vendredi 20 avril 2012

18e et 19e jours - 18-19 avril - Oublis et dérapages

Avec un ancien vice-président au marketing comme Anthony Kalhok, les avocats ont notamment cherché des lumières sur les perceptions des fumeurs.  Avec un conseiller juridique en chef comme Roger Ackman, le sujet de la rétention/élimination de documents était un incontournable.

En Jean-Louis Mercier, qui fut pendant environ 14 ans le président de la plus grande entreprise de cigarettes au Canada, le tribunal et le public s’attendaient peut-être à entendre les réponses d’un homme animé d’un minimum de curiosité intellectuelle, ou qui le fut au plus fort de sa carrière.

Par moment, comme jeudi après-midi, quand il a commencé à parler de cigarette par exemple, Jean-Louis Mercier a donné l’impression de s’être intéressé au sujet.  Mercier n’en a oublié ni la confection, ni le goût.  (Mercredi, il s’est vanté de fumer encore, à bientôt 78 ans.)

L'ancien président d’Imperial Tobacco a nommé les grandes familles de cigarettes : la turque, l’américaine et la virginienne.  Il a parlé du tabac séché à l’air très chaud dans des hauts séchoirs, méthode utilisée pour le tabac qui aboutit dans toutes les cigarettes vendues au Canada.  Un tabac sans additif, a glissé M. Mercier au passage.

Parlant de la ventilation d’une cigarette, le témoin a expliqué qu’elle se fait par le papier et par des petits trous dans le filtre.  Il a dit que la nicotine est gazeuse quand elle est chauffée et que c’est l’air aspiré qui la dilue, alors que l’apport en goudron et en particules fines est diminué par le filtre, mais pas trop, « sinon vous tirez de l’air ».

Comme la veille, toute la salle écoutait avec attention, y compris le procureur des recours collectifs Philippe Trudel.

Mais quand ce dernier a demandé au témoin, entre autres, si on peut augmenter l’impact de la nicotine avec des additifs, l’ancien président a dit qu’il ne sait pas.

Au fil des journées de mercredi et de jeudi, Me Trudel a montré plusieurs documents que l’ancien président a reçus, ce que M. Mercier ne met pas en doute, mais le témoin ne se souvient pas de leur contenu.   (pièces 191, 192, 193, 194, 195 au dossier de la preuve)

Les documents de British American Tobacco parlaient, entre autres, de nouvelles cigarettes avec des perforations dans le filtre, des trous que 40 % des fumeurs bouchaient, plus ou moins consciemment.  Il était amplement question du phénomène de la compensation, objet de plusieurs questions hier. 

*
Hier matin, l’ancien président d’Imperial Tobacco ne pouvait pas non plus se souvenir que ses avocats considéraient comme une « victoire majeure » qu’un juge ait décidé en 1989 que l’industrie du tabac n’avait pas d’obligation de partager avec le gouvernement ses documents scientifiques.pièce 70

C’est à peine s’il se souvenait qu’Imperial Tobacco était allé devant les tribunaux pour contester l’interdiction de la publicité du tabac prévu par la Loi réglementant les produits du tabac de 1988.  Une affaire qui n’était pas finie quand Jean-Louis Mercier a pris sa retraite en 1993.
Dans l’après-midi, Me Trudel a examiné avec Jean-Louis Mercier le compte-rendu d’une rencontre, à Rio en 1983, des présidents des filiales du groupe British American Tobacco.  Le témoin se souvenait d’avoir été à Rio, comme il se souvenait mercredi d’avoir aimé séjourner en Autriche pour une autre réunion de ce genre.

Citant un bout du compte-rendu, Me Trudel a demandé en quoi les mises en garde sanitaires peuvent être perçues comme une menace par les présidents des compagnies.  L’ancien président d’Imperial Tobacco s’est mis à parler du coût de la réimpression des paquets, à distinguer du coût minime d’avertissements sur les annonces.

Quand Mercier réfléchissait à l'avenir

En matinée, le procureur des recours collectifs a introduit en preuve un long document de réflexion produit en 1987 par le président de l’entreprise, Jean-Louis Mercier, et son « président du marketing», Wilmot Tennyson :  Some thoughts on Smoking and Health, Social Acceptance, Social Cost and Environmental Tobacco Smoke.  (pièce 187)

Le texte se voulait une analyse des perspectives de l’industrie du tabac en face du changement des mentalités concernant les méfaits sanitaires du tabagisme et l’acceptabilité sociale du produit.

Parmi les perles, on peut noter celle-ci (traduction de l’auteur du blogue) : « Le tabagisme est un sérieux risque pour la santé; c’est un fait accepté et il n’y a plus de possibilité de réfutation.  Les gouvernements en sont convaincus, les fumeurs le concèdent, les non-fumeurs sont indignés, les actionnaires et le personnel sont confondus ».

Le texte marqué comme « strictement personnel et confidentiel », n’était destiné qu’à deux autres lecteurs, soit Paul Paré et Purdy Crawford, alors les deux plus hauts dirigeants du holding Imasco, qui possédait 100 % d’Imperial Tobacco (et était contrôlé par British American Tobacco).

Lorsque le procureur Philippe Trudel a cherché à savoir si Imperial avait à l’époque le moindre doute que le tabagisme tuait à l’époque 32 000 Canadiens par année, Jean-Louis Mercier a répondu que si le gouvernement pouvait prouver scientifiquement que le produit tuait, cela aurait été une bonne raison de l’interdire.

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Les audiences du procès en recours collectifs des cigarettiers canadiens reprendront le lundi 30 avril devant la Cour supérieure du Québec.

Entre temps, ce blogue s’intéressera à ce qui se passe concernant ce procès, mais du côté de la Cour d’appel du Québec.

jeudi 19 avril 2012

18e jour - 18 avril - 4 témoins, 3 parties, 2 langues, 1 rêve

La journée de mercredi a vu l’entrée en scène d’un quatrième témoin, Jean-Louis Mercier, dans l’après-midi, alors que le témoin du matin, Anthony Kalhok, devra revenir d’ici la fin du mois pour répondre aux questions de la troisième partie, le gouvernement du Canada, dans la poursuite en recours collectif contre les grands cigarettiers du marché canadien.

Pour la première fois depuis le 12 mars dans cette cause au palais de justice de Montréal, un interrogatoire, celui de M. Mercier, a eu lieu en français. (Michel Descôteaux avait demandé d’être interrogé en anglais, langue utilisée ensuite pour les témoins Ackman et Kahlok.)

Tout le monde caresse le rêve d’un procès dont le calendrier chargé des témoignages ne nécessiterait pas des rajustements au moins une fois par mois, mais vit dans un monde où la route vers la justice est parsemée de nids de poule, pour reprendre une métaphore qu’affectionne le juge Brian Riordan.

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En début de matinée, l’ancien vice-président au marketing d’Imperial Tobacco, Anthony Kalhok a prêté son concours aux procureurs des recours collectifs Bruce Johnston et André Lespérance afin de mieux comprendre les liens entre différents documents examinés devant le tribunal, cela avant de les verser comme pièces au volumineux dossier de la preuve avec une numérotation aussi éclairante que possible.

Parfois, un document n’est qu’un court mémorandum auquel était originalement annexé un long rapport, d’autres fois un document est une lettre qui répond à une autre : les liens ne sautent pas toujours aux yeux.

La défense interroge Anthony Kalhok

Pour le compte d’Imperial Tobacco, Me Craig Lockwood a interrogé le témoin Kalhok, notamment pour savoir comment il qualifiait les relations que sa compagnie avait avec le gouvernement fédéral canadien.

« Très coopératives », a répondu le spécialiste du marketing.

Quand Me Lockwood a demandé un exemple, M. Kalhok a parlé de l’usage du mot « léger » sur les paquets d’une sous-marque précise de Player’s avec une teneur en goudron plus basse que les Matinée, une autre marque d’Imperial.

« J’ai invité le Dr Morrison [de Santé et Bien-être social Canada] à descendre à Montréal [d’Ottawa], et c’est ce qu’il a fait », relate Anthony Kalhok, qui affirme qu’après avoir écouté  des explications sur la démarche d’Imperial, le sous-ministre fédéral a dit d’aller de l’avant, qu’il ne voyait pas de problème.

Le sous-ministre Morrison est aujourd’hui décédé.  Malgré une objection de Me Maurice Régnier, qui défend l’intérêt du gouvernement du Canada, le juge a passé l’éponge sur cette petite portion de témoignage impossible à corroborer. 

Me Régnier s’est de nouveau objecté quand Me Lockwood a voulu que le témoin Kalhok compare les relations d’Imperial Tobacco et du gouvernement d’Ottawa avec les relations que d’autres filiales du groupe British American Tobacco avaient avec leur gouvernement national respectif.  (Le vice-président au marketing d’ITCL avait déjà fait la tournée mondiale des satellites de BAT au milieu des années 1970.)

Cette fois-là, le juge Riordan a lui-même demandé à Anthony Kalhok s’il avait déjà rencontré des fonctionnaires de ces gouvernements, et puisque la réponse était non (le témoin n’avait rencontré que des employés de compagnies de tabac), le juge a coupé court à l’interrogatoire sur ce thème.

Me Lockwood  a demandé à l’ancien spécialiste du marketing d’Imperial si sa compagnie avait déjà affirmé au public que les cigarettes «légeres» ou «douces» étaient plus saines.

« Non, pas en ces termes, a déclaré M. Kalhok.

Et le gouvernement ?, a dit l’avocat.

Kalhok : « Certainement dans la brochure produite par la division de la protection de la santé sous la direction du Dr Morrison.  Cette brochure  était très claire quant aux objectifs [pour les fumeurs] : si vous ne fumez pas, ne commencez pas; si vous êtes fumeur, arrêtez-vous; si vous ne pouvez pas arrêter, fumez moins; si ne pouvez pas fumer moins, fumez des cigarettes légères. »

De l’interrogatoire d’Anthony Kalhok est aussi ressorti que l’affichage des teneurs précises en goudron et en nicotine sur les paquets de cigarettes, imposé par le gouvernement, avait fini par faire le jeu des planificateurs du marketing en renforçant le positionnement des marques offertes comme légères ou douces aux fumeurs inquiets.

Étant donné cette histoire de brochure gouvernementale et la mise en cause du rôle de son client, Me Régnier a finalement affirmé à la Cour qu’il voulait poser des questions au témoin Kalhok, durant moins d’une demi-journée.

Plus tard dans la journée d’hier, le juge Riordan, qui a déclaré avoir apprécié l’attitude coopérative du témoin, s’en est remis à celui-ci, qui en était à sa deuxième journée supplémentaire de comparution, pour déterminer la journée précise de son retour devant le tribunal.

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Me Simon Potter, pour le compte de Rothmans Benson and Hedges, a pris le relais de Me Lockwood pour interroger Anthony Kalhok. 

Bien que Me Potter ait déjà représenté Imperial, lui et M.Kalhok, qui a quitté l’univers Imperial-Imasco en 1985 pour la brasserie Labatt et le lancement du Réseau des sports, ne s’était jamais rencontré avant ces derniers jours dans la salle d’audiences.

Par une série de questions bien tournées et amenées en rafale, Me Potter a obtenu des affirmations précises qu’il cherchait de la part du témoin : le but du marketing chez ITCL était de voler des parts de marché à la concurrence; ITCL ne concevait pas sa publicité pour s’adresser aux jeunes; la compagnie ne cherchait pas à dissuader les fumeurs d’arrêter de fumer; le vice-président du marketing n’a jamais pensé que la publicité transformait les non-fumeurs en fumeurs; l’écrasante majorité des études de marché utilisées au département de marketing n’influence pas la publicité.

Le défenseur de RBH a aussi demandé au témoin s’il avait eu connaissance que le code volontaire de conduite de l’industrie en matière de publicité avait été l’objet d’une plainte, et M. Kalhok a répondu que non.  Mais l’interrogateur n’a pas précisé si d’autres personnes que les compagnies de tabac pouvaient se plaindre d’une violation du code, à l’époque où M. Kalhok œuvrait dans l’industrie.

Comparution de Jean-Louis Mercier

Après la pause du midi, le procureur des recours collectifs Philippe H. Trudel a commencé l’interrogatoire de Jean-Louis Mercier, qui fut président et chef de la direction d’Imperial Tobacco de 1979 à 1993, après avoir commencé dans la compagnie comme commis-comptable en 1961 et avoir gravi les échelons, surtout du côté du contrôle des coûts de production. 

S’il y a très peu de poussière de tabac qui se perd dans les usines, c’est un peu le fait d’homme comme lui, a appris le tribunal.  Et si une usine ferme alors que la compagnie fait plus de profit que jamais, c’est parce le président trouve que c’est le moment opportun, a fait comprendre l’homme d’affaires à la retraite.  M. Mercier célébrera très bientôt ses 78 ans.

Mercier a dit que sous sa direction, la compagnie a accru son profit, et aussi sa part du marché.

En substance, Me Trudel lui a demandé pourquoi la compagnie ne recrutait pas de clients chez les non-fumeurs ?

Mercier : « Nous n’avons pas d’influence sur eux.

Me Trudel : Sur quoi vous vous basez ?

Mercier : On n’a pas de témoignage de gens qui ont commencé à cause de la publicité. »

Le témoin a parlé du rôle du comité de direction, et reconnu que ce comité approuvait le plan de marketing dans ses grandes lignes.  M. Mercier a aussi admis que le vice-président à la recherche et au développement, comme le v-p au marketing, se rapportait au président et au comité de direction.

L’ancien président d’Imperial a affirmé que la qualité des produits et des matières brutes faisait partie des sujets de préoccupations ou mandats des « R & D », mais pas des projets de recherche sur les effets des produits sur la santé.

Quand Me Trudel a voulu savoir pourquoi, Jean-Louis Mercier a dit, grosso modo, que c’était à cause de la peur instillée par les avocats de la compagnie qu’elle se fasse reprocher de faire de la recherche de mauvaise qualité, et par manque de ressources à l’époque.

M. Mercier a raconté qu’en 1972, « le Surgeon General  nous  avait donné des indications, une liste  d’éléments particulièrement indésirables ».  Nous.
Mercier a alors proposé à BAT de rechercher comment éliminer ces substances des produits de sa compagnie mais s’est heurté aux avocats, lesquels soutenaient qu’avec une pareille démarche, il y avait un risque de se faire dire que c’était une admission du caractère nocif de ces substances. 

Plus tard dans l’interrogatoire, Mercier a ajouté qu’il trouvait que la catégorisation en tant que substances nocives était celle des autorités, et a dit que la compagnie n’était pas dotée des ressources pour soutenir cette thèse ou la contredire.

À l’écoute du témoignage de l’ancien président d’Imperial Tobacco, il semble que le projet avec BAT soit tombé à l’eau mais que la compagnie canadienne ait acheté de l’équipement pour détecter les substances dans la fumée de tabac, et ait réalisé durant un bout de temps des recherches pour réduire la présence des « polluants ».

« L’argent n’était pas un obstacle », souligne M. Mercier, qui a vu dans les avis des autorités sanitaires une opportunité : si on peut réduire le taux de goudron et les autres éléments identifiés par le Surgeon General, faisons-le.

Jean-Louis Mercier a dit qu’ «avec le changement de pouvoir de 1984 » (à Ottawa), cela est tombé à l’eau.

Plus tard, et sans que le procureur des recours collectifs le questionne de près ou de loin sur la taxation du tabac, l’ancien président d’Imperial a accusé les taxes de l’ère Mulroney (1984-93)d’avoir fait baisser les ventes de cigarettes.

Le procureur Trudel a plusieurs fois interrogé M. Mercier sur les relations d’ITCL avec British American Tobacco (BAT), durant sa présidence, avant d’aboutir à la politique en matière de communication des conséquences sanitaires de l’usage du tabac.

L’ancien président a répondu qu’il n’avait pas de politique commune à ITCL, seulement des positions individuelles.

Me Trudel lui a alors demandé qu’elle était sa position personnelle.

« Ma position était que pour certains groupes de personnes, il y a un risque à consommer qui n’existe pas pour d’autres ».  Le « dilemme » consiste à les départager, selon M. Mercier.

Comme Roger Ackman, Jean-Louis Mercier ne se rappelle plus si une position sur la divulgation des risques de méfaits sanitaires avait été adoptée avant  que l’industrie décide d’apposer sur les paquets ses mises en garde « Éviter d’inhaler » et « Le danger croît avec l’usage », des mises en garde que M. Mercier a ridiculisée hier.

Comme Michel Descôteaux, Jean-Louis Mercier a attribué à quelqu’un du laboratoire d’Imperial son opinion (hypercritique) sur l’épidémiologie, qui était pourtant aussi celle de son prédécesseur Paul Paré dans une entrevue radiophonique en 1970.

Comme Ackman, Mercier se souvient d’un article du Reader’s Digest des années 1950 sur les méfaits du tabagisme.

Et pourtant, comme les témoins Descôteaux et Ackman, Mercier a dit que les méfaits sanitaires n’étaient pas un sujet de discussion ou un sujet de discussion fréquent dans l’entreprise.

C’est une chance que le procureur Trudel se soit intéressé aux vues de Jean-Louis Mercier en matière de santé à l’époque où il était président d’Imperial Tobacco, puisque ces vues paraissent singulièrement figées.

Mercier a fini par admettre que l’emphysème pouvait être causé par le tabac, mais pas au point de prévenir les consommateurs, « sinon on doit aussi le faire pour les ongles incarnés»…

Quand Me Trudel a voulu parler de maladies cardio-vasculaires, Mercier a commencé par parler de la masse corporelle d’un collègue et de son goût pour le steak, et ce n’était pas sur le ton de la plaisanterie.

Plus tard, plus prudemment, l’ancien président a dit que « notre position était que les consommateurs étaient prévenus par les avertissements sur les paquets et sur les annonces …»

Le procureur des recours collectifs a demandé si BAT faisait de la recherche sur les méfaits sanitaires du tabac, à défaut qu’ITCL en fasse. 

Jean-Louis Mercier a dit qu’il n’était pas au courant.

Avant de reposer sa question, Me Trudel a rappelé à l’ancien président que sa compagnie contribuait à financer le programme de recherche de BAT.

M. Mercier a tourné autour du pot pour dire qu’il ne s’en souvenait pas bien.

L’interrogatoire de Jean-Louis Mercier se poursuit ce jeudi.

mercredi 18 avril 2012

17e jour - 17 avril - Les questions sur le tabagisme passif seront-elles complètement exclues ?


L’interrogatoire d’Anthony Kalhok, l’influent sorcier du marketing chez Imperial dans les années 1970, a repris mardi et a absorbé la majeure partie de la journée. 

Les procureurs Bruce Johnston et André Lespérance des recours collectifs ont réaffirmé leur espoir de faire verser à l’occasion du témoignage Kalhok un lot de documents dans le dossier de la preuve.  Plusieurs documents examinés hier feront toutefois un séjour dans le purgatoire des documents admis sous réserve par le juge Riordan, documents auxquels le public et les blogueurs n’ont pas accès en ligne (… bien qu’on puisse parfois les trouver ailleurs, quand ces documents ont été divulgués à l’étranger à la suite d’ententes à l’amiable).

Une fois M. Kalhok renvoyé à son curling chéri ou à d’autres joies de sa retraite, les avocats ont repris le fil de leurs débats de la veille, pour convaincre le juge Riordan de rejeter ou d’accueillir trois témoignages d’expert sollicités par le Procureur général du Canada pour sa défense.



Les jeunes fumeurs comme objets de curiosité d’Imperial

Me Johnston a voulu savoir d’Anthony Kalhok en quoi la publicité faite par l’industrie était de son temps soumise à des limitations en ce qui concerne les adolescents.

Le spécialiste du marketing d’ITCL a précisé que la politique n’était pas « de ne pas cibler les personnes en bas de 18 ans, mais de cibler les personnes de plus de 18 ans ».

M. Kalhok a expliqué que des annonces qui auraient visé en particulier les plus jeunes aurait failli à l’objectif de rejoindre les adultes, qui sont plus nombreux et de plus gros consommateurs.

À un moment donné durant l’interrogatoire, celui qui était le grand chef du marketing de 1975 à 1979 a également déclaré que le « choix des fumeurs », c’est celui de la marque, pas de fumer.  Cet aveu paradoxal semble contredire un discours que l’industrie et ses groupes de façade ont tenu de plus en plus souvent depuis que la prévalence du tabagisme a chuté considérablement.  Le témoin a quitté l’industrie il y a une trentaine d’années…

Quand un fumeur a une marque favorite, il est souvent prêt à aller à un autre point de vente quand il ne trouve pas à s’approvisionner à un magasin particulier, a aussi remarqué Anthony Kalhok.

Revenant continuellement à des considérations sur les fumeurs débutants, le procureur des recours collectifs Bruce Johnston a demandé si, à part du code volontaire de l’industrie en matière de publicité, il y avait quelque chose d’autre qui empêchait l’industrie de faire du marketing auprès des fumeurs débutants qui avaient moins que l’âge légal. 

M. Kalhok a répondu que non.

« Le risque de créer une dépendance n’était-il pas un facteur ? », a sondé Me Johnston. 

Le témoin et homme d’affaires a répondu que non.

Plus tard, la discussion a, comme jeudi dernier, porté sur la vaste étude de marketing commandée en 1977 par ITCL et connue sous le nom de Project 16. 

Me Johnston en a lu des extraits pour savoir si certains constats avaient troublé la direction de la compagnie.

Anthony Kalhok a chaque fois répondu que non.

Me Johnston a lu notamment cette observation contenue dans le rapport : « De sérieux efforts pour apprendre à fumer surviennent dans la plupart des cas entre l’âge de 12 et de 13 ans, puis a demandé : Cela était-il un nouveau renseignement pour Imperial Tobacco à l’époque ?

Oui, a déclaré l’ancien vice-président au marketing.

Est-ce que ce constat a causé un souci ?, a demandé Me Johnston.

Témoin Kalhok : Vous devez vous rappeler qu’il s’agit du comportement prétendu de répondants âgés de 16 et 17 ans.  Cela n’a pas de validité statistique.  Nous avons été, je dirais, surpris.

Un peu plus tard, M. Kalhok, un homme mince et vif de corps et d’esprit, mais court, dont la figure offre un profil suggérant celui de l’historien Lionel Groulx, a suggéré avec un sourire espiègle, qu’il avait peut-être eu une préoccupation  pour tous ces enfants qui nuisent à leur croissance, comme sa mère l’en prévenait quand il s’est mis à fumer.

À un autre moment, quand le procureur lisait un passage du rapport sur Project 16 où il était question de la théorie du « fruit défendu », Anthony Kalhok a quasiment interrompu Me Johnston en se demandant à haute voix si on était sur le point de parler de sexe.

Le juge est intervenu avec un soupçon d’impatience pour ramener le témoin à son rôle : répondre aux questions. 

Un peu plus tôt dans l’interrogatoire d’hier, Anthony Kalhok, dans un fin mélange d’insolence et de taquinerie sans méchanceté, avait demandé au procureur Johnston si ce dernier allait fournir une plus large vue du document dont il tirait alors des citations, « pour que le tribunal se fasse une meilleure idée ». 

Cette fois-là, l’avocat avait répondu, en retenant un petit ricanement : Je vais le faire au moment que j’ai choisi.

L’intervention du juge, qu’il a plus tard compensé par moult amabilités à l’égard de M. Kalhok, ce qu’il fait pour tous les témoins, a semblé enlever au spécialiste du marketing toute envie de se laisser aller à dérider le parterre de juristes qui l’entoure, une petite faiblesse à laquelle les deux autres témoins jusqu’ici dans ce procès, Michel Descôteaux et Roger Ackman, avait aussi cédé au bout de quelques jours d’interrogatoire.

L’ancien vice-président au marketing d’Imperial Tobacco a relativisé l’importance des premières cigarettes en laissant entendre qu’elles ne sont pas vraiment du tabagisme pour sa compagnie.

Me Johnston s’est référé aux mots du rapport : Comme les fumeurs adultes, les fumeurs adolescents trouvent cela difficile d’arrêter de fumer, même s’ils prétendent vouloir le faire. 

Puis se tournant vers le témoin : Cela vous a-t-il troublé ?

Pas plus que pour le café, le coke ou n’importe quoi d’autre.  Nous prenons pour acquis que lorsque tu aimes fumer, tu aimes continuer, a répondu Anthony Kalhok.

Me Johnston : Est-ce qu’à l’époque Imperial Tobacco a jugé que les fumeurs étaient en mesure de donner à votre entreprise ou à un autre fabricant un consentement éclairé d’adulte ?

Je ne comprends pas votre question, a dit M. Kalhok.

Me Johnston : Comprenez-vous le concept de consentement éclairé ?

Probablement pas », a répondu l’homme du marketing.

Est-ce que cette information avait une influence sur la stratégie de marketing, dans le sens d’un redoublement de précaution, a demandé le procureur Johnston.

Pas vraiment.  Comme j’ai dit, [l’idée qu’il est difficile d’arrêter] n’était pas une nouvelle, a répondu l’observateur du marché.

Me Johnston, citant de nouveau un passage des conclusions du rapport : Les jeunes ne modèrent pas leur comportement sous l’influence de souci des conséquences futures.  C’est en partie parce qu’ils ne les comprennent pas encore réellement, et parce que le futur signifie pour eux la semaine prochaine, le mois prochain, l’année prochaine à la rigueur.  Cela ne signifie pas dans cinquante ans, ou même dans cinq ans. 

Puis, se tournant vers le témoin : Est-ce que ce renseignement n’a incité personne à demander comment cette méprise pouvait être corrigée ?

Anthony Kalhok : Les faits étaient que le moment du plaisir [timing of pleasure] et le moment d’un risque potentiel étaient éloignés l’un de l’autre, et que les jeunes les percevaient comme éloignés l’un de l’autre.  Il n’y avait rien à corriger. »

L’interrogatoire a continué, abordant notamment la notion de l’influence des pairs ainsi que les trois « raisons de fumer » que seraient l’acceptation par la société, le souci de l’indépendance personnelle et le plaisir de fumer.  Imperial en savait, des choses.  Du moins, son vice-président au marketing voulait savoir.

À un moment donné, après avoir entendu Me Johnston lire un autre extrait de texte, Anthony Kalhok a répondu brièvement à la question et enchaîné en disant qu’il aimerait savoir ce que les jeunes fumeurs d’aujourd’hui, qu’il voit fumer dehors notamment en allant au curling, pensent, surtout avec les mises en garde sanitaires illustrées sur les paquets. 

Par ailleurs, Anthony Kalhok estimait que l’information que sa compagnie colligeait serait nécessairement moins crédible que celle en provenance du gouvernement.

À un autre moment, lorsque le procureur Johnston a examiné avec le témoin des pièces (objets d’une réserve) se rapportant à une campagne de publicité où on voyait de jeunes personnes sur des chevaux, le spécialiste du marketing a répété qu’une cigarette n’est pas un produit que les fumeurs consomment comme un autre, ils consomment plutôt une image que le produit leur donne d’eux-mêmes.  C’est principalement pourquoi une Du Maurier n’égale pas une Matinée qui n’égale pas une Export A qui n’égale pas une Peter Jackson.



Pas de question sur le tabagisme passif

Dans le procès-verbal d’une réunion du 26 mai 1975 du comité Smoking and Health de la compagnie, on trouve la suggestion, finalement rejetée, d’une campagne incitant à la modération dans la consommation de tabac.  Il semble que des gens de l’industrie ont envisagé de mettre de l’avant le parallèle entre la consommation de boissons alcoolisées et celle de tabac.

La campagne aurait aussi servi à réfuter les allégations de la nocivité du tabagisme passif, lesquelles mettent des pressions sur les fumeurs sans être basées sur la science, selon l’industrie.  (Cette suggestion, en revanche, a connu une carrière éclatante, comme l’a souligné, entre autres, la juge américaine Gladys Kessler dans son célèbre et volumineux jugement de 2006.)

Le témoin Kalhok a été envoyé dans le corridor, et le juge Riordan a décidé que la question de Johnston sur les conceptions d’Imperial en matière de tabagisme passif ne devrait pas être posée.

*

Autres perles de la journée : un résumé de recherches réalisé en 1977 par une employé du département de marketing qui conclut que les fumeurs vont continuer de fumer s’ils trouvent de la douceur dans un produit et se croient plus proche du statut de non-fumeurs; un aveu par le vice-président Robert Gibb que l’industrie ne sait pas si des cigarettes avec basse teneur sont vraiment moins dangereuses

Une déception longuement commentée par Me André Lespérance :  la défense d’Imperial n’a toujours pas livré le communiqué de presse de 1998 où la compagnie répondait aux allégations de l’Association pour les droits des non-fumeurs à propos de la destruction de documents.

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En fin d’après-midi hier, les avocats Maurice Régnier, pour le compte du gouvernement fédéral, André Lespérance, pour les recours collectifs, Suzanne Côté et Simon Potter, pour les cigarettiers, puis de nouveau Jean Leclerc et Maurice Régnier, ont terminé leurs plaidoiries à propos de l’admission ou non des témoignages d’expert

Me Régnier attend toujours mais avec impatience les admissions des cigarettiers quant au rôle du gouvernement du Canada, et prétend que les compagnies agissent comme si elles voulaient rejeter sur l'État fédéral tous les blâmes qui leur sont adressés, et non pas seulement dénoncer l’influence qu’Agriculture Canada aurait eu sur elles dans les années 1960.

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L’interrogatoire d’Anthony Kalhok devrait se terminer ce matin.

Dans l’après-midi commencera l’interrogatoire de Jean-Louis Mercier, un ancien président d’Imperial Tobacco au Canada.

mardi 17 avril 2012

16e jour – 16 avril – Plaidoiries sur l’admissibilité et la pertinence de certains témoignages d’experts

Pour se défendre dans un procès où le gouvernement fédéral canadien a été impliqué comme « défenseur en garantie » par les manœuvres judiciaires des trois grands cigarettiers, le Procureur général du Canada a soumis quatre témoignages d’expert à la Cour supérieure du Québec.

Les avocats d’Imperial Tobacco Canada (ITCL) et de Rothmans Benson and Hedges (RBH) ont plaidé hier devant le juge Riordan que trois de ces témoignages d’expert devraient être radiés, ne pas être admis en preuve. Les avocats des cabinets juridiques qui représentent le gouvernement ont justifié verbalement le recours à ces témoignages.

Rappelons que le gouvernement d’Ottawa est mis en cause dans ce procès parce que les compagnies de tabac intimées l’y ont impliqué en 2008 en prétendant qu’elles avaient agi sous son influence, de sorte que l’État fédéral devrait payer une partie ou la totalité des dédommagements aux plaignants si ceux-ci gagnaient leur procès.
Lors des interrogatoires des témoins Descôteaux en mars et Ackman lors de la première semaine d’avril, la défense d’ITCL a régulièrement soulevé des objections aux questions des procureurs des recours collectifs, des objections concernant le niveau de compétence du témoin, à qui il suffisait quasiment de réaffirmer qu’il n’était pas scientifique de formation pour pouvoir s’abstenir d’admettre que 2 + 2 ≠ 5 ou qu’un rat est un rat.

Par contraste, lors des plaidoiries de ce lundi 16 avril, Me Suzanne Côté, pour le compte d’ITCL, a cherché à faire radier par le juge Brian Riordan un témoignage d’expert, celui du biochimiste et toxicologue Leonard Ritter de l’Université de Guelph, en Ontario, au motif principal que le juge Riordan en savait maintenant assez pour pouvoir se prononcer sans l’aide d’un expert, du moins celui-là. Me Côté a aussi affirmé et cherché à montrer que le professeur Ritter manquait d’impartialité, ce qui le disqualifiait comme expert.
Me Simon Potter, pour le compte de RBH, a de son côté mis en doute la pertinence des témoignages du Dr David Burns, pneumologue et épidémiologue de l’École de médecine de l’Université de Californie à San Diego, de même que de l’ingénieur américain et docteur en chimie William Farone.

L’avocat de RBH a reproché au Dr Burns de vouloir aider la cause des recours collectifs plutôt que d’aider la défense du gouvernement, notamment en témoignant que l’industrie avait conçu ses cigarettes pour faciliter la « compensation » par les fumeurs d’un manque de nicotine par l’usage de produits ayant une basse teneur en cette drogue. Me Potter a surtout insisté sur le caractère trop peu canadien des références factuelles de David Burns et de William Farone, un défaut de leurs témoignages d’expert qui n’aide pas le Procureur général du Canada à justifier, par exemple, les agissements du ministère fédéral de l’Agriculture dans les années 1960. Me Potter a dénoncé la survalorisation par le chimiste Farone de sa propre expérience et signalé que ce dernier avait été congédié de chez Philip Morris pour insubordination tout en présentant maintenant comme une démonstration d’expertise son passage dans la multinationale du tabac.
Seuls Me Côté et Me Potter ont plaidé pour les compagnies de tabac hier; les avocats de JTI-Macdonald qui étaient présents n’ont pas demandé la parole.


La réplique du gouvernement
Le conseiller juridique Donald Béchard, qui est notamment l’auteur du Manuel de l’objection, avait été chargé par le bureau du Procureur général du Canada de livrer la première partie du plaidoyer en faveur de l’admission des témoignages des experts Ritter, Burns et Farone. Me Béchard s’est notamment employé à démolir l’argumentaire jurisprudentielle de Me Suzanne Côté d’ITCL, et il a aussi cité des portions du témoignage du professeur Ritter pour prouver la complexité terminologique du sujet et la pertinence de le faire vulgariser.

Donald Béchard a déploré qu’après avoir forcé le gouvernement fédéral à agir comme défenseur en garantie dans la présente cause, les compagnies de tabac veuillent maintenant lui dire comment il doit se défendre. L’avocat a dit que le gouvernement allait prouver que ce qui s’est passé aux États-Unis s’est aussi passé au Canada, et fait valoir que les faits américains sont pertinents.

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Le procureur Jean Leclerc, qui a été aux premières loges du procès depuis le 12 mars, en compagnie de Me Maurice Régnier, Me Caroline Tremblay et Me Lisa Morency qui représentent aussi le Procureur général du Canada, n’était pas fâché de se dégourdir les jambes et de s’avancer vers le juge.

Me Leclerc a plaidé en faveur de l’admission des témoignages du professeur Ritter et du Dr Burns, notamment en déplorant la vue distordue des deux rapports d’expert qui résultait du picorage (L’avocat a employé l’expression cherrypicking.) auquel s’étaient livrés les défenseurs des cigarettiers.
L’avocat du gouvernement a fait valoir que les experts Ritter et Burns avaient déjà tous deux produit des témoignages devant des tribunaux québécois, le professeur Ritter ayant même mérité les éloges du juge André Denis de la Cour supérieure du Québec. Me Leclerc a aussi corrigé Me Potter à l’effet que le témoignage du Dr Burns avait été rejeté par le juge Jean-Jude Chabot lors d’une phase survenue en 1989 du procès de la Loi réglementant les produits du tabac: en fin de compte, le médecin californien a témoigné.

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Comme le 12 mars, lors des plaidoiries inaugurales au procès, Me Maurice Régnier, du cabinet Gilbert Simard Tremblay, qui représente le gouvernement fédéral depuis plusieurs années, a pris la parole le dernier, alors que l’après-midi était cette fois-ci fort avancé. La courtoisie et la souplesse comportent souvent une part de risque, et cette fois-ci, malgré sa remarquable maîtrise du sujet, le procureur n’a cependant pas pu terminer son exposé et devra finir ce matin.

Maurice Régnier a tout de même pu expliquer en quoi le rapport Farone servait précisément au gouvernement à montrer que les fabricants de produits du tabac, au Canada aussi bien qu’aux États-Unis, pouvaient et peuvent en contrôler la teneur en nicotine, sans beaucoup d’égard aux caractéristiques intrinsèques des plants de tabac utilisés.
Il y a un monde entre ce qui pousse dans le champ et ce qui se retrouve dans la cigarette ou dans la fumée de la cigarette, s’est exclamé Me Régnier.

Ce dernier a notamment voulu frapper les imaginations en énumérant les quantités de nicotine dans différentes marques canadiennes à une époque où elles étaient toutes fabriquées selon l’industrie à partir de souches de tabac développées par les botanistes d’Agriculture Canada. Non seulement la quantité de nicotine dans la fumée de ces cigarettes variaient énormément, mais le ratio de la quantité de nicotine à la quantité de goudron varie aussi grandement, ce dont le témoin Anthony Kalhok, comme d’autres cadres de l’industrie, mentionnait pourtant la semaine dernière l’immense difficulté, pour ne pas dire l’impossibilité.
Le procureur du gouvernement a souligné qu’avec les transformations du mélange qui surviennent après la récolte et grâce au design de la cigarette elle-même, la manipulation est le fait de l’industrie, à qui le gouvernement a déjà demandé d’abaisser la quantité de goudron et de nicotine de ses produits, sans jamais fixer de niveau à atteindre particulier

Me Régnier a aussi pris le temps de citer la juge américaine Gladys Kessler, dans son célèbre jugement de 2006 dévastateur pour l’industrie. La juge Kessler a accordé foi aux témoignages de David Burns et de William Farone, qu’elle a encensés, et a statué que les cigarettes sont faits sur mesure (tailored) pour garantir au fumeur de trouver sa dose de nicotine dans presque n’importe quelle cigarette.
Aux yeux du procureur Régnier, le témoignage du chimiste Farone va aussi permettre de savoir si les cigarettiers canadiens jouent sur les mots en prétendant que l’ammoniac n’est pas utilisé dans la confection de leurs produits.

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L’ancien vice-président au marketing d’Imperial Anthony Kalhok revient en Cour aujourd’hui pour répondre à des questions que les procureurs n’ont pas eu le temps de lui poser jeudi dernier.

dimanche 15 avril 2012

Documents versés au dossier de la preuve lors de la 4e semaine (9 au 13 avril)


Anthony Kalhok, né en 1942, a travaillé pour le département du marketing d’Imperial Tobacco (ITCL) de 1965 à 1979, et fut le vice-président au marketing de la compagnie de 1975 à 1979, avant de passer environ six ans à Imasco, le holding qui possédait ITCL et qui était contrôlé par la multinationale British American Tobacco (BAT).

Après trois jours de comparution de M. Kalhok devant la Cour supérieure du Québec, du mardi 11 au jeudi 13 avril inclusivement, voici, classés par thèmes (3 thèmes) et par ordre d’ancienneté (de 1971 à 1978), des documents que son témoignage a permis de verser comme pièces au dossier de la preuve au procès des trois grands cigarettiers canadiens.

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Recherche sur les fumeurs canadiens


7 mai 1971
Fall 1970 - 8M French Quebec vs. rest of Canada
Résultats d’un sondage réalisé chaque saison par la firme Canadian Facts pour le compte d’Imperial Tobacco.  On pouvait y voir l’influence sur le taux de tabagisme de variables comme le niveau d’éducation, le sexe et l’âge.  On pouvait aussi y voir une tendance au tabagisme plus forte chez les Québécois que chez les autres Canadiens.


26 août 1971
CMA - August Highlights
Ce sondage mesurait à quel point le public associe des marques de produits offerts par Imperial Tobaccco à différentes activités commanditées par la compagnie, telles que le ballet, le golf ou les courses d’automobiles.

Août 1975
Exact age started smoking on a regular basis. CMA
Résultats d’une analyse du comportement tabagique des adolescents réalisée pour le compte d’Imperial

Septembre 1975
Smokers' starting age
Mémorandum décrivant les résultats du document 139A.

Mars 1977
1977 - Transparencies
Aperçu de l’évolution à partir de 1971 des taux d’abandon, des intentions d’arrêt tabagique et des croyances des fumeurs concernant les risques sanitaires du tabagisme

Juin 1977
1977 Segmentation of the French and English Speaking Canadian cigarette markets.
Rapport de 161 pages sur le potentiel de succès de diverses nouvelles marques de produits du tabac en fonction des caractéristiques socio-démographiques des marchés, d’après les résultats d’une recherche réalisée par Market Facts pour le compte d’ITCL

Septembre 1977
Project 16
Proposition par le consultant Kwechansky aux entreprises de BAT, dont ITCL, d’étudier le comportement tabagique des jeunes de 16 et 17 ans à l’aide de groupes de discussion

Octobre 1977
Project 16 - English Youth
Rapport de 111 pages de Kwechansky Research sur le résultat des groupes de discussion de jeunes de 16 et 17 ans

Avril 1978
Smoking and Health. Low and high health concerned smokers.
Analyse plus poussée des données contenues dans la pièce 130, portant sur les différences d’attitude des fumeurs en fonction de leurs préoccupations sanitaires

Développement de produits

pièce 136
Juin 1972
Project "Gatwick"

Septembre 1972
Project Gatwick
Rapport sur le développement d’une nouvelle Player’s à basse teneur en goudron et en nicotine, destinée à répondre aux préoccupations sanitaires des fumeurs tout en les satisfaisant en nicotine ; ample discussion des contraintes d’une cigarette « plus sûre », en termes de marketing.



Politiques de l’entreprise

Mars 1976
The effect of restrictions on current marketing and marketing in the future
Une analyse détaillée, rédigée par Anthony Kalhok et Philip L. Short de BAT, en vue d’une réunion au sommet des dirigeants des filiales de BAT à travers le monde, et faisant valoir la nécessité de réorienter les communications avec le marché, afin de contrer un climat social décourageant pour les fumeurs.

Mai 1976
Un mémorandum de Philip Short proposant de nouvelles pistes de recherche et activités de communication fondées sur le contenu de la pièce 113.

Mai 1976
Compte-rendu d’une réunion de responsables des relations publiques, du marketing ainsi que de la recherche et du développement chez ITCL : lors de cette réunion est décidée la formation d’un groupe de travail pour guider l’entreprise vers une nouvelle politique de communication des risques sanitaires du tabagisme et pour adopter des mesures visant à accroître l’ « acceptabilité sociale » du tabagisme

Mai 1976
Compte-rendu d’une réunion de cadres d’ITCL où l’analyse Kalhok-Short (pièce 113) est discutée, et où un consensus se dégage sur un certain nombre de facteurs décrivant l’environnement des fumeurs.  Parmi les recommandations, celle de concevoir et d’appliquer un programme pour contrer la publicité négative.

Mai 1976
Smoking and Health - Some probable questions and possible answers
Argumentaire concernant les conséquences sanitaires du tabagisme

Juillet 1976
Visit to Southampton R&D by Messrs. Kalhok and Clark
Notes de spécialistes du marketing d’ITCL  à la suite de  leur visite de l’unité de recherche de BAT à Southampton, au Royaume-Uni; visite faite à l’occasion d’une réunion où furent examinées des études sur le comportement des fumeurs, notamment le comportement de compensation, et sur les moyens de concevoir des cigarettes procurant des doses plus fortes de nicotine

Juillet 1976
Cigarettes of the Future
Mémorandum du directeur de la recherche chez ITCL à Anthony Kalhok, mémo auquel est joint un rapport scientifique par MAH Russel concernant la compensation dans le comportement des fumeurs

Août 1976
Marketing in the 80's: A review of strategies related to smoking and health
Notes écrites en prévision d’une réunion de marketing à Chelwood (Royaume-Uni) qui a suivi la réunion au sommet des dirigeants de filiales de BAT où le rapport Kalhok-Short (pièce 113 au dossier) a été discuté et a établi un consensus

Octobre 1976
Additional notes at Chelwood
Rapport sur la réunion à Chelwood, où apparaissent quelques conclusions sur le comportement de compensation des fumeurs (« ils inhalent plus profondément, plus longtemps et plus souvent »), leur besoin de nicotine, leur dépendance de cette drogue, et les fumeurs sujets à devenir dépendants.

Octobre 1976
Minutes concerning trip to Chelwood.
Procès-verbal des décisions prises et des recommandations formulées lors de la conférence des spécialistes en marketing à Chelwood; insistance sur la pertinence d’accroître les communications positives sur les conséquences sanitaires du tabagisme. Cela inclut des recommandations à l’effet d’identifier les bénéfices du tabagisme et de les exploiter, autant pour contrer le climat antitabagique que comme une aide à la promotion du tabagisme, si c’est possible.

Février 1977
Smoking & Health: The Position of Imperial Tobacco
Directives envisagées pour les communications d’ITCL

Février 1977
Position of Imperial Tobacco - An Explanation
Commentaires et explications des directives contenues dans la pièce 125A

Mars 1977
S&H - ITL Position Paper February (5R).
Lettre du directeur de la recherche (et scientifique de formation) Robert Gibb à un autre cadre d’Imperial Tobacco recommandant un changement dans la position de la compagnie envisagée dans la pièce 125A, afin d’ «avoir de la crédibilité aux yeux des gens raisonnables et informés».

Mars 1977
Initiating a proposed action plan (ITL S&H Position)
Plan pour que le travail de neutralisation des activités contre le tabagisme soit réalisé par des ressources internes à la compagnie Imperial plutôt que délégué au Conseil canadien des fabricants de produits du tabac

Avril 1978
Smoking and Health - basic assumptions
L’avis d’Anthony Kalhok sur des assertions de BAT qu’il trouvait importantes quant à l’avenir de l’industrie. «Nous allons devoir trouver des moyens de bloquer l’application des mesures [législatives] mentionnées ou de contrer leur effet .»