mercredi 14 mars 2012

2e jour - 13 mars - Premier interrogatoire et changement d'atmosphère


Me Bruce Johnston, pour le compte des recours collectifs, a commencé hier l’interrogatoire de M. Michel Descôteaux, qui fut à l’emploi d’Imperial Tobacco Canada Limitée de 1965 à 2002, et notamment directeur des relations publiques de la compagnie, de 1972 à 2000.  Pendant son passage aux affaires publiques d’ITC, M. Descôteaux était aussi actif pour le compte de la compagnie au sein de l’Association canadienne des fabricants de produits du tabac, la voix par excellence de l’industrie cigarettière au pays.

L’interrogatoire d’hier s’est déroulé en anglais, à la demande du témoin.

Les questions de l’avocat visaient notamment à savoir ce qu’un porte-parole corporatif de haut niveau comme M. Descôteaux savait à l’époque des maladies causées par l’usage de la cigarette.  L’interrogatoire visait aussi à connaître ce que percevait M. Descôteaux du degré d’indépendance d’ITCL vis-à-vis de la multinationale qui contrôle la compagnie canadienne depuis 1970, British American Tobacco (BAT). 

Par ses réponses, M. Descôteaux a donné de lui-même l’image d’un relationniste très courtois mais extrêmement dépourvu de curiosité et capable d’oublier les affaires les plus controversées.

Les méfaits du tabac

En 1969, devant une commission parlementaire à Ottawa, la commission Isabelle, ITCL avait prétendu qu’il n’y avait pas de preuve que le tabagisme causait des maladies chez les humains.  En 2000, lors d’une autre commission parlementaire à Ottawa, plus précisément devant le Sénat, la  compagnie reconnaissait que le tabac pouvait rendre malade certaines personnes.  M. Descôteaux a déclaré hier qu’il était d’accord et à l’aise avec la position qu’avait la compagnie à son arrivée et qu’il l’était encore avec la position de 2000, mais ne se souvenait pas du moment où il a pu commencer à changer d’idée, ni d’aucun événement au sein de l’entreprise qui aurait fait « évoluer » le point de vue officiel, ni d’avoir lu de recherches scientifiques sur les méfaits du tabac.

À plus d’une reprise, M. Descôteaux a déclaré qu’il n’était pas scientifique et qu’il ne lisait pas d’études scientifiques parce que présumant ne rien pouvoir y comprendre.  Il a aussi déclaré qu’il valait mieux se fier aux avis des médecins qu’aux siens, lorsqu’il s’agit, par exemple, de la conduite à adopter par les fumeuses enceintes.

Néanmoins, dans une note adressée en février 1981 à M. Robert Gibb, le responsable de la recherche et du développement chez ITCL à l’époque et un scientifique de formation, M. Descôteaux a écrit, en anglais, qu’il serait étonné (amazed) que BAT soit d’accord avec l’avis des docteurs (doctors) concernant les femmes enceintes, et « que [les docteurs] devraient formuler leur paragraphe différemment, suivant les lignes suivantes : “Néanmoins, en l’absence de réponses définitives à la question, plusieurs médecins recommandent à leurs patientes enceintes de modifier leurs habitudes tabagiques ….“  (l’auteur du blogue souligne)

Dans une note adressée à son supérieur Jean-Louis Mercier en juillet 1979, M. Descôteaux a préconisé une campagne proactive à propos du tabagisme et des questions de santé à mener avec les employés de la compagnie, en usine et dans l’équipe de vente.  Le relationniste soulignait aussi que l’accord de BAT devrait cependant précéder l’impression des dépliants envisagés pour cette campagne.

L’interrogatoire de M. Descôteaux se poursuit aujourd’hui et jeudi.

Mais déjà, l’atmosphère a changé entre lundi et mardi.  Lundi, ni le juge ni aucun juriste ne portait de toge dans la salle d’audience.  Avec l’arrivée d’un premier témoin, le juge a requis le port de la toge.  Et un lent tournoi de joueurs d’échecs a commencé entre le procureur et le témoin, ce qui n’est pas de nature à attirer autant de monde.  Et de fait, toutes les personnes présentes ont pu trouver une place assise.