mercredi 5 septembre 2012

52e jour - 4 septembre - Les dossiers du Conseil canadien des fabricants de produits du tabac

C'était hier (mardi) que les Québécois étaient appelés à élire les 125 députés de leur Assemblée nationale.  Plus de 73 % des électeurs ont exercé leur droit de vote.

Caricature parue dans Le Devoir
du 5 septembre
La législature qui s'ouvre sera sans majorité d'un seul parti.  Mené par Pauline Marois, le Parti québécois a récolté une pluralité des sièges, soit 54 (résultat non définitif).  La députée Marois sera, suivant la tradition, appelée par le lieutenant-gouverneur à constituer un conseil des ministres et à diriger le gouvernement provincial.  Le Parti libéral du Québec, dirigé par Jean Charest et aux commandes depuis avril 2003, est arrivé deuxième, et on s'attend à ce qu'il s'installe dans le rôle d'Opposition officielle.  Le troisième parti, la Coalition Avenir Québec de François Legault, a obtenu ce qui est surnommé la « balance du pouvoir », avec dix-neuf sièges (résultat provisoire).  Un quatrième parti, Québec solidaire, a ajouté un siège à celui qu'il détenait dans la précédente législature, qui datait de décembre 2008.


Où sont les documents

Pendant ce temps, au palais de justice de Montréal, la Cour supérieure du Québec découvrait que les dossiers du Conseil canadien des fabricants de produits du tabac (Canadian Tobacco Manufacturers Council, CTMC) ne se sont pas volatilisés avec la nébuleuse disparition de celui-ci.

Lors de son témoignage du 6 juin au procès des trois grands cigarettiers canadiens, le dernier président du CTMC, William Neville, avait déclaré qu'il ne savait pas ce qui était advenu des archives de son organisme.

Lors de sa comparution d'hier à la barre des témoins, Mme Diane Takacs, une ancienne secrétaire exécutive puis chef de bureau puis employée unique du CTMC, a affirmé qu'il y a 63 boîtes de type Bankers Box dans un entrepôt à Ottawa, et d'autres documents, dont elle n'a pas pu indiquer la quantité, qui sont, depuis 1998, dans les coffres d'une étude d'avocats à Vancouver, en Colombie-Britannique.

(C'est en 1998 que le gouvernement provincial de cette province a lancé une poursuite contre l'industrie cigarettière canadienne afin d'obtenir un dédommagement compensatoire pour les dépenses publiques en soins de santé attribuables à l'épidémie de tabagisme.  La cause est encore pendante.)

Mme Takacs n'a pas fait ses aveux de gaieté de coeur.  Elle ne voulait pas témoigner à ce procès et les avocats des trois cigarettiers espéraient faire révoquer par le juge Brian Riordan la citation à comparaître que lui avait fait parvenir les avocats des recours collectifs.  La requête de la partie défenderesse a bel et bien été débattue, mais après que le juge ait autorisé un interrogatoire préalable par le procureur André Lespérance des recours collectifs, avant de pouvoir juger si la citation à comparaître était justifiée.

Théoriquement, le juge peut encore accepter la requête de JTI-Macdonald, Imperial Tobacco Canada et Rothmans, Benson and Hedges.  Dans le cas contraire, l'interrogatoire pourra reprendre quand et si les procureurs de la partie demanderesse le jugent nécessaire.

L'interrogatoire d'hier a cependant permis de jeter un peu de lumière sur le comportement un tantinet louche des compagnies de tabac.


Les cachotteries sur le contenu

Mme Takacs est entré à l'emploi du CTMC en 1991, d'abord comme secrétaire du vice-président aux communications, Jacques LaRivière (comparu au procès les 13, 14 et 20 juin derniers), puis comme gérante du bureau à partir de 1993.

Elle a affirmé qu'en juin 2001, les trois compagnies membres du CTMC ont décidé de démanteler celui-ci, laissant la dizaine d'employés de l'organisme partir, sans fermer complètement boutique.  En 2008, alors qu'il ne restait dans le bureau du centre-ville d'Ottawa que Mme Takacs, celle-ci a été autorisée à déménager le siège social du CTMC à son domicile à Gatineau, une banlieue québécoise d'Ottawa.

La témoin Takacs a expliqué ce qui était advenu des archives du CTMC, mais ses explications d'abord claires sont devenues passablement embrouillées après la pause du milieu de la matinée. Il semble qu'une liste des documents encore conservés à Ottawa après 1998 a été dressée.

Mme Takacs a remis LUNDI SOIR à son avocate, Me Geneviève Gagnon, cette liste et une liste de ce qui avait été expédié à Vancouver en 1998. L'avocate du fantômatique CTMC, qui a pris place cette semaine aux côtés des accueillants défenseurs de JTI-Macdonald, a invoqué le secret professionnel pour ne pas livrer tout de suite les listes au tribunal. Me Gagnon n'a cependant pas exclu cette éventualité.  Il faudra voir ce que le juge Riordan va statuer sur cette question.


Des réponses troublantes

Même si Diane Takacs a prétendu ne rien savoir d'une collaboration entre les compagnies de tabac antérieure à 1991, elle a rempli pendant plus d'une décennie un formulaire pour le ministère canadien de l'Industrie où elle déclare que le CTMC a été incorporé en 1963. Quand Me André Lespérance a questionné la témoin là-dessus, l'ancienne gérante du bureau a suggéré qu'il pourrait s'agir d'une erreur de frappe.

Pour rafraîchir la mémoire de la témoin, le procureur André Lespérance lui a mis sous les yeux un document que le CTMC avait émis en réponse à une demande relative à la poursuite lancée en 2008 par le gouvernement du Nouveau-Brunswick contre l'industrie cigarettière canadienne.  Mme Takacs, alors l'unique  employée du CTMC, a déclaré qu'elle n'avait jamais vu ledit document.  Elle a dit qu'elle ne lisait pas les documents de cour, parce que les avocats s'occupent de cela.

Questionnée plus avant, Diane Takacs a expliqué comment se sont passées les choses quand elle a reçu la citation à comparaître (ou subpoena) au présent procès.

« C'était la première fois que je recevais un subpoena depuis que je travaille pour les compagnies.  Je leur en ai envoyé une copie, de même qu'une copie de ce que j'étais censée apporter au tribunal et ils m'ont dit qu'ils regarderaient cela et me trouveraient un conseiller juridique et que je ne devais m'inquiéter de rien. » (traduction improvisée de l'auteur du blogue).

Le procureur Bruce Johnston a relayé Me Lespérance pour demander quelle était la fonction du CTMC de nos jours ?

« À ma connaissance, c'est parce que c'est une entité juridique et il continue de vivre à cause des actions en justice où il est nommé.  (Les compagnies) ne peuvent pas arrêter les opérations, alors il continue avec moi comme chef de l'administration. »  Mme Takacs n'a pas prononcé le mot boîte à lettres.

Le juge Brian Riordan est intervenu pour savoir si les avocats des compagnies dont la témoin venait de parler ont le contrôle sur les documents.  Diane Takacs a répondu au juge qu'elle ne savait pas qui avait le contrôle des documents.

* *
Durant le reste de la journée, le juge Riordan a entendu des plaidoiries.

Me Guy Pratte, Me Simon Potter et Me George Hendy ont parlé au nom de JTI-Mac, RBH et ITCL.

Me Geneviève Gagnon, pour le compte du CTMC et de Mme Takacs, ainsi que Me Maurice Régnier, pour le compte du gouvernement fédéral canadien, ont mis leur grain de sel.

Me André Lespérance et Me Bruce Johnston ont tenté de convaincre le juge de rejeter la requête en cassation de subpoena soumise par les trois cigarettiers.

On saura bientôt ce que le juge Riordan conclut de tout cela.

(Lien vers le jugement rendu le 12 septembre.)

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Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm


2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information
3) puis revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens au besoin,
ou
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