mardi 20 novembre 2012

85e jour - 19 novembre - Si la maison-mère le dit, cela doit être vrai.

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces au dossier de la preuve, voyez les instructions à la fin du présent message.

Dans un empire commercial multinational, la main droite ne sait pas toujours ce que fait la main gauche. Sur son portail en ligne, Philip Morris International (PMI) parle de ses filiales dans le monde, notamment de sa filiale canadienne, la compagnie Rothmans, Benson & Hedges (RBH).

Ce que PMI dit en ligne de sa filiale
et du tabac (novembre 2012)
Comme RBH n'a pas d'autre présence officielle en ligne, on aboutit fatalement sur cette page quand on fait une recherche internautique, comme John Barnett a déclaré hier l'avoir fait durant ces dernières semaines, en préparation de son témoignage d'hier (lundi) devant le juge Brian Riordan de la Cour supérieure du Québec.

M. Barnett ne s'est jamais fait demander par quelqu'un de PMI d'approuver le contenu de cette page. On ne l'a même pas prévenu, et il l'a vue pour la première fois en préparant son témoignage. Ouaou.

John R. Barnett
Le tragi-comique de la situation, c'est que John Barnett a été depuis juin 1999 le chef de la direction de RBH à Toronto et qu'il avait déjà été interrogé par les procureurs des recours collectifs québécois avant le procès, soient le 29 mai 2008, le 30 mai 2008 et le 29 janvier 2009.

Les mêmes avocats s'étaient donc préparés à ce que M. Barnett renouvelle devant le juge la substance de son témoignage fait lors de sa déposition préliminaire en l'absence du juge.

La lecture de ce que PMI raconte en ligne semble avoir tout changé.

Ce que la maison-mère de RBH raconte en ligne, - on ne sait pas trop depuis quand, mais c'était en ligne au moment du témoignage de Patrick Fennell en octobre (pièce 834)-, en voici un exemple, en français s'il vous plaît :



En lisant cela, certaines personnes soucieuses de la santé publique pourraient se demander pourquoi cette sorte de lecture n'est pas prescrite aux fumeurs internautes, et surtout, surtout, aux cadres de l'industrie canadienne du tabac. Cela aurait peut-être exempté au tribunal de spécieuses réponses de témoins en 2012 sur la capacité de l'épidémiologie de déterminer la cause de nombreux cancers et autres maladies.

Interrogé par le procureur des recours collectifs Gordon Kugler, le témoin John Barnett n'a pas fait perdre de temps au tribunal, au point où son interrogatoire, et son contre-interrogatoire par Me Simon Potter de RBH, ont été bouclés en moins d'une journée, alors qu'on prévoyait deux jours.

Après avoir établi sur du béton la nature et l'étroitesse de la relation entre RBH et PMI, Me Kugler a demandé à M. Barnett si les cigarettes ont déjà été, dans les années 1960, moins dangereuses et moins toxicomanogènes qu'elles le sont maintenant aux yeux de l'empire Philip Morris.

Le témoin a répondu que non.

M. Barnett ne se souvient pas non plus de la moindre déclaration de RBH, ou des défuntes compagnies canadiennes Rothmans Inc et Benson & Hedges, concernant les conséquences sanitaires du tabagisme, à part une annonce publiée par Rothmans International dans les journaux canadiens en 1958. (pièce 536A)

(S'il avait été de la même école que certains autres témoins, M. Barnett, qui a 68 ans, aurait pu en dire moins et penser que cette annonce est parue bien avant son règne et sa carrière, puisqu'il a immigré au Canada en 1967. John Barnett est comptable de formation et originaire de Grande-Bretagne, ce qui est parfois perceptible dans son anglais, malgré près de 45 ans en Amérique du Nord.)

Quand il a pris les rênes de RBH, John Barnett a trouvé pertinent que la compagnie maintienne sa ligne de conduite, qui est aussi celles des autres cigarettiers canadiens à sa connaissance, de ne pas transmettre au public d'information sur les aspects sanitaires du tabagisme, laissant cette tâche aux pouvoirs publics.

Le chef de la direction de RBH a aussi admis que rien n'a jamais empêché sa compagnie d'agir autrement.


Contrebande : situation stable

L'Association canadienne des dépanneurs en alimentation (ACDA) de M. Michel Gadbois, qui raconte ces semaines-ci à la presse régionale québécoise que la contrebande a repris du poil de la bête cette année, aurait intérêt à accorder ses violons avec le président et chef de la direction de Rothmans, Benson & Hedges.  En contre-interrogatoire hier (19 novembre 2012), M. Barnett a fait une estimation comparée du volume des ventes de cigarettes taxées et du volume des ventes en contrebande.

Grosso modo, le marché noir compterait donc pour environ 19 % des approvisionnements des fumeurs, ce qui était déjà l'estimation de PMI et de British American Tobacco (la maison-mère d'Imperial Tobacco Canada) à l'hiver 2011.

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Aujourd'hui, parce que la brièveté du témoignage de M. Barnett a pris tout le monde par surprise, lui y compris, le tribunal ne siège pas. Des tonnes de pièces en preuve accumulées dans la banque de données des avocats de la partie demanderesse pourront donc être honorées d'une première lecture ou d'une relecture par les intéressés.

Mercredi, le tribunal de Brian Riordan entendra le témoignage de David Sweanor, un avocat qui a déjà travaillé pour l'Association pour les droits des non-fumeurs, un groupe de lutte contre le tabagisme né dans les années 1970 à Toronto, et dont le caractère combatif a causé bien des soucis aux dirigeants des compagnies de tabac canadiennes.


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Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès contre les trois principaux cigarettiers canadiens, il faut commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm

2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information
3) puis revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens au besoin,
ou
utiliser le moteur de recherche sur place, lequel permet d'entrer un mot-clef ou un nombre-clef et d'aboutir à un document ou à une sélection de documents.