
3) puis revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens au besoin,
ou
utiliser le moteur de recherche sur place, lequel permet d'entrer un mot-clef ou un nombre-clef et d'aboutir à un document ou à une sélection de documents.

jeudi 24 janvier 2013

105e jour - 23 janvier - Suite de la visite de l'arsenal du marketing du tabac, en bonne compagnie

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces au dossier de la preuve, voyez les instructions à la fin du présent message.

Mercredi, le passage en revue, par le professeur émérite de marketing Richard Pollay, de la documentation interne de l'industrie du tabac qui a inspiré son rapport d'expertise ou inspiré ses commentaires de mardi, a notamment permis de résumer par deux chiffres pourquoi l'industrie mondiale du tabac s'oppose à la récente législation australienne qui n'autorise la vente des produits du tabac que dans des emballages uniformes et neutres.

Dans son compte-rendu d'octobre 1987 des leçons tirées d'une visite chez Philip Morris Inc, un employé de Rothmans, Benson & Hedges (RBH) fait état de la croyance de PMI que la perception d'une cigarette par un consommateur est basée à 80 % sur le paquet et à 20 % sur le goût. (pièce 1178)





En réponse à une question du juge Riordan, l'expert Pollay a aussi littéralement décodé un petit tableau d'un document de planification stratégique où on peut voir l'importance relative des placements publicitaires auprès des clientèles de différents âges. Les fumeurs d'âge mûr, malgré leur nombre et leur consommation moyenne, figurent moins comme cibles que les adolescents.

L'interrogatoire mené par Me Bruce Johnston a aussi permis au professeur Pollay d'enfoncer dans la mémoire du juge Riordan qu'un employé de British American Tobacco, Paul Bingham, avait écrit un mémo (pièce 1330) où il reconnaissait la paternité d'un soi-disant article scientifique signé par le professeur de marketing Jean Boddewyn du collège Baruch de New York. Par dessus le marché, l'article signé par Boddewyn, dont Richard Pollay a critiqué sévèrement la faiblesse méthodologique, a fait plus de tort que de bien à la réputation du prête-nom.  (Pour un récit de ce qui s'est passé, lire l'article de Ron Davis dans Tobacco Control.)

La matinée de mercredi s'est terminée par l'examen commenté d'une série d'annonces de produits du tabac ou d'événements commandités que le professeur Pollay a extraites de magazines canadiens ou de journaux de la Colombie-Britannique. (La série sera bientôt dans la banque de pièces au dossier de la preuve sous les numéros 1381.1 à 1381.107)

annonce associant une
marque de JTI-Macdonald
à un événement sportif
L'expert en marketing a souligné que les images de sport sont particulièrement désirables pour deux raisons : cela fait un lien entre votre marque et l'athlétisme et la santé. Cela attire l'attention des jeunes, qui sont plus intéressés que le public moyen par le sport.

Face à l'annonce ci-contre, exposé comme plusieurs autres sur les écrans de la salle d'audience, le professeur Pollay a fait comprendre que le reflet d'une personne dans les lunettes d'une autre est une puissante métaphore. « Une marque est importante car elle affecte la façon dont les gens vous voient ».

Dans la même veine, tant mercredi que mardi, Richard Pollay a fait valoir que le paquet d'une marque en particulier est une sorte de badge pour le fumeur, quelque chose qui dit qu'il est (ou croit qu'il est) ou voudrait être.

L'expert du jour de la partie demanderesse a aussi fait cette analyse autour des slogans sur les annonces.

Les deux dernières heures dans l'après-midi de mercredi ont été consacrées au contre-interrogatoire de l'expert Pollay par Me Simon Potter.

La comparution de Richard Pollay devant le juge Brian Riordan se termine aujourd'hui.
Me Doug Mitchell et Me Craig Lockwood ont annoncé hier qu'ils voulaient le contre-interroger.


**

Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm


2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information
3) puis revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens au besoin,
ou
utiliser le moteur de recherche sur place, lequel permet d'entrer un mot-clef ou un nombre-clef et d'aboutir à un document ou à une sélection de documents.

mercredi 23 janvier 2013

104e jour - 22 janvier - Une visite guidée de l'arsenal avec un savant du marketing


Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces au dossier de la preuve, voyez les instructions à la fin du présent message.

Lors du tout premier jour du procès en mars, quand les avocats André Lespérance et Bruce Johnston avaient annoncé les couleurs de la partie demanderesse, Johnston avait dit que la recherche des avocats dans la documentation interne des cigarettiers avait permis de trouver plusieurs « smoking guns » (Imaginez la surprise et la joie d'enquêteurs à la recherche des armes à feu d'un crime à élucider et qui les trouvent encore fumantes chez les suspects...). Le procès allait permettre de les montrer au tribunal (...et au public).

Mardi, le même Johnston a fait examiner plusieurs de ces pièces incriminantes par un expert en marketing qui a tranquillement confirmé ce dont on pouvait avoir l'impression. Les avocats des cigarettiers auraient voulu que l'interrogatoire s'en tienne exclusivement au contenu du rapport d'expertise du professeur de marketing Richard Pollay, qui date de 2006, mais le juge a refusé.

Après le passage à la barre, depuis mars dernier, de plusieurs témoins amnésiques ou distrayants, retraités de l'industrie du tabac, l'interrogatoire de Richard Pollay a jeté une lumière crue sur les réflexions et productions des marketeurs qu'on trouve dans les archives des cigarettiers.

À l'examen d'une documentation stratégique d'Imperial Tobacco datée du milieu des années 1980, Pollay a fait remarquer mardi que le nombre des fumeurs qui étaient selon les études de marché d'Imperial à risque de cesser de fumer était quatre fois supérieur au nombre des fumeurs qui étaient susceptibles de changer de marque. Mercredi, M. Pollay est revenu de sa relecture de la source de son calcul sommaire pour dire que c'était plutôt cinq fois que quatre fois plus.  (voir pièce 267)

Le professeur de marketing a en bonne partie expliqué cette réalité par le phénomène de la loyauté à une marque de produits. Sur une échelle croissante de 0 à 10, la loyauté à la marque est de 10 sur le marché du tabac, d'où l'importance de recruter de nouveaux fumeurs. (M. Pollay s'appuyait sur un document de Rothmans, Benson & Hedges, pièce 1178, où la loyauté a une marque de cola était estimée à 4.) En dépit du tiraillement éprouvé par les fumeurs, ils reviennent sur le marché et demandent le même produit.

Comment croire dans ces conditions que la publicité de chacune des compagnies ne visait qu'à débaucher les clients de la concurrence et jamais à rassurer les décrocheurs potentiels du tabac ?

la population vue par un marketeur de l'industrie (pièce 1110)

Selon Richard Pollay, le lent processus de construction de l'image des marques vise aussi à faire se sentir bien les nombreux fumeurs qui risqueraient autrement de décrocher. Le refus d'admettre que la cigarette n'était pas seulement un facteur de risque sanitaire mais causait des maladies a aidé les fumeurs a rationalisé leur dépendance à la nicotine.

Par ailleurs, l'expert Pollay, contrairement aux témoins issus de l'industrie et comparus depuis mars, ne croit pas que les cadres de l'industrie devaient s'abstenir, faute de crédibilité, de communiquer aux fumeurs ce que l'industrie savait des risques sanitaires de ses produits.  En 1991, il y aurait eu plus de fumeurs pour croire un cadre agissant de la sorte (61%) que pour douter de sa parole (35 %). (voir pièce 987.21)

Le professeur Pollay a trouvé du réalisme aux positions de Bob Bexon et de Connie Ellis, entre autres penseurs du marketing.

Le premier oeuvrait au marketing d'Imperial Tobacco Canada dans les années 1980 avant de partir pour l'étranger et de revenir diriger l'entreprise au tournant du 21e siècle. La deuxième travaillait chez Rothmans, Benson & Hedges (RBH).

Feu Bob Bexon fit en 1984 un calcul qu'il a servi comme un électrochoc à ses collègues : à partir du 1er juin 1985, si toutes les tentatives d'arrêter de fumer sont couronnées de succès, l'industrie de la cigarette sera disparue à 2h40 du matin le 22 mars 1988 (traduction libre de l'auteur du blogue) (pièce 1110)

Dans une analyse décapante (pièce 762) qu'elle faisait dix ans plus tard au profit de RBH, une analyse en partie inspirée par un rapport d'expertise commandé à Richard Pollay par le gouvernement fédéral canadien lors du long procès sur la constitutionnalité de la Loi réglementant les produits du tabac (LRPT) de 1988, Connie Ellis expliquait comment l'effort d'Imperial dans la construction d'images de marques lui permettait d'accroître sa part du marché pendant que celle de RBH déclinait (sur un marché lui-même déclinant).

Mme Ellis observait en 1994 que le marketing de RBH et de JTI-Macdonald ne visait pas surtout à débaucher les clients de la concurrence mais à rassurer leurs propres clients et à en recruter d'autres chez les jeunes.

De son côté, le professeur Pollay a remarqué que la campagne Belvédère (une marque de RBH) de commandites de concerts rock et autres événements susceptibles de rejoindre un jeune public avait commencé au milieu des années 1990, comme si c'était la douche froide servie par Mme Ellis qui avait soudainement réveillé RBH.

En début de matinée mardi, Me Johnston avait été empêché par le juge Riordan de faire comparer par son expert les déclarations publiques des cigarettiers avec leurs analyses internes au sujet de l'impact de la publicité sur le volume global du marché canadien.

En fin d'après-midi, Johnston est revenu à la charge par la bande en demandant ce que prédit la théorie dans l'hypothèse où la publicité n'aurait d'impact que sur les parts de marché et aucunement sur le volume global du marché, ce qui était la prétention de l'industrie lors des procès des années 1990 et 2000.

M. Pollay a dit que si c'était le cas, l'industrie dans son ensemble et en particulier les joueurs dominants accueilleraient favorablement une interdiction de la publicité, puisque ce serait autant de dépenses d'argent évitées. Or, les procès intenté par l'industrie contre la LRPT puis contre la Loi sur le tabac de 1997 visaient précisément à préserver le droit des cigarettiers d'annoncer leur produits et de commanditer des événements.

L'éditrice du blogue Eye on the trials, Cynthia Callard a eu le temps de noter les numéros des pièces au dossier discutées lors de l'interrogatoire de mardi. Ces pièces couvrent une période qui va de 1976 à 1994, avec un document daté de 1958.

pièce 536            Advertisement 1958
pièce 119.1         Assumptions and Strategies for marketing over the next 10 years (1976)
pièce 113A         Social Currents 1976
pièce 141            The Players Family 1977
pièce 370            Project Day 1980
pièce 1110          Saving the Canadian Industry 1984
pièce 266           File Viking 1985
pièce 990.16      Project Viking  1986
pièce 520-cry27 Youth Target 1987
pièce 520-cry32 Review of ITL Brand Strategies 1988
pièce 520-cry30 Tracking Study 1988
pièce 987.21       Project Viking 1992
pièce 762            Strategic Review - The Canadian Tobacco Industry - 1994

L'interrogatoire de Richard Pollay s'est poursuivi mercredi.

**

Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm


2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information
3) puis revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens au besoin,
ou
utiliser le moteur de recherche sur place, lequel permet d'entrer un mot-clef ou un nombre-clef et d'aboutir à un document ou à une sélection de documents.

lundi 21 janvier 2013

103e jour - Riordan juge que le professeur de marketing Richard Pollay est un expert utile dans le procès

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces au dossier de la preuve, voyez les instructions à la fin du présent message.

Aux yeux du juge Brian Riordan de la Cour supérieure du Québec, non seulement il est normal que les experts finissent par avoir de fortes convictions, mais il serait presque anormal qu'ils n'en aient pas. Pour autant, cela n'empêche pas le magistrat de reconnaître l'expertise d'un témoin, son utilité. C'est ce qu'il avait fait à la fin de novembre avec l'historien Robert Proctor. Rebelote aujourd'hui.

Richard W. Pollay
Richard W. Pollay, qui est un professeur émérite de marketing de l'Université de Colombie-Britannique (UBC), où il n'est plus tenu d'enseigner mais a encore un bureau, a été admis au procès à titre d'expert en marketing, expert en marketing de la cigarette et expert en histoire du marketing de la cigarette.

Son témoignage en tant que tel a commencé aujourd'hui mais n'a pas été bien long, surtout parce que Me Simon Potter et Me Doug Mitchell, pour le compte des trois compagnies de tabac canadiennes, ont longuement contre-interrogé le professeur Pollay, avant de réclamer qu'il ne soit pas admis du tout comme expert. Leur motif principal : le professeur de 72 ans manque d'objectivité et d'indépendance.

Comme Proctor, Pollay a donné l'impression, lors du contre-interrogatoire, de ne pas être un genre d'homme à se sentir coupable d'avoir déjà traité implicitement les marketeurs du tabac de menteurs (dans le prospectus d'une vidéo documentaire) ou d'assassins (dans un carton d'invitation à une conférence), et il ne semble y voir aucune contradiction avec son rôle de chercheur universitaire.

Richard Pollay a une voix de contrebasse et aucune émotion apparente ne vient introduire de variation de volume, de débit ou de tonalité dans ses réponses, même aux questions les plus surprenantes.

Le bonhomme s'est déjà permis de transmettre des documents internes de l'industrie, qui venaient tout juste d'être divulgués dans un procès où il avait témoigné, à une collègue professeure à UBC qui s'apprêtait à aller témoigner en faveur de cigarettiers dans un autre procès. Pollay lui offrait de lui transmettre d'autres documents pour satisfaire sa possible curiosité intellectuelle. Me Potter a bien tenté de présenter ce geste comme le fait d'un fanatique, mais le juge Riordan a au contraire loué le comportement du professeur Pollay et fait valoir que ce comportement devrait être la norme entre les experts.

Pour sa part, le juge André Denis de la Cour supérieure du Québec, dans son jugement de 2002 qui faisait suite au procès sur la validité constitutionnelle de la Loi (fédérale) sur le tabac de 1997, avait estimé que « le témoin (Pollay) est une encyclopédie vivante de la publicité sur le tabac et un scientifique rigoureux en marketing ». Les juges Chabot et Brossard, ont eu des commentaires plus défavorables à Pollay mais ne l'ont pas pour autant récusé.

Lorsque, après la qualification du professeur de marketing comme expert, Me Craig Lockwood a tenté de faire retrancher au rapport d'expertise de Pollay (pièce 1381) plusieurs sections, il n'a pas eu plus de succès que les vétérans des causes des cigarettiers Potter et Mitchell. Le juge Riordan a refusé d'imposer le charcutage demandé, même s'il était d'avis que ces sections l'informent peu  ou pas du tout.

Il faut dire que Brian Riordan préside depuis mars dernier un procès où les occasions d'en apprendre sur le marketing n'ont pas manqué.  Le rapport du professeur Pollay date déjà d'octobre 2006.

Pour ceux qui s'intéressent aux questions de marketing du tabac sans avoir tout suivi comme le juge Riordan, le rapport demeure instructif.

L'interrogatoire de l'expert Pollay par le procureur des recours collectifs Bruce Johnston a permis de faire ressortir quelques leçons du genre :
- la cigarette se distingue des autres produits en ce que les fumeurs regrettent massivement d'avoir adopté le produit;
- l'augmentation du pouvoir d'attraction d'une marque d'un produit entraîne celle de la catégorie de produits;
- quand ils commencent à utiliser un produit, les gens jugent de la popularité d'une marque par l'abondance de la publicité
- la marque la plus souvent choisie est celle qui évite au maximum le ridicule;
- sur le marché des cigarettes, la différenciation des produits est forte mais provient très peu de différences substantives des cigarettes.

Le professeur Pollay a brièvement raconté l'histoire de la célèbre marque Marlboro, dont le marché se trouvait originalement plutôt féminin et restreint, et que les marketeurs ont transformé en cigarette emblématique de la virilité et en succès commercial monstre. Tout cela par la magie de la publicité et non pas de la chimie.

Il a aussi affirmé que le conflit interne ressenti par une majorité de fumeurs, entre leur connaissance de la nocivité du produit et leur incapacité d'arrêter de fumer, les rend particulièrement réceptifs à un message de réassurance en provenance des cigarettiers. La réassurance servie par l'industrie peut concerner le statut social du fumeur ou directement les aspects sanitaires. Cette politique a permis de modérer la tendance à la baisse des ventes.

Pollay a expliqué qu'en quelques années dans les années 1950, les marques sans filtre les plus populaires ont cédé la place aux cigarettes à bout filtre. Les filtres furent d'abord présentés comme une protection sanitaire. Par la suite, les implications sanitaires ont été subtilement suggérées plutôt qu'énoncées noir sur blanc.

L'expert en marketing a dit qu'il ne connaissait pas de praticien du marketing qui se limite à à voler des clients à la concurrence et s'abstient de favoriser la croissance du marché.

L'interrogatoire se poursuit mardi.



**

Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm


2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information
3) puis revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens au besoin,
ou
utiliser le moteur de recherche sur place, lequel permet d'entrer un mot-clef ou un nombre-clef et d'aboutir à un document ou à une sélection de documents.

dimanche 20 janvier 2013

100e jour et 102e jour - éditions complétées et des échos additionnels


Tel qu'annoncé, l'édition de ce blogue intitulée Quand le stress avait le dos large, relative à un thème de la journée de mardi, a été révisée ainsi que complétée d'hyperliens et de plusieurs paragraphes (100e jour du procès).

* * *

Par ailleurs, voici ci-dessous un écho plus complet du 102e jour du procès.

( Vous aviez déjà lu que l'interrogatoire de l'expert Christian Bourque commencé mercredi n'a pas repris jeudi  102e jour, première partie : exit Bourque ). 


102e jour, deuxième partie : par ici les problèmes

Tant qu'à être réunis jeudi devant le juge, les avocats des deux parties ont brièvement discuté de plusieurs affaires et ont tenté, entre autres, de s'entendre sur les formalités de la production de certains documents, avec très peu de succès évidents.

Par ailleurs, certaines requêtes ont été annoncées, ou annoncées de nouveau, qui font craindre des perturbations et des retards à venir dans l'avancement du procès.

Voici une revue des enjeux soulevés par les débats de la semaine, examinés sans souci de l'ordre chronologique.

2.1 Simon Potter témoignera-t-il ?

Lundi, le juge Riordan avait paru stupéfait de voir le nom de Me Simon Potter dans la liste des personnes que les procureurs des cigarettiers veulent appeler à la barre des témoins de faits en vue de la preuve en défense.

Même s'ils se sont employés depuis mars à faire devant le tribunal la preuve qu'il y a eu chez Imperial Tobacco, au début des années 1990, une vaste opération de destruction de rapports scientifiques et autres documents susceptibles de servir contre la compagnie dans des litiges, les avocats des recours collectifs donnent toutes les apparences d'avoir exclu de faire témoigner Me Potter, qui était jadis un conseiller juridique externe d'Imperial et sait beaucoup de choses sur cette opération.

Pour construire sa preuve, la partie demanderesse au procès s'est plutôt rabattue, entre autres, sur le témoignage de quelques autres avocats associés aux événements ou mis dans le secret, tels que Roger Ackman, John Meltzer, David Schechter ou Lyndon Barnes.

En auraient-ils décidé autrement que les demandeurs se seraient heurtés, entre autres, au juge Riordan, qui s'est montré sensible à l'idée qu'un justiciable, la compagnie RBH dans le cas présent, ne doit pas être empêché par la partie adverse ou sans nécessité de choisir et d'employer pleinement l'avocat qui lui paraît le meilleur, et dans ce cas-ci, d'engager un vétéran des causes de l'industrie comme Simon Potter.

Mais que se passe-t-il quand le catapultage à la barre des interrogatoires est décidé par un codéfendeur de RBH, c'est-à-dire ITCL ?

Lundi, Me Potter a déclaré que son rôle de témoin potentiel ne lui plaît pas, et déclaré que ce n'était pas lui ou son client (RBH) qui a décidé de l'amener à la barre des témoins.

Le juge Riordan a fait transmettre à ITCL, par Me George Hendy et par Me Simon Potter, son voeu qu'ITCL n'appelle pas ce dernier à la barre des témoins.

Jeudi, Me Bruce Johnston, qu'on avait pas encore vu ou entendu à la Cour depuis le début de la semaine, a exprimé publiquement son soupçon.  « Je serais sidéré si Me Potter n'était pas partie prenante à la décision de le mettre sur la liste (des témoins).» (I would be flabbergasted if Mr Potter was not a party to the decision to put himself on the list.)

Bien que le juge ait taquiné le procureur des recours collectifs sur son choix de mot (flabbergasted), il a exprimé avec un redoublement de gravité son vœu qu'ITCL organise sa défense sans appeler Me Potter à la barre des témoins. Cela n'a pas la meilleure façon de procéder, a-t-il prévenu.

2.2 De la difficulté de faire témoigner des avocats

Le cas Potter a consommé très peu de temps. Par contre, jeudi comme à plusieurs reprises ces derniers mois, il a été longuement question des obstacles à l'enregistrement comme pièces au dossier de la preuve du témoignage écrit de David Schechter, d'un mémo de J. Kendrick Wells à un grand patron de Brown & Williamson (Pritchard), et de documents relatifs au témoignage inachevé de Guy-Paul Massicotte devant le juge Riordan en octobre et novembre derniers.

Or, Schechter, Wells et Massicotte ont la qualité d'avocat. (Avait, dans le cas de Schechter, qui est décédé.)

Pour ces trois cas comme pour d'autres survenus dans d'autres procès intentés contre l'industrie du tabac, nul n'a prétendu que tout ce qu'un avocat dit, écrit, touche, lit ou entend devient du secret professionnel.

Pourtant, l'auteur du présent blogue ne peut éviter de se souvenir parfois du roi Midas, un personnage de légende de la Grèce antique, qui vit un jour exaucé son vœu de transformer en or tout ce qu'il touchait.

Midas, pour ne pas mourir de faim, se ravisa vite et implora Dionysos de défaire le miracle. Quant à la limitation du secret professionnel des avocats, les juges ont leur mot à dire là-dessus, et on peut relire entre autres les jugements concordants de Brian Riordan le 17 mai et de la Cour d'appel le 14 décembre sur une distinction entre le secret concernant la préparation d'un litige et le secret professionnel stricto sensu.

Dans les cas Wells et Massicotte, le différend entre les deux parties ne semble cependant pas avoir été tranché.

Dans le cas de Schechter, il semble bien qu'on soit à la veille de voir son témoignage écrit posthume enfin versé au dossier du procès, dès lors que la défense d'Imperial a reconnu qu'il n'y avait pas de violation du secret professionnel, mais seulement un possible défaut de pertinence. 

2.3 Concilier des expertises non concordantes

À la fin de février, les recours collectifs voudraient faire témoigner le professeur d'épidémiologie Jack Siemiatycki de l'Université de Montréal.

Les compagnies de tabac ont commandé pas moins de six contre-expertises.

Le procureur des recours collectifs André Lespérance a exprimé son voeu que son expert puisse répondre à ses critiques. Il a été question d'une projection avec le logiciel Power Point et que l'épidémiologue québécois montre ce que donnerait une reprise de ses calculs en tenant compte des hypothèses suggérées par ses critiques.

Le juge Riordan a semblé ouvert à l'idée, mais les avocats des cigarettiers considèrent qu'une présentation de ce type diffère trop substantiellement d'un petit calcul fait par un expert sur une feuille de papier lors d'un interrogatoire et que les juges ont coutume d'accepter en preuve.  Les défenseurs des compagnies de tabac aimerait avoir la présentation du professeur Siemiatycki le plus tôt possible avant sa comparution.

2.4  Débattre de requêtes sans enliser le procès

Il a été question d'une requête de la partie demanderesse en radiation de certaines allégations de la défense.  L'industrie voudrait de son côté plaider une requête en annulation de certaines accusations des recours collectifs, faute de preuve, rien de moins.

Ces histoires remontent à 2009, et le procès a pu débuter en 2012 parce que les parties ont fait un compromis, mais il semble à la veille de la caducité.

 Il faudra trouver du temps pour entendre les plaidoiries sur la question, au milieu d'un calendrier serré de comparutions de témoins-experts.

Et il faut mélanger cela avec des appels à prévoir devant la Cour d'appel du Québec

Le juge a redonné des signes de vouloir commencer la preuve en défense des cigarettiers sans tarder et d'en finir avec l'ensemble du procès en deux ou trois ans. Plus tôt dans la semaine, il lui est arrivé de dire : « It is not that I  don't like to be with you, guys, but ... (il faut finir un jour ce procès).

Avec le sourire, comme d'habitude.

* *

Le témoignage du professeur de marketing Richard Pollay commencera lundi matin. 


jeudi 17 janvier 2013

102e jour - 17 janvier - L'interrogatoire de l'expert Bourque reporté

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces au dossier de la preuve, voyez les instructions à la fin du présent message.

Ce matin, à la reprise des auditions du procès des cigarettiers, le sort de l'interrogatoire, commencé et interrompu hier après-midi, de Christian Bourque, spécialiste en sondages de population et en recherche de marché, n'était pas encore scellé.

Le témoin-expert était dans la salle, avec l'air frais et dispos, prêt à continuer à répondre aux questions des avocats qui ont requis ses lumières et à celles des avocats de la partie adverse. À 45 ans, M. Bourque est le plus jeune témoin depuis le début du présent procès (où les retraités sont nombreux), mais c'est au moins la troisième fois durant sa carrière qu'il doit livrer devant un juge la partie orale d'un rapport d'expertise. Il lui est déjà arrivé de se trouver contre-interrogé ...par Me André Lespérance, qui poursuivait à cette époque une banque, une banque qui avait recouru à l'expertise de Léger Marketing.
Ces données apparaissent
dans la pièce 63 et
dans le rapport de 2011
de Christian Bourque

Le juge Riordan avait mis hier les avocats des recours collectifs devant une alternative à deux options, et d'entrée de jeu, Me Lespérance a tenté de s'en tirer ce matin en proposant une troisième option : continuer l'interrogatoire de M. Bourque et produire ultérieurement un addendum de ce dernier à son rapport d'expertise déposé en juillet 2011.

Le magistrat a paru bien proche d'accepter cette nouvelle approche mais s'est ravisé après avoir entendu les objections des avocats de Rothmans, Benson & Hedges (RBH), de JTI-Macdonald et d'Imperial Tobacco Canada (ITCL).

Me Simon Potter (RBH) a dit préférer avoir le rapport d'expertise complet sous les yeux avant de contre-interroger M. Bourque.

Me Suzanne Côté (ITCL) a demandé que l'interrogatoire principal des recours collectifs soit lui aussi reporté, parce qu'elle avait compris, comme d'autres, que Me Lespérance aurait de toutes façons des questions supplémentaires à poser une fois l'addenda livré aux parties.

Sur le champ, les procureurs des recours collectifs ont alors planifié de faire recomparaître Christian Bourque à la barre des témoins en mars, ce qui devrait lui donner l'occasion de développer d'ici la mi-février son rapport d'expertise en apportant une réponse appropriée aux critiques possiblement constructives ou injustes des experts de la partie défenderesse.

Remercié par le juge, M. Bourque n'avait pas encore quitté la salle d'audience que les avocats des deux parties étaient déjà en train de s'entendre sur les ajustements au calendrier, ce qui n'est pas une mince tâche.


**

Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm


2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information
3) puis revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens au besoin,
ou
utiliser le moteur de recherche sur place, lequel permet d'entrer un mot-clef ou un nombre-clef et d'aboutir à un document ou à une sélection de documents.

101e jour - 16 janvier - La difficulté d'avoir toujours le dernier mot (connaissances des fumeurs)

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces au dossier de la preuve, voyez les instructions à la fin du présent message.

Au procès des trois principaux cigarettiers du marché canadien en Cour supérieure du Québec, la journée de mercredi s'est terminée sur un suspense. Un autre.

Environ une heure avant le moment de la clôture habituelle des débats de la journée, le juge Brian Riordan a exigé des procureurs des recours collectifs qu'ils choisissent entre deux voies : soit le versement en preuve du rapport d'expertise de Christian Bourque soumis aux parties en juillet 2011, le tout à assortir de questions-réponses sur le contenu de ce rapport lui-même, à la suite d'un interrogatoire par la partie demanderesse, puis d'un contre-interrogatoire par la partie défenderesse; soit le retrait de l'actuel rapport de M. Bourque et l'enregistrement éventuel d'un rapport augmenté de toutes les matières sur lesquelles le procureur des recours collectifs André Lespérance a tenté hier d'interroger l'expert et qui ne sont pas dans le rapport, selon les avocats des cigarettiers et le juge.

Les avocats des trois cigarettiers avaient fait valoir que leurs défenses respectives étaient basées sur le rapport de juillet 2011, et le juge a estimé que Me Lespérance dépassait les bornes.

Christian Bourque
En fait, Rothmans, Benson & Hedges (RBH), JTI-Macdonald (JTI-Mac) ainsi qu'Imperial Tobacco Canada (ITCL) ont fait préparer deux rapports de contre-expertise après avoir reçu le rapport de M. Bourque, et Me Lespérance a cherché à donner l'occasion à « son » expert l'occasion de répondre par avance aux critiques des contre-experts.

Le rapport d'expertise de Christian Bourque, qui est vice-président à la recherche chez Léger Marketing, porte sur la signification et la portée des études possédées par l'industrie du tabac et destinées à mesurer la perception ou la connaissance des consommateurs quant à certains risques et dangers reliés à la consommation des produits du tabac.


Interrogatoire interrompu

La qualité d'expert en sondages de population et de chercheur en marketing de M. Bourque a été facilement reconnue par les défenseurs de RBH, JTI-Mac et ITCL. Même si Léger Marketing est une firme connue du public québécois surtout pour ses sondages sur les intentions de vote, la firme fait son beurre à 80 % du côté des études de marché pour des entreprises commerciales, et non des partis politiques ou des médias, et Christian Bourque est dans le marketing depuis environ 18 ans, comme quoi une scolarité de doctorat en science politique peut mener loin, surtout pour qui est fort en maths.

L'interrogatoire a permis à M. Bourque de fournir au tribunal une marge d'erreur qui manquait à certaines estimations contenues dans son rapport. Les défenseurs de l'industrie ont encaissé le coup.

Lorsque Me Lespérance a voulu faire faire à l'expert Bourque des comparaisons entre les résultats des sondages de l'industrie auprès des Québécois et auprès de l'ensemble des Canadiens, les objections se sont cependant multipliées, et le procédé de Me Lespérance s'est enrayé.

Grosso modo, le procureur des recours collectifs a présenté son procédé comme une économie de temps : il profite de la présence de M. Bourque à la barre des témoins pour répondre aux rapports de contre-expertise, au lieu de reconvoquer M. Bourque avec un nouveau rapport après que les contre-experts auront témoigné.

De plus, Me Lespérance a de nouveau présenté la contribution de Christian Bourque au procès comme une contre-preuve, étant donné que la défense de fond de l'industrie est de dire que « les gens ont toujours connu les méfaits du tabac », alors que l'évolution même des résultats des sondages de l'industrie au fil des décennies montre une progression des connaissances, à partir d'une situation où la confusion et l'ignorance étaient fréquentes et profondes.

Le juge Riordan n'achète pas l'argument de la « contre-preuve » à ce qui sera vraisemblablement un élément important de la preuve en défense des compagnies.


Pas comme en décembre

En décembre, avec le premier témoin-expert des recours collectifs, le professeur d'histoire Robert Proctor, la bataille sur la qualification de l'expert avait duré toute une journée.

En revanche, au bout du quatrième jour, le juge Riordan lui-même avait profité de la présence de l'expert en histoire des sciences et histoire de la cigarette pour l'interroger sur des choses qui ne se trouvaient pas dans son rapport, du moins pas dans la partie de son rapport qui a été finalement versé comme pièce au dossier de la preuve.

Cette fois-ci, en présence de l'expert Bourque, le juge a répété qu'il savait lire les résultats de sondage. Cette remarque pourrait bien attendre aussi les défenseurs s'ils s'avisent d'utiliser la voie interrogatoire pour étirer la sauce produite par certaines contre-expertises (par exemple le rapport Durand ou le rapport Duch).

(Assistaient silencieusement à l'interrogatoire de Christian Bourque, assis aux côtés des avocats des cigarettiers, les deux contre-experts: la professeure Claire Durand du département de sociologie de l'Université de Montréal et le politologue Raymond Duch de l'Université d'Oxford au Royaume-Uni.)


Des positions inégalement confortables

Toute cette affaire fait cependant entrevoir de nouveau une plausible inégalité des capacités financières des deux parties en présence dans ce procès.

Il ne s'agit pas seulement du budget disponible lorsqu'il s'agit de commander une expertise ou une contre-expertise.

En tout début de séance hier, Me Philippe Trudel a fait part de son espérance que la preuve en défense des cigarettiers, qui s'annonce longue, ne tarde pas à s'enchaîner à la preuve bientôt terminée des demandeurs, en mars, puisque qu'un tel flottement et l'incertitude empêchent les avocats des recours collectifs de prendre d'autres mandats, qui rapportent de l'argent à relativement court terme.

Faut-il rappeler qu'il n'y a pas eu de campagne auprès des malades et autres victimes des pratiques de l'industrie pour leur faire souscrire de quoi financer leur réclamation devant la justice. Les procureurs des recours collectifs gagneront le fruit de leurs efforts de longue haleine par un pourcentage sur les gains obtenus lors d'un verdict final favorable ou d'un règlement à l'amiable. En attendant, les cabinets Lauzon Bélanger Lespérance, Trudel et Johnston, De Grandpré Chait et Kugler Kandestin financent la cause par des emprunts et par d'autres mandats.

Ce ne serait pas faire preuve d'une grande audace éditoriale de dire que les avocats d'ITCL, de RBH et de JTI-Mac ne ménagent pas leurs efforts et dépensent des trésors de vigilance et d'intelligence dans la défense de leurs clients.

Si la défense est financée à la manière traditionnelle, les cabinets Osler, Harkin & Harcourt, McCarthy Tétrault, Borden Ladner Gervais, et Irving Mitchell Kalichman  facturent cependant aux compagnies de tabac les heures de travail de leurs cerveaux, peu importe l'issue du procès.

Le principal empêcheur de tourner en rond dans un procès, en cette matière comme en d'autres, c'est comme toujours le juge.

Plus tôt cette semaine, le juge Riordan, sur le mode de la plaisanterie, a passé le message de sa volonté de ne pas voir le procès s'étirer indûment.

*


Le public de la salle d'audience 17.09, incluant la presse, saura ce matin si l'interrogatoire de l'expert Bourque se poursuit. Un interrogatoire en français, cela fait changement. Le sous-marin est au port.

La semaine prochaine, le témoin-expert attendu est le professeur de marketing à la retraite Richard Pollay.



**

Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm


2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information
3) puis revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens au besoin,
ou
utiliser le moteur de recherche sur place, lequel permet d'entrer un mot-clef ou un nombre-clef et d'aboutir à un document ou à une sélection de documents.

mercredi 16 janvier 2013

100e jour - 15 janvier - Quand le stress avait le dos large

Aux dires de plusieurs témoins ayant fait carrière dans l'industrie du tabac entendus lors du procès que préside le juge Brian Riordan depuis mars, les cigarettiers n'ont jamais eu la moindre crédibilité en matière de santé aux yeux du public.

Il en allait vraisemblablement tout autrement de l'endocrinologue Hans Selye (1907-1982), médecin d'origine austro-hongroise fondateur de l'Institut de médecine et de chirurgie expérimentales de l'Université de Montréal en 1945; pionnier mondialement célèbre des recherches sur le stress, dont il a grandement fait connaître la notion et le vocable; Compagnon de l'Ordre du Canada et dix fois mis en nomination pour le prix Nobel de médecine.

timbre-poste canadien
en l'honneur de Hans Selye
émis en janvier 2000
Il n'y a rien d'étonnant à ce qu'en 1969, alors que le médecin et député Gaston Isabelle présidait une commission de la Chambre des Communes canadienne chargée d'étudier un projet de Loi ayant pour objet de contrô1er la teneur en goudron et en nicotine des cigarettes, le témoignage du Dr Selye ait été entendu. (lien vers le procès-verbal de l'audition du 12 juin 1969 du « comité Isabelle », procès-verbal accessible sur le portail de la bibliothèque Legacy, en attendant que l'honorable Brian Riordan juge que ce document doit figurer comme pièce au dossier de la preuve, ce que le procureur des recours collectifs André Lespérance a plaidé hier).

Or, ce qui frappe rétrospectivement dans le témoignage de l'endocrinologue Selye, c'est l'absence totale d'association faite entre la nicotine et le fait de fumer. Le 11 juin 1969, le réputé chercheur québécois n'a mentionné la nicotine qu'une seule fois, dans un contexte séparé de celui du tabagisme. On aurait dit que les fumeurs consomment du tabac pour combattre le stress, point à la ligne. Le Dr Selye n'a pas dit que le tabac était inoffensif, mais il a incité les commissaires à porter leur attention sur les bénéfices sanitaires du tabagisme et sur d'autres causes des maladies que le tabagisme. (Cela n'a pas empêché la commission Isabelle de faire des recommandations très avant-gardistes sur le contrôle du tabac, lesquelles n'eurent cependant pas toutes des suites.)

Pour l'industrie, le discours de Selye était du miel, alors que le caractère toxicomanogène de la nicotine avait été remarqué par des scientifiques depuis des décennies et faisait déjà à l'époque l'objet d'un faisceau de preuves.

Le « père du stress » a-t-il parlé spontanément ? Par un indomptable scrupule scientifique ou hippocratique ?

Quel rôle ont joué les compagnies de tabac ?  Quels étaient leurs objectifs ?

Ce sont ces deux dernières questions qui pourraient intéresser le juge.

En 1969, devant la commission Isabelle, Hans Selye n'a pas caché d'avoir engagé l'industrie du tabac dans le financement de ses recherches.

Des documents, disponibles sur le portail de la bibliothèque Legacy, et que les procureurs des recours collectifs veulent faire verser au dossier de la preuve en demande, permettraient cependant de mieux comprendre à quand remonte la « collaboration » du célèbre médecin, jusqu'où elle est allée, et ce qu'elle a coûté et rapporté à l'industrie américaine et canadienne du tabac, selon des documents internes de l'industrie.

Des exemples.

Une lettre d'un avocat interne de Philip Morris Inc à New York, Alexander Holtzman, adressée le 10 mars 1969 à un avocat externe de cette compagnie, révèle que la compagnie de tabac espérait alors que le Dr Selye témoigne devant la commission Isabelle à Ottawa, mais que celui-ci s'était montré déçu que l'industrie du tabac ait refusé de financer sa recherche sur les effets bénéfiques de la nicotine, et avait dit avoir besoin de 80 000 $ par année.

Le 26 mars 1969, comme par hasard, Léo Laporte, le vice-président à la recherche et au développement d'Imperial Tobacco à Montréal, une compagnie qui n'a jamais été une filiale de Philip Morris, adressait une lettre au professeur Selye pour lui confirmer un financement de 150 000 $ sur trois ans fourni par les quatre cigarettiers canadiens de l'époque, soient Macdonald Tobacco Inc, Benson & Hedges (Canada) Ltd, Rothmans of Pall Mall Canada Ltd et Imperial Tobacco Company of Canada Ltd.

Après une rencontre avec le célèbre endocrinologue de Montréal, Helmut Wakeham, alors directeur de la recherche et plus tard un vice-président chez Philip Morris Inc à New York, notait en juillet 1969 que le Dr Selye « pense qu'un programme éducatif sur le stress et le soulagement du stress est plus important du point de vue de l'industrie du tabac que davantage d'expériences sur les aspects bio-médicaux de la cigarette comme cause de maladies. Ce programme devrait faire valoir qu'il y a des bénéfices au tabagisme et que les risques du tabagisme sont plus que compensés par les bénéfices.»

Peut-être que Wakeham, bien connu de certains internautes pour ses propos télévisés de 1979 sur la compote de pomme, s'est un peu emballé au sujet de Hans Selye, ou que le bon docteur du stress l'a embobiné généreusement, mais l'industrie ne s'en est pas aperçu, du moins pas tout de suite.

Dans le compte-rendu d'une visite effectuée le 4 novembre 1970 par quatre cadres d'Imperial et de British American Tobacco (BAT) aux locaux du professeur Selye à l'Université de Montréal, on découvre que le chercheur recevait à cette époque un total 100 000 $ par année des cigarettiers canadiens et du Council for Tobacco Research de l'industrie américaine. L'auteur du compte-rendu (16 novembre), D. G. Felton, le scientifique en chef chez BAT, conclut cependant à l'absence de pertinence pour l'industrie du programme de recherche que Selye pilote à ce moment-là.

En avril 1972, un certain W. L. Dunn, du Centre de recherche de Philip Morris à Richmond en Virginie, a écrit une lettre au professeur Selye pour lui signaler qu'il avait pris la liberté d'enrichir une contribution de Selye (« I took the liberty of fleshing it out ») à un volume en cours de production. On ne sait pas si Selye a bien digéré l'audace de Bill Dunn.

(En juin 2012, dans la requête introductive d'instance de son action en recouvrement du coût des soins de santé attribuables au tabagisme, le Procureur général du Québec a annoncé son intention d'enregistrer cette lettre comme pièce au dossier, de même que la lettre de Wakeham et le compte-rendu de Felton.)

En 1975, Hans Selye est apparu dans le film The answers we seek, produit par le Tobacco Institute, que le témoin Anthony Kalhok, ancien grand manitou du marketing chez Imperial à Montréal, a estimé l'équivalent américain du Conseil canadien des fabricants de produits du tabac (CTMC).

Le film est une tentative habile de détourner les soupçons qui pesaient alors sur le tabac comme cause de nombreuses maladies.  Les avocats des cigarettiers ont demandé des preuves que le film a été diffusé au Canada.  Une transcription du film figure tout de même depuis avril dans le dossier de la preuve au procès présidé par le juge Brian Riordan.

* *
Mercredi, pour son 101e jour d'audition, le tribunal de Brian Riordan va entendre le témoignage de Christian Bourque, un politologue de formation et spécialiste en sondage de chez Léger Marketing.  Les avocats des recours collectifs ont demandé à M. Bourque d'examiner les données accumulées par l'industrie du tabac sur les connaissances, croyances et attitudes du public en rapport avec le tabac.

mardi 15 janvier 2013

Procès numéro 3 : l'action en recouvrement du coût des soins de santé peut continuer sans sursis

Le juge Stéphane Sanfaçon de la Cour supérieure du Québec, dans une décision écrite rendue jeudi dernier, a rejeté la requête des trois principaux cigarettiers canadiens en vue d'obtenir une suspension de l'action en recouvrement du coût des soins de santé intentée contre eux par le gouvernement du Québec.

carte d'assurance-maladie québécoise
presque typique


Les parties avaient plaidé pour ou contre la requête le 14 décembre dernier (relire la section B de notre reportage de décembre).

L'industrie demandait un sursis dans ce procès amorcé en 2012, en attendant que soit jugée la validité constitutionnelle, qu'elle conteste, de la Loi sur le recouvrement du coût des soins de santé et des dommages-intérêts liés au tabac (LCRSS) (« Procès numéro 2 » amorcé en 2009)

Le juge Sanfaçon a reconnu que la question qui lui était soumise était sérieuse et a estimé que les préjudices subis par les cigarettiers du fait de l'application de la LCRSS n'étaient pas irréparables dans l'éventualité où la loi en question serait finalement invalidée.

Le magistrat a entrevu que le grand retard probable dans l'instruction de l'affaire, s'il y avait une suspension, à ce stade-ci de la cause, irait à l'encontre de l'intérêt public, et il a conclu que la prépondérance des inconvénients favorise la continuation de la procédure.

Le gouvernement du Québec réclame 60 milliards $ à l'industrie en recouvrement des dépenses en soins de santé attribuables au tabagisme durant la période de 1970 à 2030.

Le régime québécois d'assurance-maladie est entré en vigueur en 1970.

99e jour - 14 janvier 2013 - Une preuve en défense qui s'annonce plus longue que la preuve

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces au dossier de la preuve, voyez les instructions à la fin du présent message.

La preuve présentée au juge Brian Riordan de la Cour supérieure du Québec par les avocats des recours collectifs contre l'industrie cigarettière canadienne devrait être achevée dans moins de neuf semaines et après un total de 130 jours d'auditions depuis le 12 mars 2012.

Si les événements à venir suivent ce qui était planifié hier (lundi), la partie demanderesse aura, au terme de ces 130 jours, fait comparaître 43 témoins et la partie défenderesse un (Peter Gage, en septembre dernier).

Les défenseurs des cigarettiers envisagent maintenant de faire comparaître ensuite au moins 60 témoins pour leur bâtir leur contre-preuve. Cela sans compter des personnes inscrites comme membres d'un de deux recours collectifs, en nombre encore indéterminé. Parmi les témoins-clefs que l'industrie voudrait citer à comparaître figurent trois anciens ministres fédéraux de la Santé et trois demi-douzaines d'anciens fonctionnaires. Imperial Tobacco Canada (ITCL) voudrait aussi faire témoigner son ancien conseiller juridique externe Simon Potter, aujourd'hui avocat de Rothmans, Benson & Hedges (RBH).

Pour passer à travers ce copieux, voire indigeste, menu judiciaire, les avocats de l'industrie estiment sommairement qu'il faudra 216 jours. En somme, une grande partie de l'année 2014 y passera.

Il n'est cependant pas exclu que les défenseurs d'ITCL, de RBH et de JTI-Macdonald aient laissé craindre le pire lundi et finissent par ne pas convoquer au palais de justice de Montréal autant de personnes que prévu. Ce ne serait pas la première fois qu'un procès au Canada prend cette tournure.

* *

Entre le mercredi 19 décembre et le lundi 14 janvier, les avocats et le juge n'auront pas chômé.

Les procureurs des recours collectifs avaient à se mettre sous la dent des dizaines de milliers de pages d'archives du Conseil canadien des fabricants de produits du tabac (CCFPT ou CTMC) qui leur ont été livrées au début de décembre. Il reste encore plusieurs bonnes pages de cette lecture à arriver en provenance des compagnies de tabac, sous forme de fichiers électroniques.

Pour tirer certaines affaires au clair, le procureur des recours collectifs André Lespérance a annoncé hier qu'il aimerait faire revenir l'ancien responsable des relations publiques du CTMC, Jacques LaRivière.

Me Lespérance a aussi mentionné trois autres témoins de faits que les demandeurs voudraient faire comparaître au fil des prochaines semaines: un ancien grand patron de RBH, Joe Heffernan, un ancien spécialiste du marketing chez ITCL, Wayne Knox, et un ancien cadre de chez Philip Morris aux États-Unis, l'ingénieur et chimiste William Farone.

(M. Farone figurait dans la liste des témoins que le gouvernement fédéral canadien, lorsqu'il était défenseur en garantie dans la présente cause, voulait appeler pour sa défense. En passant, le délai pour aller en appel devant la Cour suprême du Canada de l'arrêt de la Cour d'appel du Québec qui a sorti la Couronne fédérale de cette fâcheuse position est maintenant expiré. Les compagnies s'inclinent. Une fois n'est pas coutume.)

Hier, les avocats des cigarettiers devaient soumettre au juge un projet commun de calendrier de comparution des témoins appelés en défense, et par conséquent, cogiter sur la contre-preuve qu'ils entendent présenter. On ne peut pas parler de calendrier, à défaut d'y trouver des dates, mais une liste, à laquelle nous faisions allusion ci-haut, a été soumise à la partie adverse et au juge.

De son côté, le juge Brian Riordan a rendu jeudi dernier un jugement interlocutoire de 28 pages sur la production en preuve de certains documents en vertu de l'article 2870 du Code civil du Québec. (lien vers le jugement du 10 janvier 2013)

Me Deborah Glendinning et Me Suzanne Côté, avocates d'ITCL, laissent entendre que leur cliente pourrait porter ce récent jugement en appel.

Une possibilité d'appel devant la Cour suprême du Canada plane désormais aussi sur un autre jugement interlocutoire de Brian Riordan (lien vers le jugement du 17 mai 2012), déjà confirmé par la Cour d'appel du Québec en décembre (lien vers cet arrêt), concernant l'admission en preuve du rapport préliminaire de 1988 de l'historien David Flaherty aux cabinets juridiques en charge de la défense (et des offensives judiciaires) de l'industrie. Cette dernière cherchait alors à se préparer à montrer que « le public est au courant depuis longtemps des méfaits du tabac ».

**

Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm


2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information
3) puis revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens au besoin,
ou
utiliser le moteur de recherche sur place, lequel permet d'entrer un mot-clef ou un nombre-clef et d'aboutir à un document ou à une sélection de documents.